Processus de paix .
On a cru qu’il allait être relancé avec la nouvelle formule
américaine de négociations indirectes. Mais Israël a une
fois de plus tout saboté avec ses projets de colonisation,
narguant même l’Amérique et son vice-président Joe Biden.
La
recette magique n’opère pas
On
disait que Joe Biden était le sauveur. L’homme qui devait
relancer les négociations palestino-israéliennes, en état de
léthargie depuis des mois. Le vice-président américain
semblait avoir donné toutes les satisfactions à Israël lors
de la tournée qu’il vient d’effectuer dans la région afin de
mettre en marche le processus dit de « négociations
indirectes », qualifiées aussi de « négociations de
proximité », si l’on reprend la définition américaine. Un
moyen de sortir de l’impasse. Et pour obtenir l’approbation
de Tel-Aviv, la première chose dont Biden a parlé était la
sécurité d’Israël ... « Les Etats-Unis promettent un soutien
absolu et total à la sécurité d’Israël ... face à l’Iran ».
L’Etat hébreu exerce donc un vrai chantage avec l’histoire
du nucléaire iranien qu’il tente de placer, en priorité, en
tête de tous les agendas et dont il se sert pour reléguer
aux oubliettes justement la question palestinienne. Biden a
voulu un peu amadouer les Israéliens en attendant qu’ils
réagissent de manière un peu positive sur le dossier de la
crise proche-orientale. Mais qu’est-il arrivé ? Parti vers
la région avec toute la prouesse de Rocky, ce super boxeur
du cinéma américain, comme le dit le Los Angeles Times, il
est revenu furieux et humilié. Voire, c’est au beau milieu
de son voyage qu’Israël l’a vraiment nargué. Le gouvernement
Netanyahu a déclenché une crise diplomatique avec
l’administration Obama, en pleine visite de Biden, en
donnant son feu vert à la construction de 1 600 nouveaux
logements à Ramat Shlomo, un quartier de colonisation occupé
par des Juifs ultra-orthodoxes dans un secteur arabe de
Jérusalem annexé par Israël. Déjà, le ministre israélien de
l’Environnement, Gilad Erdan, avait annoncé la construction
de 112 logements dans une colonie de Cisjordanie (lire page
4). La réaction palestinienne ne s’est pas faite attendre :
le président palestinien Mahmoud Abbass a informé la Ligue
arabe qu’il ne reprendrait pas les négociations avec Israël
sans un arrêt de la colonisation à Jérusalem-Est, comme l’a
déclaré le négociateur palestinien Saëb Erakat : « M. Abbass
a informé Amr Moussa (le secrétaire général de la Ligue
arabe) qu’il ne pouvait pas retourner à la table des
négociations sans l’annulation du projet de construction de
ces logements-est ». Il a également fait part de sa décision
au vice-président américain. Le pire, ce sont les tentatives
d’excuses d’Israël. Le premier ministre israélien Benyamin
Netanyahu a fait part de ses « regrets », non pour la
décision de construire ces logements, mais plutôt « pour le
moment malheureux de l’annonce du projet ». C’était donc une
sorte de gaffe, mais rien ne présage d’un recul en ce qui
concerne le fond même de la question. Rien donc qui implique
une volonté israélienne d’aller de l’avant dans le processus
de négociations. Ce qui compte, c’est l’annulation de la
construction des colonies et non pas le moment choisi pour
les annoncer, ce qui témoigne, somme toute, d’une tentative
de mettre les Américains devant le fait accompli. Rien de
nouveau sous le soleil. Les retards sont toujours provoqués
par Israël et se succèdent, en dépit de toute une
infrastructure de négociations mise au point avec la
participation des grandes puissances et de l’Onu.
Et si
ces derniers temps on a parlé de ces négociations indirectes,
on se demande s’il s’agit d’un recul ou d’une manière plutôt
pragmatique d’approcher la question. « La question est
empreinte de mystère. Depuis Oslo, on parlait de
négociations directes. Et voici soudainement qu’il est
question de négociations indirectes. C’est quoi alors ?
Juste parler de questions qui ne soient pas épineuses. Nous
sommes finalement face à une tentative de ne pas reconnaître
que le processus de paix s’est tout à fait effondré. Tous
les partenaires ne peuvent pas l’annoncer. Il s’agira de
parler, parler et encore parler », souligne Saïd Okacha,
spécialiste des affaires israéliennes au Centre d’Etudes
Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Ceci est bien
vrai, et si l’on tente de sauver les apparences, c’est qu’il
n’est guère dans l’intérêt des deux parties et de leur
parrain américain d’annoncer leur échec parce qu’ils devront
assumer des responsabilités face à leurs peuples, l’Autorité
palestinienne surtout. « Mahmoud Abbass, s’il reconnaissait
l’échec du processus, devrait abdiquer et être remplacé par
quelqu’un d’autre », ajoute Okacha.
L’implantation des colonies n’est en fait qu’une suite
logique du principe idéologique sioniste qui consiste à
annihiler la présence et l’identité palestiniennes.
Une
pluie de condamnations vient de tomber sur Israël suite à
l’annonce par le gouvernement israélien de droite de
Benyamin Netanyahu de la construction de 1 600 logements
juifs à Ramat Shlomo, un quartier juif orthodoxe érigé dans
le secteur de Jérusalem-Est, dont l’annexion par Israël en
1967 n’est pas reconnue par la communauté internationale.
