Palestine.
Après 20 mois d’interruption, le président palestinien,
Mahmoud Abbass, et le premier
ministre israélien, Benyamin Netanyahu, se réunissent ce
jeudi à Washington pour des négociations dont on n’attend
pas grand-chose.
Rencontre sans illusion
Afin
de relancer la roue du processus de paix entre Palestiniens
et Israéliens, des négociations directes commencent ce jeudi
à Washington après une forte pression exercée par
l’administration américaine. Cette dernière insiste à jouer
un rôle plus efficace cette fois-ci. A cet égard, l’envoyé
spécial du président américain Barack
Obama au Proche-Orient, George
Mitchell, a assuré que les Etats-Unis seraient « des
partenaires actifs ». Il a promis que Washington ferait «
des propositions de conciliation » si les discussions
venaient à bloquer. Et pour chercher un appui, les autorités
américaines ont invité le président égyptien Hosni Moubarak
et le roi de Jordanie Abdallah II à ces négociations
directes en organisant des discussions bilatérales entre
toutes les parties.
Malgré ces efforts, c’est le scepticisme qui règne. Selon
les analystes, parvenir à un accord de paix entre
Palestiniens et Israéliens nécessite d’intenses efforts, car
il faut d’abord les convaincre à régler leurs différends. «
La communauté internationale, à sa tête les Etats-Unis, doit
orienter le processus de paix vers l’idée de la coexistence
des deux peuples et non pas détruire, chasser ou négliger
l’Autre », explique le Dr Sobhi
Essilah, analyste au Centre des
Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Or, plusieurs obstacles entravent tout éventuel accord même
si le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a
assuré « avoir bien l’intention d’étonner les sceptiques ».
Mais en même temps, il a d’ores et déjà posé ses conditions.
Pour lui, les conditions pour un accord sont la «
reconnaissance d’Israël par les Palestiniens comme Etat du
peuple juif, le règlement final du conflit et des
arrangements garantissant qu’un retrait de Cisjordanie ne
sera pas suivi d’attaques à partir des zones évacuées ». En
fait, les désaccords sont profonds. Ils portent sur tous les
grands dossiers : le futur Etat palestinien, ses frontières
et ses pouvoirs, le sort des colonies en Cisjordanie
occupée, Jérusalem-Est et le règlement de la question des
réfugiés palestiniens de 1948. Autant de questions épineuses
sans cesse reportées et qui ne promettent pas un règlement
aisé, notamment sous l’ère Netanyahu.
Défendant son camp, M. Abbass a
souligné le sens de la responsabilité animant les
négociateurs palestiniens. « S’il y a ne serait-ce que 1 %
de chance de parvenir à la paix, nous nous efforcerons d’y
arriver », a affirmé le président palestinien en faisant
assumer à Israël l’entière responsabilité de l’échec des
négociations s’il reprenait la colonisation en Cisjordanie
et à Jérusalem-Est annexée. C’est en effet là que réside le
risque le plus important.
Sous intense pression américaine, l’Autorité palestinienne a
renoncé à son exigence de garanties, en particulier sur la
colonisation, mais a averti que la non-reconduction du
moratoire partiel de la construction de colonies en
Cisjordanie, décrété en novembre dernier et devant s’achever
le 26 septembre, entraînerait la fin des pourparlers.
Or, M. Netanyahu s’est voulu clair. Il n’a pas promis aux
Etats-Unis la poursuite du gel partiel de la colonisation en
Cisjordanie, a indiqué lundi un responsable. « Nous n’avons
présenté aucune proposition aux Américains sur la
prolongation du gel (...). Le gouvernement n’a pris aucune
nouvelle décision sur cette question », a indiqué ce
responsable en citant les propos tenus dimanche par M.
Netanyahu lors d’une réunion des ministres de son parti, le
Likoud. « Nous avons dit que l’avenir des implantations
serait discuté lors des discussions sur un accord final avec
d’autres questions », a ajouté M. Netanyahu, selon ce
responsable qui a requis l’anonymat.
Du côté palestinien, auparavant interrogé sur d’éventuels
engagements de l’administration américaine qu’aurait obtenus
l’Autorité palestinienne pour une prolongation du moratoire,
le principal négociateur palestinien,
Saëb Erakat, s’était
montré évasif. « Les Américains nous ont dit que si nous
entamions les négociations directes, nous serions en
meilleure position pour obtenir une extension du moratoire
», s’était-il borné à affirmer. Quant à M.
Abbass, il s’est contenté de
réaffirmer : « Le gouvernement d’Israël assumera l’entière
responsabilité du risque d’échec et d’effondrement des
négociations si la colonisation continue dans l’ensemble des
territoires palestiniens occupés en 1967 ».
Terre contre paix
Au-delà des différends concernant les détails, c’est un
véritable fossé qui oppose les deux parties, chacune
abordant les négociations avec des conceptions radicalement
différentes.
L’Autorité palestinienne se fonde sur le principe de
l’échange de la terre contre la paix prévu par les
résolutions de l’Onu et les plans de paix, dont l’initiative
arabe et la Feuille de route du Quartette (Onu, Etats-Unis,
Russie, Union européenne). « Nous nous rendons à ces
négociations armés de ces positions et engagements et nous
n’en dévierons pas », a insisté M.
Abbass qui souhaiterait reprendre les négociations au
point où elles se sont arrêtées avec les précédents cabinets
israéliens.
En revanche, M. Netanyahu, qui évite toute référence aux
accords passés y compris ceux d’Oslo en 1993 sur l’autonomie
palestinienne, entend au contraire prendre un nouveau
départ. Ce dernier entend s’impliquer personnellement dans
la négociation avec M. Abbass,
il ne sera secondé par aucun ministre mais par des
conseillers. Ainsi l’équipe de négociateurs n’aura pas de
pouvoir de décision. « L’objectif de M. Netanyahu est
d’avoir une équipe restreinte qui pourra mener sous son
contrôle des pourparlers rapides, sérieux et approfondis »,
a expliqué un communiqué du premier ministre israélien. Ce
dernier a proposé de rencontrer M.
Abbass tous les quinze jours pour améliorer les
perspectives de dialogue direct entre Israéliens et
Palestinien. Comme de coutume donc, les Israéliens veulent
passer pour ceux qui cherchent à dialoguer, face à un
interlocuteur qui le refuse. L’Autorité palestinienne n’a
pas encore répondu à l’offre de M. Netanyahu de ces
rencontres en tête-à-tête, surtout après la déclaration du
premier ministre israélien concernant le gel de la
colonisation. A quoi bon répondre à cette offre quand la
première rencontre directe s’annonce d’ores et déjà de
mauvais augure ?
Maha
Salem