Al-Ahram Hebdo, Dossier | L’Egypte ottomane appréciée

  Président
Labib Al-Sebai
 
Rédacteur en chef
Hicham Mourad

Nos Archives

 Semaine du 26 octobre au 1er novembre 2011, numéro 894

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Dossier

Epoque Ottomane . Cette période emblématique de l’histoire de l’Egypte, souvent assez mal connue, est revenue sur la scène, notamment avec la publicité faite lors de la visite d’Erdogan. Même si les tensions sont nombreuses, les Ottomans marquent de leur empreinte la ville du Caire et la culture égyptienne en général.

L’Egypte ottomane appréciée

C’est en 1517, profitant de l’affaiblissement de l’économie égyptienne et des dissensions entre les Mamelouks, que les Ottomans, dirigés par Sélim Ier, font la conquête de l’Egypte. A l’époque, le pays est devenu une pièce maîtresse dans l’économie et la politique de l’Empire ottoman. Loin de la fermer sur elle-même, les Ottomans permirent à l’Egypte de s’ouvrir sur l’extérieur, notamment par le fait de renforcer ses liens avec les pays européens. C’est alors que s’ouvrait une période importante de l’histoire égyptienne.

Toutefois, la période de la domination ottomane, entre les XVIe et XIXe siècles, est généralement considérée par de nombreux historiens, tant arabes qu’occidentaux, comme une période de décadence. å On admet en général que la domination ottomane sur l’Egypte fut pour elle une période de profond déclin, que jamais, dans son histoire millénaire, elle ne fut aussi misérable ì Mais il ne faut pas noircir exagérément sa situation. Les Ottomans ne se désintéressent pas de l’Egypte. Ils entretiennent avec elle des relations étroites ò, estime Jean-Paul Roux, directeur de recherche honoraire au CNRS et ancien professeur titulaire de la section d’art islamique à l’Ecole du Louvre.

Une période peu léthargique

Pendant presque trois siècles, il n’y a guère du moins de grands événements historiques. Certes, les Ottomans se méfient des tentations autonomistes de l’Egypte. Durant cette période emblématique, l’Egypte était gouvernée au nom du sultan ottoman par un pacha, ou wali, nommé directement par le souverain pour un mandat en général de courte durée. Le pacha occupait dans la hiérarchie ottomane le rang de vizir. Mais, il n’a pas autorité sur l’armée, et pour éviter qu’il ne se constitue une influence personnelle par clientélisme, il est très fréquemment remplacé. On compte 110 pachas entre 1571 et 1798. Et durant toute la période ottomane en Egypte, 136 pachas sont nommés par 21 sultans ottomans. Les quelques velléités de révolte et d’indépendance durant cette période sont rapidement réprimées par Constantinople.

Le pacha devait, entre autres, assurer la sécurité et l’organisation de la caravane de l’Afrique du Nord pour le pèlerinage vers La Mecque, tout en étant chargé du ravitaillement du Hedjaz où se trouvent les villes saintes dont le sultan ottoman est désormais le gardien, comme l’étaient jadis les sultans égyptiens. Il est assisté dans son administration par de hauts fonctionnaires, eux aussi nommés par la Sublime Porte. Le contrôle militaire du pays est assuré, quant à lui, par les Odjak, troupes d’infanterie, comme les janissaires, ou de cavalerie, qui résident en permanence en Egypte. La plupart de ces soldats sont des Anatoliens ou originaires des Balkans.

L’Egypte jouait alors un rôle effacé dans l’histoire de la région, même si sa prospérité économique ne se dément pas, ce dont témoignent l’architecture comme les livres de comptes des marchands locaux. Cependant, l’anarchie dans laquelle sombre l’Egypte dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec la prise du pouvoir par Ali bey, conduit le pays au bord de l’asphyxie. Lorsque apparaît la flotte de Bonaparte, le 1er juillet 1798, la surprise est totale et le dernier pacha ottoman a juste le temps de quitter le pays. La présence française en Egypte permet avant tout de consommer la rupture avec Istanbul, même si, nominalement, l’Egypte reste province ottomane jusqu’en 1914. L’occupation française était néanmoins bien trop brève. å En effet, en dépit de la brièveté de la présence française entre 1798 et 1801, on considère que celle-ci marque un tournant dans l’histoire de l’Egypte qui sera de plus en plus sous l’influence occidentale ò, estime Layla Saleh, archéologue.

