Festival du Graffiti.
70 jeunes participent cette année à la 3e édition. En plus
d’une mission sociale et esthétique, l’événement cherche à
ancrer la discipline dans le mouvement artistique égyptien.
L’art à portée de tous
«
Sur la page Facebook de la 3e édition du Festival du
graffiti, j’ai été taxé par un jeune d’utopiste patriotique
pour avoir choisi les couleurs du drapeau égyptien, par le
biais desquelles doivent travailler les jeunes. J’ai été un
peu agacé, mais je n’ai pas voulu effacer la critique du
site. J’ai répliqué ironiquement qu’avec ce don pour la
critique, cette personne devrait participer au festival du
graffiti. Un art qui, avec ses airs de révolte, propose une
totale liberté de s’exprimer », explique Tamer Assem,
curateur du Festival Graffiti 3 qui, selon lui, n’a aucune
visée ni politique ni religieuse. Un festival annuel attendu
impatiemment par tous les jeunes artistes qui cherchent à
être reconnus et entendus avec des œuvres transgressantes,
et en criant haut et fort un mécontentement général.
Réalisant ce besoin des jeunes, le curateur du festival a
élargi cette année le terrain de création. Trois espaces
dans l’enceinte du musée Mahmoud Mokhtar sont ainsi
consacrés aux différentes techniques du graffiti. Le
premier, consacré au travail de graffiti avec aérosols,
dispose d’un mur de 52 m sur lequel sont fixées des planches
en bois de 175 cm chacune. « J’ai voulu créer une vision
panoramique de couleurs unifiées, un espace permanent pour
les éditions prochaines du festival. Sur ce mur, il sera
permis à l’artiste d’effacer le travail de celui qui l’a
précédé pour en créer un autre. Cette accumulation de
couches liera ancien à nouveau. Le graffiti est un art du
peuple et pour le peuple, qui a cette particularité d’être
un témoin de l’Histoire », déclare le curateur du festival,
qui a voulu également deux salles d’exposition annexées au
musée Mahmoud Mokhtar : les salles Isis et Nahdet Misr.
Cette dernière est consacrée aux graffitis travaillés
exclusivement avec des marqueurs. Quant à la salle Isis,
elle opte pour le graffiti au rouleau ou pinceau. « Le
graffiti doit être reconnu en tant qu’art à part entière,
capable d’être exposé en galerie. Pourquoi les artistes
d’Egypte ne sont pas reconnus en tant que tels mais plutôt
comme des vandales au statut illégal ? Je veux voir le jour
où il sera permis au graffiti de sortir légalement vers la
ville et d’évoluer en périphérie, dans le monde artistique
contemporain comme il l’est en Occident, qu’il soit enseigné
dans les universités avec ses outils et règles », déclare
Tamer Assem. Pour mieux enthousiasmer ces jeunes artistes au
plaisir de s’émanciper, le travail se fait ludique, sur fond
de hip-hop. Un style musical duquel émerge le graffiti et
qui va de pair avec cet art urbain. « User des spray dans le
graffiti n’est pas chose facile. Malgré son instantanéité
créatrice, le graffiti n’invite pas à dessiner n’importe
quoi. Il y a une obligation d’esthétique vis-à-vis de la
société », signale la jeune Nada Nagui, qui a participé à
l’atelier du graffiti donné du 15 au 25 août dernier. Fruit
de cet atelier, la majorité des jeunes participants se sont
penchés spontanément sur la production d’œuvres
typographiques qui mettent en relief leur arabisme. Cela à
travers des phrases et mots, en arabe ou en anglais, qui
visent librement à « exploser », « détruire », « cartonner »
et même transformer l’espace du musée Mahmoud Mokhtar en une
sorte de jeu de piste. « A l’exception du fait de s’unir aux
couleurs du drapeau égyptien, je n’ai jamais pensé
restreindre les jeunes artistes participants à d’autres
conditions. Je considère l’art du graffiti un art libre et
universel qui jouit d’une singularité, de techniques et de
motifs propres à lui », souligne Assem, qui a réussi cette
année à attirer plus de participants au festival grâce à
l’Internet. Une manière de ne pas se restreindre à des
artistes de la faculté des beaux-arts et d’élargir le
terrain aux plus talentueux.
Névine Lameï