C’est en pleine tentative de relance du processus de paix et
au lendemain de l’annonce de la mise en chantier de 112
logements dans une colonie juive de Cisjordanie que la
décision de Netanyahu est lancée. En effet, ce feu vert à la
poursuite de la colonisation, actuellement le sujet le plus
sensible du dossier proche-oriental, est intervenu en pleine
visite du vice-président américain Joe Biden, dont le pays
vient d’arracher une reprise de négociations indirectes
entre Israël et les Palestiniens. « La décision du
gouvernement israélien (...) sape (...) la confiance dont
nous avons besoin maintenant afin de commencer et produire
des négociations fructueuses », a estimé Biden à Ramallah,
aux côtés du président palestinien Mahmoud Abbass. De même,
le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, a condamné la
décision du ministère israélien de l’Intérieur alors qu’il
doit se rendre en mars en Israël, en Cisjordanie et dans la
bande de Gaza.
Une
question idéologique
Au
regard du droit international, l’implantation de colonies
est illégale, a rappelé le porte-parole du secrétaire
général dans un communiqué publié mardi soir au siège de
l’Onu à New York.
En
réalité, les Israéliens ne semblent pas vouloir renoncer ni
à leur rêve, ni à leur idéologie. Rien de nouveau et tout le
monde le sait très bien ; ces colons sont les porteurs d’une
idéologie basée sur la domination juive de toutes les terres
de la Palestine historique, qui représentent pour eux le
grand Israël. Et ils s’opposent non seulement à tout retrait,
aussi minime soit-il, des territoires palestiniens occupés,
mais professent aussi un non-stop à la construction de
colonies.
C’est
d’ailleurs ce qu’affirme Mohamad Khamis, rédacteur en chef
du journal Al-Qods, qui explique que le fond du projet
israélien est basé sur la confiscation de plus en plus des
territoires palestiniens et les faire habiter par des
immigrés, « l’idéologie sioniste étant fondée sur la
colonisation de ces territoires. Donc, il existe un conflit
démographique et géographique, et c’est le cœur du projet
sioniste. L’expansion coloniale est la base fondamentale de
l’idéologie sioniste ». Pourtant, selon la feuille de route
de 2003, Israël doit geler l’élargissement des colonies
juives. Ce n’est pas tout ; en fait, la réussite du
mouvement sioniste est liée au nombre de territoires
colonisés. Déjà en 2009, on pouvait compter 10 000 colons de
plus. C’est ce qu’a précisé le Bureau central des
statistiques israélien qui vient de publier — une
coïncidence ? —, avec l’annonce de Netanyahu, les
premiers chiffres concernant l’évolution de la population
israélienne en Cisjordanie, hors Jérusalem-Est en 2009.
Cette population a enregistré en 2009 une hausse de 4,9 %,
certes légèrement plus faible qu’en 2008 (5,1 %), mais qui
se traduit par un accroissement de 10 000 Israéliens et le
franchissement de la barre de 300 000 personnes. En ajoutant
Jérusalem-Est, le chiffre total d’Israéliens installés dans
des territoires conquis militairement en 1967 est sans doute
très proche du demi-million. Comme le souligne le Bureau
israélien, la moitié de cette population supplémentaire
enregistrée en 2009 concerne les trois plus grandes colonies
que les Israéliens entendent annexer. Les deux premières,
Modiin Illit (44 000 habitants) et Betar Illit (36 000),
peuvent être élargies d’autant plus facilement qu’elles
jouxtent la Ligne verte de 1949. Il n’en va pas de même avec
Maale Adoumim (34 000), à l’est de Jérusalem, où l’expansion
est plus difficile. Mais elle pourrait, en cas de connexion
forcée avec la ceinture de quartiers de colonisation érigés
à l’est de la Ville sainte, parachever ce dispositif visant
à rendre impossible une partition de Jérusalem.
La
situation devient de plus en plus claire. l’implantation des
colonies n’est, en fait, qu’une suite logique du principe
idéologique sioniste qui consiste à s’emparer du maximum de
territoires possible. C’est ce qu’a signalé Pierre Stambul,
penseur juif français anti-sioniste, dans un dossier spécial
« Sionisme : un siècle de falsifications », tiré du numéro
de février 2010 du mensuel Alternative libertaire. L’auteur
affirme que l’ouverture des archives a établi avec certitude
ce que les Palestiniens ont toujours dit : l’expulsion de
800 000 personnes en 1948 était délibérée et il n’y aura pas
de solution à cette guerre sans réparation de ce crime
fondateur. La confiscation des terres, les villages rasés
dont les traces ont été effacées et le refus du retour des
expulsés étaient prémédités. Le remplacement des
Palestiniens par les Juifs venus du monde arabo-musulman a
été organisé. Le sionisme a construit un Etat ethnique où
les non-juifs sont des sous-citoyens (...) Le sionisme ne
s’est pas achevé avec la création d’Israël. Ce qui est à
l’œuvre aujourd’hui, c’est « l’achèvement de la guerre de
1948 », la tentative de faire en sorte que les Palestiniens,
comme les aborigènes d’Australie, ne puissent plus jamais
revendiquer leurs droits.
Chaïmaa Abdel-Hamid