Quel scénario pour le Liban ?
Wahid Abdel-Méguid
En
novembre 2009, le journal israélien Haaretz a indiqué que
les experts et les hommes politiques israéliens
s’attendaient « au déclenchement d’une nouvelle guerre
pendant l’été ou l’automne prochain » et que cette guerre
n’est pas nécessairement liée à l’éventualité de déclencher
une attaque aérienne contre les réacteurs nucléaires
iraniens. Et puisque nous sommes en plein été et que
l’automne approche, on peut se demander si la tension qui
sévit actuellement au Liban constitue les prémices de cette
guerre, abstraction faite de la signification de
l’accrochage aux frontières, qui a dernièrement eu lieu
entre l’armée libanaise et les forces israéliennes.
S’il est vrai que cet accrochage est isolé du contexte de la
tension qui s’est renouvelée, il a cependant contribué à
accentuer cette tension et à renouveler les interrogations
sur l’éventualité d’une nouvelle guerre.
Si cet accrochage qui a eu lieu le même jour de la quatrième
commémoration de la fin de la guerre de 2006 est passé sans
laisser des répercussions, ce ne sera pas le cas à chaque
fois. C’est pour cela que l’interrogation sur la guerre est
pressante à la lumière des données qui poussent à croire que
le Liban en sera la scène. Et ce dans le cas de l’échec de
l’apaisement de la crise causée par la décision d’accusation
dans l’assassinat de Hariri.
En revenant à ce que Haaretz a publié il y a 9 mois, il faut
s’arrêter devant ce qu’a dit l’ex-ministre israélien de la
Défense, Moshé Arens, connu pour ses relations étroites avec
Benyamin Netanyahu. Il a prévu qu’Israël poursuiverait ce
qu’il a commencé pendant les deux guerres de 2006 et
2008/2009, puisqu’il pense que ces deux guerres ont aidé
Israël à sécuriser ses frontières nord puis sud, mais elles
ne sont pas suffisantes pour réaliser la sécurité à laquelle
l’Etat hébreu aspire.
Quant au général Gadi Eisenkot, commandant israélien du
front nord, il estime que la prochaine guerre ne sera pas
nouvelle mais un prolongement des deux précédentes, se
basant sur le principe que « l’époque où nous vainquions
l’ennemi par une seule frappe est révolue » et que la guerre
est maintenant programmée sur plusieurs étapes.
La plupart des avis cités dans le journal avaient prévu que
l’année 2010 serait décisive pour l’Etat hébreu. Il se peut
donc que le discours du président syrien, Bachar Al-Assad,
au début du mois d’août courant, disant que « la probabilité
de la guerre augmente et le spectre de la paix s’éloigne »,
dépasse le simple fait de vouloir enhardir ses forces armées
auxquelles il s’adressait. Or ceci ne signifie pas que la
Syrie fera partie de cette guerre qui, selon les prévisions,
sera limitée si elle est le résultat de la tension actuelle.
Et ce, malgré les dires sur la probabilité d’un affrontement
avec l’Iran.
A ce propos, il n’y a rien de nouveau qui est dit y compris
le discours du chef d’état-major américain, le général
Mickael Polen, qui a parlé d’un plan d’attaque contre
l’Iran, mais dont les répercussions sont difficiles à
prévoir. Ce qui fait que son discours ressemble exactement à
ce qui est dit depuis des années.
Quant au scénario d’une attaque aérienne israélienne
unilatérale contre l’Iran, et dont l’éventualité semblait
forte à plusieurs reprises au cours des dernières années, il
semble moins probable aujourd’hui à la lumière
d’informations selon lesquelles Netanyahu aurait répondu aux
réclamations de Washington de donner l’occasion d’évaluer
l’effet des nouvelles sanctions contre l’Iran.
Depuis qu’Israël a accusé le Hezbollah il y a 3 mois de
faire rentrer au Liban des missiles Scud à travers les
frontières avec la Syrie, il semble que la boussole
militaire israélienne se dirige vers les forces qu’il
appelle « le front extrémiste », en particulier le
Hezbollah. Et en plus de l’influence de la politique
américaine dans cette direction, les experts stratégiques
israéliens pensent que l’affaiblissement de la force
militaire du Hezbollah constitue une priorité pour priver
l’Iran de la capacité d’adresser une frappe vindicative d’un
lieu proche.
Si la direction de la boussole israélienne est correcte, il
est important de s’interroger sur les scénarios probables de
la guerre dont le Liban sera la scène. Le premier scénario
est lié à la possibilité de l’explosion de l’intérieur
libanais à cause du désaccord autour de la façon de traiter
avec la décision d’accusation prévue à propos de
l’assassinat de Hariri. Il se peut que des éclats de cette
explosion touchent les forces de la Finul au Sud-Liban.
Ainsi, la résolution 1701 du Conseil de sécurité qui a mis
fin à la guerre de 2006 s’effondrera, ce qui permettra à
Israël d’intervenir militairement.
Cependant, ce scénario dépend de 2 facteurs principaux, en
plus de l’échec arabe actuel. Premièrement, il faut que les
décideurs en Israël soient convaincus que les informations
secrètes qu’ils possèdent sur le Hezbollah sont maintenant
meilleures qu’autrefois. Puis, Israël devra être prêt à
supporter un tir intense de missiles, qui peut dépasser 100
missiles par jour.
Le deuxième scénario part de l’accrochage des deux dernières
semaines, se basant sur les déclarations de Hassan Nasrallah
annonçant que ses forces ne resteront pas les mains
croisées, au cas où de tels accrochages se répéteraient.
Dans le cas où le Hezbollah interviendrait dans un tel
accrochage, ceci pourrait mener à une nouvelle guerre. Quant
au troisième scénario et qui est le moins probable, il se
peut que le Hezbollah se trouve en désaccord aux niveaux
libanais et arabe avec la décision d’accusation et prenne
l’initiative d’une petite opération qui peut se transformer
en grande guerre, comme il s’est passé en 2006. Or, cette
éventualité reste faible car l’accrochage a eu lieu à un
instant où les efforts arabes semblent prometteurs. Et en
même temps, la prochaine guerre sera plus destructrice dans
le contexte de l’intention d’Israël de faire du Liban une
scène de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité
depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce sont les menaces
d’Ehud Barak même, qui a annoncé que ses forces avaient
l’intention de frapper les institutions gouvernementales
libanaises et ne se contenteront pas de courir derrière les
éléments du Hezbollah, assurant que la situation sera
complètement différente de celle de 2006 (quand Washington
avait appelé Israël à ne pas toucher au gouvernement de
Fouad Seniora).
Cette menace peut rendre la position du Hezbollah plus
difficile, alors qu’il ne pourra pas justifier la prise de
l’initiative d’une deuxième guerre en moins de 5 ans. Or,
ceci ne suffit pas pour éloigner la probabilité d’une guerre
qui peut constituer pour Israël une occasion idéale.