En 1805, Mohamad Ali pacha se présente d’abord en fidèle serviteur du sultan. Puis, dès 1819, il entreprend de forger une arme de conquête, officiellement destinée à restaurer l’autorité du sultan en Grèce et en Syrie, mais à l’évidence destinée à conquérir l’ensemble de l’Empire ottoman. Les successeurs de Mohamad Ali s’ouvraient plutôt sur l’Europe.

Une architecture imposante

En dépit de l’affaiblissement du rayonnement culturel de l’Egypte, l’époque ottomane a laissé une empreinte durable sur la vie quotidienne des Egyptiens — de nombreuses recettes de cuisine, entre autres la façon de préparer le café ou quelques genres de fromage. Plus remarquable, il convient de signaler l’influence de l’architecture ottomane dans ce pays, qui se manifeste par l’édification de plusieurs centaines de monuments, au Caire notamment. Les Ottomans ne cessèrent d’y construire. L’époque ottomane a doté l’Egypte de majestueux monuments. Le Caire conserve aujourd’hui quelque 200 monuments datant de l’époque. Certains de ces monuments sont considérés parmi les plus beaux et les plus imposants au monde, bien qu’ils ne puissent pas soutenir la comparaison avec ceux des époques fatimide, ayyoubide et mamelouke. D’un point de vue architectural, les mosquées ottomanes s’inspirent largement des canons ottomans. Elles reprennent le plan des grandes mosquées impériales telles que la Mosquée bleue d’Istanbul, dont elles s’inspirent largement.

En effet, les Ottomans ont introduit une nouvelle architecture des mosquées. L’architecture ottomane a développé le thème de la mosquée à dôme central et à soubassement rectangulaire dans toutes ses variantes avec les minarets en forme d’aiguille. Ce type de mosquée existait déjà dans les sultanats turcs d’Anatolie. å De grands dômes centraux sont ajoutés, avec des minarets multiples et des façades ouvertes. Les architectes ottomans ont raffiné la conception des colonnes, les plafonds sont devenus plus hauts, tout en incorporant les éléments traditionnels, tels que le mihrab ò, explique Layla Saleh. Parmi les plus beaux monuments de l’Egypte ottomane, quelques mosquées sont particulièrement remarquables. On cite souvent trois mosquées : celle de Soliman pacha édifiée en 1528, celle de Malika Safiya en 1610 et celle du superbe ensemble architectural de Mohamad bey Aboul-Dahab en 1771. Il est à noter que la mosquée Soliman pacha, située à l’extrémité du quartier nord de la Citadelle du Caire, est la première mosquée de style ottoman établie en Egypte (1528).

On trouve jusqu’à nos jours en Egypte d’autres monuments qui témoignent du modèle ottoman. Les sabil-kuttabs, qui réunissent en un seul édifice l’école coranique et la fontaine publique, caractérisent cette période. Ils sont souvent très jolis. L’un touche au chef-d’_uvre, celui de Abdel-Rahman Katkhoda (1744), situé dans le secteur si riche en bâtiments anciens, la rue Al-Moez Li Dine Allah, et ne le dépare pas. Quant aux maisons et palais ottomans, ils forment un ensemble sans doute unique d’habitations patriciennes des XVIIe et XVIIIe siècles. L’apport sans doute le plus intéressant relève de la décoration qui fait usage de la céramique de revêtement, importée d’Iznik et de Damas ou fabriquée sur place.

On en voit de magnifiques ensembles au sabil-kuttab de Abdel-Rahman, déjà cité, ou à la mosquée d’Al-Shungkur (1346), entièrement restaurée en 1661, nommée å Mosquée bleue ò précisément à cause de ses carreaux de faïence bleue.

