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 Semaine du 2 au 8 novembrer 2011, numéro 895

 

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Opinion

Quelle similitude entre Ennahda et les Frères musulmans ?
Hicham Mourad

Les islamistes d’Egypte, Frères musulmans en tête, doivent se sentir confiants en les résultats des prochaines élections législatives, prévues le 28 novembre, après le score obtenu par leurs pairs en Tunisie. En raflant 90 sur les 217 sièges de l’Assemblée constituante tunisienne (41,47 %), les islamistes d’Ennahda sont sortis les grands gagnants des premières législatives depuis la chute de l’ex-président Bin Ali. Ils n’ont toutefois pas obtenu la majorité absolue qui leur permettrait de gouverner seuls. Ils doivent désormais composer avec les forces séculières de gauche pour former une coalition gouvernementale qui dirigera le pays pendant la période de transition.

L’exemple tunisien fera-t-il des émules en Egypte ? Tout semble l’indiquer. Le Parti Liberté et Justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans, devrait l’emporter lors des prochaines législatives, prévues le 28 novembre, avec cependant un score moins important — 25 à 30 % des voix selon les estimations — que celui réalisé par Ennahda en Tunisie. C’est que l’échiquier politique en Egypte est sensiblement différent de celui de la Tunisie. Alors qu’Ennahda est la seule véritable force politique islamiste en Tunisie, le courant islamiste en Egypte est beaucoup plus diversifié, entre les modérés des Frères musulmans, les salafistes radicaux et les soufis apolitiques. Les salafistes, crédités de quelque 10 % des voix, doivent entrer en compétition avec le PLJ, malgré les points communs qui les rapprochent, notamment la volonté d’appliquer la charia (loi islamique). Le PLJ est lui-même en compétition avec une frange dissidente composée de jeunes Frères, des réformistes qui contestent les méthodes de direction et de gestion de la confrérie et son manque de démocratie interne. Les soufis, enfin, bien que revendiquant quelque 10 à 15 millions de disciples, ne devraient pas peser beaucoup lors des prochaines législatives. Eparpillés entre quelque 80 tariqa (confréries), réfractaires à l’action politique, malgré le danger que représente pour eux la montée du salafisme, leurs voix devraient se disperser entre la multitude de partis politiques en lice, bien qu’un parti, Al-Tahrir, ait été spécialement créé pour attirer leurs suffrages et faire contrepoids à ceux des salafistes et des Frères.

Une différence majeure entre le courant islamiste en Tunisie, représenté par Ennahda, et celui d’Egypte, formé essentiellement des Frères et des salafistes, se situe dans leur orientation politique. Les islamistes tunisiens sont plus modérés et plus flexibles dans leur vision de l’islam politique et prennent ouvertement comme exemple le Parti turc de la justice et du développement (AKP). Ils s’accommoderaient d’un système politique libéral. Au lendemain de leur victoire électorale, les responsables d’Ennahda ont multiplié les déclarations rassurantes sur le respect des libertés fondamentales et individuelles à l’adresse des libéraux et des femmes en Tunisie ainsi que des partenaires occidentaux du pays. Les Frères musulmans en Egypte, quoique modérés, sont bien plus conservateurs, tandis que les salafistes sont beaucoup plus radicaux. La visite officielle en Egypte, mi-septembre, du chef de l’AKP et premier ministre turc a été révélatrice du conservatisme de la confrérie. Alors que Recep Tayyip Erdogan a été chaleureusement accueilli par les Frères lors de son arrivée au Caire, il a été sévèrement critiqué par quelques dirigeants de la confrérie en raison de ses déclarations à une chaîne de télévision égyptienne vantant les mérites d’un Etat laïque. Il a été même accusé de vouloir s’ingérer dans les affaires intérieures de l’Egypte. Seuls les jeunes Frères dissidents, qui ont créé le parti du Courent égyptien, se reconnaissent dans l’AKP. Mais ils sont minoritaires. Le temps joue cependant avec eux contre la direction vieillissante de la confrérie, réfractaire à une évolution du discours et de la politique du groupe.

Face aux islamistes égyptiens, les libéraux et les réformistes, toutes tendances confondues, partisans d’un Etat civil, semblent bien désarmés et résignés à jouer les seconds rôles lors de la prochaine échéance électorale. Ils sont incapables de se mesurer aux Frères musulmans sur le plan des services sociaux que ceux-ci offrent à une population dont 40 % vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de deux dollars par jour. La paupérisation croissante de larges segments de la population égyptienne lors des dernières décennies a été une raison majeure de l’essor de l’islam politique, dont les représentants ont su en profiter pour élargir leur audience.

Face à eux, les partis libéraux traditionnels ainsi que les formations politiques récemment créées, porte-drapeaux des forces de la révolution, peinent à transmettre leur message moderniste parmi une population dont le taux d’analphabétisme est parmi le plus élevé dans le monde arabe. Au lieu de mener un travail de terrain parmi la population, à l’instar des islamistes, les libéraux passent souvent leur temps dans des débats télévisuels ou des discussions intellectuelles qui rarement atteignent le grand public ou qui restent loin des principales préoccupations de l’écrasante majorité des Egyptiens. Les dirigeants libéraux sont souvent jugés élitistes et distants, leurs partis se focalisant sur les grandes villes, au détriment des zones rurales.

De leur côté, les jeunes partis de la révolution du 25 janvier manquent cruellement d’expérience politique, de temps et de moyens, face aux rivaux islamistes. Ces carences ne sont pas seules responsables du retard qu’accusent les jeunes partis de la révolution, partisans d’un Etat civil et de réformes démocratiques. Depuis le soulèvement populaire qui a renversé le régime de Moubarak, les formations libérales et réformistes ont pullulé, mais elles ont échoué à s’organiser et à former des alliances viables. Le résultat sera un éparpillement des voix de leurs électeurs et l’affaiblissement de leur représentativité au prochain Parlement .

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