Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Des novices sur la voie

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 Semaine du 22 au 28 décembre 2010, numéro 850

 

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Nulle part ailleurs

Noviciat . Quitter la vie mondaine pour devenir religieuse exige une période de transition par laquelle doivent passer les jeunes novices. Une transition entre deux formes d’existence marquées par de fortes émotions d’hésitation, de résistance et surtout de foi. L’Hebdo a rendu visite au couvent des religieuses égyptiennes du Sacré-Cœur à Héliopolis.

Des novices sur la voie

« Avant même de te former au ventre de ta mère, je t’ai connu, avant même que tu sois sorti de son sein, je t’ai consacré » (Jérémie 1:5). Avec ce verset de la Bible, Gloria résume sa vocation. C’est le bon Dieu qui choisit cette voie à une personne avant même sa naissance, il ne lui reste plus qu’à suivre le chemin. « Gloria signifie en italien la gloire et c’est le sentiment que je veux ressentir et vivre aussi », c’est ainsi qu’explique Gloria la raison pour laquelle elle a choisi ce prénom. Une façon pour elle d’exprimer sa vie spirituelle dont le but est de rendre gloire à Dieu une fois entrée au couvent. Cette jeune fille de 25 ans, qui s’appelait Racha, a senti très jeune que le bon Dieu l’avait créée pour devenir sœur. Enfant, elle admirait les sœurs qui offraient leurs services dans les dispensaires et les écoles de son village en Haute-Egypte, précisément au gouvernorat de Sohag. « Je les regardais faire et en même temps, je cherchais à vivre pour le bon Dieu. J’ai découvert alors que devenir religieuse était le meilleur moyen de s’approcher de Dieu, celui de consacrer ma vie au service des gens. Pas seulement de mes proches, mais du plus grand nombre de personnes, dans n’importe quel coin du monde et sans aucune distinction », indique Gloria qui a pris sa décision très jeune. Une décision que ses parents n’ont pas du tout appréciée, surtout qu’elle est fille unique parmi trois frères. En grandissant, son désir de suivre l’appel se précisait. Elle n’a jamais été éblouie par la vie des jeunes de son âge, comme suivre la mode, rêver du prince charmant ou du mariage et des enfants.

« Je voulais juste répondre à l’appel du bon Dieu », affirme Gloria, licenciée de la faculté de droit. Et elle n’est pas la seule. Une dizaine de jeunes filles ont choisi la même voie et sont en train de passer la période de noviciat dans le couvent des sœurs égyptiennes du Sacré-Cœur, situé à Héliopolis.

Une préparation ardue

Dès que l’on franchit la petite porte noire en fer forgé, on se sent en dehors du monde matériel et l’on plonge dans une atmosphère spirituelle. Toutes sont là pour un même but, celui de servir Dieu. C’est là que les jeunes filles qui aspirent à devenir religieuses doivent passer deux ans de préparation en plusieurs étapes. A ce stade, elles ne sont pas encore des sœurs, mais des novices. La période terminée, elles prouveront si elles sont capables de devenir sœurs ou ne sont pas faites pour ça. « La vie ici représente une nouvelle naissance pour la jeune fille. Elle oublie tout ce qui la relie au monde extérieur et commence à s’intégrer avec les autres sœurs et novices qui sont comme sa nouvelle famille », dit sœur Georgina d’une voix douce et dont le sourire ne quitte jamais le visage. Elle et sœur Marina s’occupent des novices, elles les initient et les évaluent en cours de chemin. Selon sœur Georgina, ces deux ans sont précédés d’une période de 2 ans surnommée « al-talab » (postulat), durant laquelle la jeune fille se présente pour formuler son vœu de devenir religieuse tout en ne quittant pas complètement la maison de ses parents. Cette période terminée, elle rentre au couvent, laissant derrière elle tout ce qui est lié à la vie du monde, pour commencer une nouvelle vie. « Ces deux années sont consacrées à la connaissance de la congrégation, de ses fondateurs et de son but », explique sœur Georgina.

La métamorphose

En fait, pour cette nouvelle vie, les jeunes filles doivent changer d’allure. Alors, chaque année, en accueillant les nouvelles novices, l’on organise une cérémonie spécialement pour la prise d’habits. Les jeunes filles qui arrivent au couvent avec des vêtements civils portent toutes une même tenue, une longue robe grise, un voile blanc, des sandales ou des chaussures noires et des chaussettes blanches.

Durant la cérémonie, les jeunes filles rentrent l’une derrière l’autre dans la chapelle, habillées en robe, et à tour de rôle, chacune reçoit son voile et le pose sur sa tête devant les sœurs et les prêtres présents à cet événement avant que les youyous ne fusent dans l’endroit. « C’est un moment inoubliable que j’attendais depuis des années », dit Véronia, en ajoutant qu’elle ne nie pas que les étapes qui ont précédé cet événement ont été très dures pour elle car il fallait qu’elle se coupe les cheveux. Elle, qui a passé de longues années à les faire pousser, à les soigner, a dû les sacrifier, puisqu’elle a décidé de se détacher de toute chose matérielle. « Des moments de défi à relever avec soi-même dès que l’on a fait son choix. Et on n’hésite pas longtemps avant de prendre la décision d’obéir car notre but c’est de se vouer corps et âme au bon Dieu et de transmettre son message », dit Kiria, originaire d’Alexandrie.

A partir de ce moment précis, une autre vie commence, une vie de prière dans un couvent rempli de sœurs et de novices. Durant la première année au noviciat, l’année canonique, l’on prépare les novices aux exigences de la vie religieuse à travers une formation qui consiste à les instruire sur les valeurs humaines, religieuses et culturelles, en les entraînant à les acquérir, à les vivre.