Beaucoup de ce que nous voyons de la Citadelle du Caire date aussi de cette période. Mohamad Ali pacha, un des grands constructeurs de l’Egypte moderne, au pouvoir en 1805, est le responsable du changement considérable de la Citadelle. Il reconstruit une grande partie des murs externes et remplace plusieurs des bâtiments intérieurs délabrés, faisant du quartier nord son domaine privé, alors que le quartier sud était ouvert au public. La mosquée de Mohamad Ali, construite dans le style dit ottoman baroque qui imite les grandes mosquées d’Istanbul, domine aujourd’hui le quartier sud. Au sud de la mosquée, il y a le palais Gawharah (palais de bijoux). Il a été construit entre 1811 et 1814 au-dessus de l’emplacement du palais rayé vis-à-vis de la mosquée de Mohamad Al-Nasser et a logé le gouvernement égyptien jusqu’à ce qu’il ait été déplacé au palais de Abdine. C’est aujourd’hui le Musée national de la police. La frise des six lions se trouvant sur la base du mur du Musée de la police semble être d’époque mamelouke, Mohamad Ali en ayant fait les symboles de sa puissance et de son courage, à l’exemple des pharaons de l’Egypte ancienne. Dans le quartier nord de la Citadelle se trouve le palais du harem de Mohamad Ali qui a été construit sur le même modèle ottoman du palais de bijoux.

Le quartier sud de la Citadelle est connu sous le nom d’Al-Azab (célibataire) parce que les soldats ottomans, auxquels on n’avait pas permis de venir avec leurs femmes, y ont été stationnés. Les Ottomans ont reconstruit le mur qui sépare les quartiers nord et sud. Ils ont également construit la plus grande tour de la Citadelle d’aujourd’hui, Al-Moqattam, qui s’élève au-dessus de l’entrée de la Citadelle par la route de Salah Salem. Cette tour fait 25 mètres et a un diamètre de 24 mètres. En 1754, les Ottomans ajoutèrent une porte fortifiée appelée la porte Al-Azab. A la moitié du XVIIe siècle, la Citadelle était devenue une zone résidentielle avec des magasins privés, des bains publics et un labyrinthe de petites rues.

Cet aperçu rapide de l’Egypte à l’époque ottomane permet, en fait, d’expliquer pourquoi l’Egypte actuelle a tant de mal à appréhender la période ottomane de son histoire et les ressentiments durables envers la culture ottomane qui sont encore sensibles. De même, il éclaire également les origines de certaines tensions entre différents groupes sociaux ou culturels de l’Egypte contemporaine .

Amira Samir

Retour au sommaire

 

Un chef-d’oeuvre de l’époque ottomane

La superbe mosquée de Mohamad Ali du Caire, symbole de la Citadelle, est construite à la manière des grandes mosquées turques d’Istanbul.

Vous ne pourrez être qu’impressionnés par l’intérieur de la mosquée de Mohamad Ali : par son immensité, tout d’abord, mais aussi par sa décoration, ses tapis rouges sombres, ses murs de marbre blanc et jaune, son impressionnant lustre et les dorures recouvrant la coupole. Cette grande et superbe mosquée qui domine la Citadelle de Salaheddine est connue aussi sous le nom de la å Mosquée d’albâtre ò. Il s’agit d’une des plus belles mosquées de l’Egypte, construite en albâtre selon le style traditionnel turc. Edifiée entre 1830 et 1848, elle a été largement inspirée de la Mosquée bleue d’Istanbul. Ses minarets se dressent avec élégance vers le ciel et l’immense coupole centrale impressionne les passants. Inattendue, on la voit de partout.

Dans la cour de la grande mosquée se trouve une fontaine aux ablutions, protégée par un kiosque. En son centre trône la grande horloge, cadeau du roi de France Louis-Philippe en remerciement de l’obélisque de la place de la Concorde à Paris.

Mohamad Ali, considéré aujourd’hui comme le fondateur de l’Egypte moderne, avait l’ambition de faire une mosquée aussi belle que la Mosquée bleue. Son implantation sur un site dominant l’ensemble de la cité semble avoir été motivée par des considérations politiques et est parfois vue comme un symbole de la volonté d’affranchissement de ce qui était alors une lointaine province de l’Empire ottoman. Plusieurs constructions datant de l’époque mamelouke ont été détruites afin de laisser la place à la mosquée, dont les plans sont confiés à un architecte grec d’origine bosniaque, Youssef Bouchnaq. Assisté par un ingénieur égyptien, Ali Hussein, Bouchnaq dresse les plans d’un édifice calqué sur les grandes mosquées impériales d’Istanbul et plus spécifiquement sur la Mosquée bleue, avec laquelle il existe de nombreuses similitudes. L’_uvre est achevée en 1848, mais les travaux de finition se poursuivent jusqu’en 1857 .

A. S.

 

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Howaïda Salah -Héba Nasreddine
Assistants techniques: Karim Farouk- Héba Nasreddine
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.