Législatives .
Si leur présence est importante, leurs chances de se faire
élire sont faibles. L’annulation du quota qui leur était
réservé fait l’objet de contestation. Les islamistes sont
pourtant contraints de les accepter sur leurs listes.
L’enjeu féminin aux derniers rangs
La
loi le stipule clairement : chaque liste des partis
politiques aux législatives doit
renfermer au moins une candidate. Il n’est donc plus
question de quota. Des décisions qui ont ouvert un débat
autour de cette « affaire de femmes au Parlement ». Leur
nombre est loin d’être faible. Elles seront présentes — et
en masse — dans les prochaines campagnes électorales, bien
que les chiffres exacts ne soient pas encore disponibles.
Leurs pancartes rivalisent déjà dans les rues avec celles
des candidats hommes. Des visages de célébrités captent les
regards des piétons : actrices, présentatrices à la
télévision, femmes d’affaires ou célèbres militantes
révolutionnaires.
Mais quelles sont les chances pour ces candidates d’obtenir
un siège à la future Assemblée ? Et quelles places leur ont
réservé les partis sur leurs listes ? Pour plusieurs
spécialistes, la modification de la loi n’est pas positive.
A l’époque, le gouvernement avait adopté un quota minimum de
64 sièges sur 518. Une mesure destinée à élargir leur
représentation dans la vie politique. Avant cette réforme,
on dénombrait seulement une dizaine de femmes au Parlement
sur un total d’alors 454 sièges. Cette loi était considérée
comme une discrimination positive aux effets bénéfiques.
Pour Mazn Hassan, directrice
exécutive de l’organisation « Nazra
pour les études féministes », supprimer ou garder ce quota
ne changera rien : « Dès le départ, je refusais cette
histoire de quota que je trouve très restrictive pour la
femme. Le quota n’a fait qu’ajouter des sièges au sein du
Parlement sans renforcer le rôle politique des femmes. Ce
n’était qu’une action de pure forme. Et les sièges n’étaient
accessibles qu’aux candidates du PND ». Elle ajoute : « En
ce qui concerne cette nouvelle loi, nous nous attendions à
un quota sur les listes et non à une seule candidate par
liste. Il fallait aussi que sa place figure obligatoirement
parmi les trois premiers noms ».
C’est ici en effet que se situent les manœuvres des partis.
Rares sont ceux qui ont placé des candidates en tête de
leurs listes, hormis quelques noms de célébrités qui sont
utilisés pour attirer les électeurs. Rien d’étonnant
cependant qu’après la révolution, ces partis politiques ont
relégué la question des droits des femmes au dernier rang
d’une liste de problèmes à résoudre : économie décimée,
travailleurs en grève ou prisonniers politiques. Pour nombre
de partis, telles sont les «
vraies » priorités.
Pour le politologue Yousri Al-Ezabawi,
notre société souffre depuis la révolution d’un recul des
acquis de la femme et ce, au sein de l’ensemble de la
société. Depuis la fin du XIXe siècle, quand les femmes
participaient aux premiers mouvements nationalistes, le
mouvement féministe d’Egypte fut un exemple pour la région.
En 1923, la féministe égyptienne Hoda
Chaarawi fut l’une des actrices
les plus actives de l’éveil de la conscience politique et
sociale de la femme égyptienne. En 1957, l’Egypte est
devenue le premier pays arabe à élire une femme au
Parlement. Mais l’échec du nationalisme et du nassérisme a
laissé un vide idéologique que les interprétations
conservatrices de l’islam s’empressèrent de remplir, affirme
Zachary Lockman, spécialiste du
Moyen-Orient à l’Université de New York.
Plus précis, Al-Ezabawi estime «
que l’annulation du quota de femmes au Parlement est à la
base du problème. D’autant plus que le quota des 50 %
destiné aux ouvriers et aux paysans a été maintenu ». Il
considère que « cette situation donne très peu de chances
aux femmes ». En effet, sur ces listes — qui renferment 8
noms de candidats —, les femmes sont généralement placées
aux derniers rangs. Une place qui rend possible la présence
de femmes au Parlement seulement si les partis font des
scores très élevés, souvent au-delà de 80 %.
Mona Makram
Ebeid, professeur de sciences politiques à
l’Université américaine, affirme que cette « nouvelle loi ne
fait qu’imposer la présence de la femme sur les listes en
tant que chiffre et non pas en tant que force politique ».
Candidates islamistes
En ce qui concerne les listes des partis islamistes, les
débats ne se limitent pas à la représentation des femmes.
Ici, les choses sont beaucoup plus graves. Le nombre de
candidates au sein des partis islamistes est pourtant
important. Une volonté souvent expliquée comme étant une
tentative de prouver un changement de mentalité des
islamistes. On peut notamment citer les 60 candidates de
l’Alliance islamique.
Mais le débat fait rage entre les islamistes sur la
légitimité de la candidature de ces femmes qui — au sein de
partis islamistes — portent le niqab.
Yasser Borhami, chef de la
prédication salafiste à
Alexandrie, a reconnu que l’approbation de la candidature
féminine est une nécessité car un tel déni écarterait les
salafistes de la scène
politique. Un avis rejeté par le prédicateur
Ossama Soliman qui affirme qu’il
est interdit, selon la charia, que des femmes soient
candidates quelles que soient les nécessités.
Un dirigeant des Frères musulmans, Saad Al-Husseini, a par
ailleurs déclaré que la confrérie ne soutiendrait pas une
candidate « femme », mais que les femmes auront tout de même
le droit de se présenter. Une position qui irrite la
fougueuse Sara Mohamad, 18 ans, membre des Frères musulmans.
« Je n’accepte pas cette manière de penser,
s’exclame-t-elle. S’ils appliquent les règles islamiques,
rien ne dit qu’une fille ne peut pas être présidente ou
jouer un rôle politique ».
Selon la chercheuse à Human
Rights Watch
Heba
Morayef, les Frères musulmans ont malgré tout
désavoué un de leurs principes très anciens selon lequel ni
copte ni femme ne peut se présenter aux élections
parlementaires ou à la présidence. Peu après cette annonce,
la présentatrice de télévision
Bouthaina Kamel a annoncé son intention de se lancer
dans la campagne présidentielle avec un programme
anti-corruption. « Beaucoup de gens sont encouragés à
prendre une position cohérente sur les droits des femmes
afin que nous puissions voir un changement dans les mois à
venir », a déclaré Morayef.
Redéfinir les droits des femmes et en faire un enjeu
national font partie des priorités. Les femmes parlent plus
ouvertement et sont aujourd’hui prêtes à s’impliquer en
politique malgré certaines pressions. Quant aux élections
parlementaires, tenter le coup serait une nouvelle et bonne
expérience ... pas question de la rater
.
Chaïmaa
Abdel-Hamid