La vie au jour le jour

La journée commence à 6h30 du matin par la prière à la chapelle. Le programme comporte aussi des tâches quotidiennes que chacune exécute comme à la maison et des apprentissages diversifiés qui ont lieu durant la journée à des horaires fixes. Le reste du temps est partagé entre les activités manuelles comme le jardinage et le tricot ou un temps de repos que chaque novice va passer en méditant.

Selon sœur Georgina, ces moments où chacune reste seule à méditer sont d’une grande importance, car les filles vont par la suite partager ensemble et avec nous ce qu’elles vivent et ce qui les préoccupe.

« On encourage les novices à s’exprimer, à dévoiler leurs émotions et leurs idées pour mieux les connaître mais elles savent aussi ce qu’elles veulent », affirme-t-elle.

En fait, à la fin des deux ans, les sœurs et les novices font une évaluation. D’après sœur Marina, certaines sont capables de suivre la voie religieuse ; par contre, d’autres manquent de personnalité ou ont des défauts. « Par exemple, si une fille n’est pas humble ou ne contrôle pas ses nerfs, elle n’est pas faite pour devenir sœur », confie sœur Marina.

Ces jeunes filles viennent d’une société conservatrice, elles quittent soudainement leurs parents et pour toujours, afin de vivre une vie commune tout à fait différente de celle qu’elles ont vécue. Même si le but est clair et que ce sont elles qui ont choisi, il reste des sentiments qui flottent parfois à la surface. « Je me sens parfois obsédée par l’idée que mes parents me manquent et je me rappelle le jour où je suis sortie de la maison pour venir ici, et je n’ai pas pu me retourner pour dire adieu à ma mère pour éviter de voir ses larmes couler sur son visage », s’exprime Hanaa, en pensant à ses parents qui lui manquent. Et chaque jour, elle prie pour que Dieu les protège.

Sœur Georgina pense que c’est tout à fait normal que les filles ressentent de tels sentiments. « Nous sommes des êtres humains avant tout », dit-elle. Et d’ajouter : « Les filles doivent constamment lutter contre leurs faiblesses. Elles parlent avec nous, les responsables, et nous essayons ensemble de dépasser ses sentiments qui les attirent vers leur ancienne vie en leur demandant de prier beaucoup ».

En fait, les novices ont le droit d’avoir une visite de leurs parents une fois par mois et de leur téléphoner le premier dimanche de chaque mois. A part cela, elles n’ont le droit de sortir du couvent que pour se rendre à l’hôpital ou quand il y a un cas d’urgence chez elles.

Une vie austère et un programme quotidien répétitif que les sœurs suivent à la règle, mais cela ne les empêche pas parfois de faire des exceptions. « Les soirées récréatives, les jeux scéniques et les excursions font aussi partie du programme de formation », explique sœur Georgina, en ajoutant qu’actuellement, pour leur fête, les novices préparent une pièce de théâtre qui raconte l’histoire de la fondation de la congrégation. Quelques changements sont nécessaires pour encourager les novices à continuer, pour terminer les deux années et être honorées du titre de sœur Marie suivi de leur prénom.

La plupart du temps, elles ont l’allure sérieuse sous leurs uniformes, mais cela ne les empêche pas de s’abattre lorsqu’elles sont libres en jouant et courant comme des enfants.

Un moment que les filles attendent avec impatience, c’est lorsque sœur Marcelle apparaît dans le jardin. Toutes l’entourent pour écouter ses histoires qu’elle répète de temps en temps, et surtout l’histoire de sa vocation. Agée de 75 ans, elle parle avec tendresse et a de l’humour. Sœur Marcelle réussit toujours à faire rire les novices. Elle les envoûte aussi avec ses histoires. « Ici, c’est une grande famille », dit sœur Marcelle.

Depuis la fondation de la Congrégation des religieuses égyptiennes du Sacré-Cœur en 1913, les couvents ne cessent de recevoir de jeunes filles qui désirent se retirer de la vie du monde pour se consacrer à Dieu.

D’après sœur Georgina, dans ce monde où les choses matérielles dominent et les éléments de tentation se multiplient chaque jour, attirant les gens vers une vie plus confortable, l’on trouve quand même des jeunes filles qui veulent rejoindre le couvent. Elles se sentent prêtes à laisser tout derrière elles pour remplir les obligations de la vie religieuse et sans regret. « C’est un choix personnel et la preuve c’est que les étapes de la formation donnent droit aux sœurs de se retirer à n’importe quel moment et de revenir à la vie normale », dit sœur Georgina.

Elle poursuit qu’aujourd’hui, avec la modernité et la liberté dont jouissent les filles, lorsque l’une d’elles prend cette décision, c’est un grand défi. Le choix de laisser ce monde pour rentrer au couvent doit être mûrement réfléchi et elle doit être convaincue de son choix.

Chaque année au mois d’août, le couvent reçoit entre 6 et 8 novices qui sont toutes bien éduquées, et dans la plupart du temps, ce sont des universitaires. On attendait de Véronique de devenir médecin, surtout qu’elle s’est inscrite à la faculté de médecine, mais elle a préféré se consacrer à Dieu et suivre la voie religieuse. « Mon père refusait de me voir autrement que médecin, et moi, je ne pouvais pas résister à l’appel de Dieu, c’était plus fort que tout », conclut Véronique.

Hanaa Al-Mékkawi

 




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