Gouvernorats .
Le premier ministre, Essam Charaf, a décidé cette semaine de
procéder à un ample remaniement de gouverneurs. 20 nouveaux
ont été nommés, en plus de 6 adjoints au Caire, à Guiza et à
Alexandrie.
Les anciennes têtes tombent
Outre
la nomination de 20 gouverneurs, le gouvernement a aussi
décidé d’annuler deux nouveaux gouvernorats, à savoir ceux
du 6 Octobre et de Hélouan, créés par l’ancien gouvernement
Nazif. Ces deux régions seront à nouveau rattachées
respectivement aux gouvernorats de Guiza et du Caire.
Ce remaniement est le plus important opéré depuis des
années. Il répond aux exigences des jeunes de la révolution
du 25 janvier. Depuis quelques semaines déjà, les
révolutionnaires réclamaient le départ des anciens
gouverneurs qui « faisaient partie de l’ancien régime » et
donc devaient être exclus. Ces exigences étaient plus vives
dans les gouvernorats qui ont témoigné d’actes de violence
et de heurts entre les policiers et les citoyens pendant la
révolution et qui ont été le théâtre de répression policière
à l’encontre des citoyens.
Les gouvernorats du Caire, de Guiza et d’Alexandrie sont les
premiers concernés par le remaniement. Au Caire, l’ancien
gouverneur Abdel-Azim Wazir, très critiqué dernièrement, a
été remplacé par l’ingénieur Abdel-Qawi Khalifa, ancien PDG
de la société d’eau potable et du drainage sanitaire. Ce
dernier a annoncé d’emblée que la circulation, les zones
sauvages et la propreté seront ses priorités au cours de la
prochaine période. L’ancien président de l’Université du
Caire, Ali Abdel-Rahmane, a été, lui, nommé comme gouverneur
de Guiza à la place de l’ingénieur Sayed Abdel-Aziz. A
Alexandrie, l’ancien président de l’Université d’Alexandrie,
Essam Salem, a pris la place de Adel Labib à la tête du
gouvernorat. Le gouvernorat de Suez, qui a témoigné durant
la révolution d’affrontements sanglants entre les citoyens
et la police, a reçu lui aussi un nouveau gouverneur après
l’exclusion du général Seifeddine Galal et l’arrivée du
général Mohamad Abdel-Moneim Hachem. Cinq gouverneurs ont
cependant conservé leurs postes avec ce remaniement. Il
s’agit des gouverneurs d’Assouan, de la mer Rouge, du Sud et
du Nord du Sinaï et de Kafr Al-Cheikh.
La nomination de certains gouverneurs a cependant été
contestée et perçue comme négative par certains citoyens.
C’est le cas notamment dans le gouvernorat de Qéna, au sud
de l’Egypte, où des milliers de citoyens ont manifesté pour
exprimer leur rejet du choix du général Emad Chéhata Mikhaïl
à la tête du gouvernorat, étant donné qu’il est chrétien et
qu’il appartient à l’institution sécuritaire. Les citoyens
ont organisé un sit-in pour réclamer le départ du nouveau
gouverneur et exiger la nomination d’un autre civil à sa
place. Le même scénario s’est produit à Minya en
Haute-Egypte où, là aussi, la population a manifesté pour
exprimer son refus du nouveau gouverneur, le général Samir
Sallam, qui est, selon eux, l’un des symboles du régime
Moubarak.
Crainte de perdre leurs emplois
La décision d’annuler les deux gouvernorats créés par le
précédent gouvernement d’Ahmad Nazif à Hélouan et au 6
Octobre, et de les intégrer aux gouvernorats du Caire et de
Guiza, est de même contestée. Une centaine d’employés des
deux anciens gouvernorats ont manifesté devant le Conseil
des ministres au Caire pour exprimer leur crainte de perdre
leurs emplois.
Il n’empêche que le remaniement a donné lieu à un certain
apaisement au sein de la population, qui demandait depuis
les premiers jours de la révolution un changement de
gouverneurs. Au niveau politique, cette décision est
considérée comme un pas positif qui doit être suivi d’un
autre, c’est-à-dire un changement des conseils municipaux. «
Cette décision de changer 20 gouverneurs, surtout ceux qui
étaient à l’origine de la violence et qui ont commis des
crimes, est une étape importante mais elle doit être suivie
par d’autres changements dans les politiques et pas
seulement dans les personnes », explique Emad Gad, chercheur
au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS)
d’Al-Ahram. Et d’affirmer que le poste de gouverneur doit
être plus politique que sécuritaire.
En effet, la plupart des gouverneurs provenaient sous le
régime Moubarak des institutions sécuritaires et de l’armée.
Ce qui permettait au régime de maintenir sa mainmise sur les
provinces. Certains spécialistes affirment que la manière
par laquelle les gouverneurs sont choisis doit aussi être
revue. « On peut encore accepter ce changement, car nous
sommes en période de transition, mais nous devons penser à
une autre manière de nommer les gouverneurs. Je crois
personnellement que l’élection directe est le meilleur
moyen, car cela permet de respecter la volonté des citoyens
dans chaque gouvernorat. Ils savent plus que quiconque
quelle personnalité est la plus apte à présenter des
services et laquelle est la plus apte à répondre à leurs
attentes », conclut Moustapha Olwi, professeur de sciences
politiques à l’Université du Caire.
Sabah
Sabet