Transition Politique
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Le juge et le spécialiste du droit constitutionnel,
Ibrahim Darwish, estime que le Conseil suprême des
forces armées est le seul responsable de la crise actuelle
en Egypte.
« Nous sommes en train de construire
un nouveau système
politique sans bases constitutionnelles réelles »
Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la phase actuelle
marquée par le chaos, la violence et une escalade contre le
Conseil militaire ?
Ibrahim Darwish :
Il faut avouer que nous sommes dans une phase très délicate.
Tout cela est dû aux erreurs du Conseil militaire qui,
depuis son arrivée au pouvoir, ne fait que prendre des
décisions faibles et lentes. Il faut faire une rétrospective
pour savoir que depuis la chute du régime, ce Conseil
militaire n’a pas été franc avec le peuple. Il a tenté de
garantir à Moubarak un départ non humiliant en cédant ou en
transmettant le pouvoir, ce qui n’était pas constitutionnel.
Tout ceci pour ne pas avouer que Moubarak a été déchu et que
son régime a été renversé. Même les réformes
constitutionnelles qu’il a faites, elles n’étaient pas
légales puisqu’elles avaient pour base une Constitution —
celle de 71 — qui a chuté avec la révolution. Toutes ces
erreurs ont conduit l’Egypte à son état actuel : chaos et
désordre. Chose que le Conseil militaire n’a réalisé que
très tard. Il vient de se rendre compte que le pays se
précipite vers l’abîme. Profitant de ce désordre, les Frères
musulmans ont commencé à s’imposer sur la scène politique.
Celui-ci n’a pas promulgué une seule décision économique
durant toute la période à la tête de l’Etat, puisque tous
les gouvernements qu’il a nommés étaient faibles. C’est
alarmant. On peut difficilement parler de tentatives
concrètes pour sortir de cette crise.
— Mais il existe actuellement des propositions pour sortir
de la crise en accélérant les élections présidentielles ou
encore en transmettant le pouvoir à un président du
Parlement élu. Qu’en pensez-vous ?
—
Tantawi a émis il y a quelques jours un décret stipulant que
la première séance du Parlement sera tenue le 23 janvier
prochain. Ceci n’est pas constitutionnel, car les
représentants du pouvoir législatif ne seront pas au
complet, étant donné que les élections du Conseil
consultatif n’auront pas été organisées. Je pense que le
Conseil militaire continue à agir de manière irrationnelle.
Ses décisions contredisent la déclaration constitutionnelle
qu’il a lui-même rédigée.
— Mais n’est-ce pas le peuple a appelé à des solutions
pareilles ?
—
Je pense que le peuple n’était même pas prêt pour les
élections. Nous sommes actuellement en train de construire
un nouveau système politique sans bases constitutionnelles
réelles. Ni les Frères ni les salafistes ne seront capables
de rédiger une Constitution qui peut faire avancer le pays.
Chacun d’eux a ses propres intérêts, surtout que le gâteau
leur a été offert et très facilement. Et si on continue
ainsi, nous allons construire un Etat contrôlé par les
islamistes. Nous sommes même en train de le faire.
— Beaucoup d’accusations sont portées en ce moment sur les
socialistes révolutionnaires et les enfants abandonnés.
Qu’en pensez-vous ?
—
C’est le Conseil militaire qui lance ces accusations pour
être à l’abri des critiques. Le seul responsable de ce
désordre c’est le Conseil. Il est le seul responsable de ce
qui arrive dans notre pays.
— Vous parlez d’un vrai chaos, que prédisez-vous pour la
période à venir ?
—
Personnellement, je pense que les deux chambres du Parlement
n’iront pas au bout de leur mandat. Par conséquent, elles ne
pourront pas rédiger la nouvelle Constitution. Je m’attends
très bientôt à un coup d’Etat et à une deuxième révolution
contre le Conseil militaire. J’en suis sûr. Mais ce serait
une foutaise d’accélérer les présidentielles ou de nommer le
prochain chef du Parlement au poste de président de la
République.
— Quels sont, selon vous, les moyens de sortir de cette
crise ?
—
En fait, il n’existe qu’une seule solution pour sortir de
cette crise. Le Conseil militaire doit l’appliquer s’il veut
vraiment l’intérêt de ce pays. Tantawi doit absolument
désigner un nouveau gouvernement constitué principalement de
jeunes issus des différents mouvements et tendances qui ont
fait leur apparition avec la révolution. Il doit présider
lui-même ce gouvernement pour être le seul responsable
devant le peuple. En outre, il doit absolument mettre fin à
la mission du Conseil suprême ou au moins le geler, car ses
membres ne font que dire des bêtises accusant sans preuve
les manifestants de trahison ou d’avoir reçu des sommes de
l’étranger, ce qui aggrave la situation. De plus, le Conseil
militaire, avec ses 3 gouvernements, n’ont fait que ralentir
le jugement du président déchu et les membres de son
régime.
— Mais nous savons tous que le Conseil refuse l’application
d’une telle solution. Quelles sont les autres solutions
applicables selon vous ?
—
Le Conseil n’a pas le choix. L’arrivée des jeunes
révolutionnaires au gouvernement est la seule issue pour que
ce pays traverse cette crise. Et il n’y aura pas de crainte
quant au pouvoir fourni à Tantawi.
Propos recueillis par Chaïmaa Abdel-Hamid