Al-Ahram Hebdo,Invité | Magued Osman , « Toute réforme difficile va se heurter au manque de confiance »

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 Semaine du 22 au 28 décembre 2010, numéro 850

 

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Invité

Magued Osman est à la tête du Centre des informations et du support à la prise de décision (IDSC), dépendant du Conseil des ministres, qui fête ses 25 ans d’existence. Un centre dont les études politiques et économiques sont une référence. Il fait le point sur les défis du prochain gouvernement.

« Toute réforme difficile va se heurter
 au manque de confiance »

Al-ahram hebdo : Un nouveau gouvernement sera incessamment formé par le président Moubarak. Quels dossiers allez-vous présenter à ce gouvernement comme priorités ?

Magued Osman : En premier lieu, il y a la mission de restaurer la confiance perdue envers le gouvernement. Je trouve cela indispensable. La confiance est à un niveau très bas, ce qui entrave les réformes. Car toute politique publique que le gouvernement voudra entreprendre se heurtera au manque de confiance de toutes les franges de la population. Les politiques de réformes ne pourront être introduites que si les gens ont le sentiment que ce gouvernement est là pour leur bien-être. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

— Trouvez-vous que les législatives, avec toutes les irrégularités qui les ont accompagnées, ont accentué ce manque de confiance ?

— Ce manque de confiance existait déjà avant les législatives. Mais ces dernières l’ont davantage marqué.

— Que proposez-vous donc pour la rétablir ?

— Cela nous mène au deuxième dossier pas moins important : lutter contre la corruption. Nous avons commencé à publier l’indice annuel de la perception de la corruption. Le gouvernement a entrepris plusieurs mesures pour lutter contre ce phénomène, comme la création d’un comité chargé du rétablissement de l’intégrité. Mais beaucoup reste à faire.

L’éducation est un troisième dossier d’une grande importance. Et là, je propose une approche agressive. Cela ne peut se faire sans un consensus social, notamment en ce qui concerne le financement de l’éducation. Il faut répondre à la question : « D’où peut-on prélever les ressources ? ». Sinon, tout ce que l’on dit à propos de la réforme ne sera que des paroles en l’air.

— Ce qui revient à dire ?

— Augmenter le budget alloué à l’éducation implique la baisse des budgets d’un ou de plusieurs autres secteurs. Lesquels ? Cela devra être un sujet de débat social.

— Dans quels secteurs le gouvernement peut-il faire des coupes ?

— Les budgets à la subvention, notamment celle destinée à l’énergie. C’est énorme, et en plus, elle mène à l’épanouissement des industries nuisibles à l’environnement. C’est un point de départ primordial. Toute économie qui sera effectuée dans ce domaine doit être redirigée au profit de l’éducation.

— Lors d’un entretien précédent, en 2008, vous avez souligné l’importance de baisser les subventions à l’énergie. Vous avez dit que cela sera réalisé en 2009. Mais cela n’a pas été fait …

— Il faut dire que c’est difficile de s’attaquer, par exemple, à la subvention des bonbonnes à gaz, qui absorbe le tiers des subventions à l’énergie. Celle-ci bénéficie majoritairement aux pauvres. Il y a aussi le choix du timing. L’on ne peut pas retirer les subventions destinées au pain à un moment où les prix mondiaux du blé sont en hausse. Même si je réserve le pain subventionné aux plus démunis. Car, dans ce cas, je dis aux anciens bénéficiaires : achetez votre pain à 50 piastres la galette (au lieu de 5 actuellement). Il faut attendre que le prix du blé baisse, pour que la galette soit ainsi vendue à un prix abordable. D’autant plus que l’Egypte importe entre 40 et 60 % de ses besoins en blé, ce qui la rend très vulnérable face aux fluctuations des prix mondiaux.

— Il y a un autre dossier, à savoir l’écart qui se creuse davantage entre les revenus. Ne le trouvez-vous pas une menace autant à la société qu’à l’économie ?

— Les réformes du gouvernement actuel ont créé des richesses énormes chez quelques-uns, dont une partie est justifiée. Pourquoi blâmer Naguib Sawirès par exemple pour avoir cumulé des profits grâce à l’expansion de ses affaires en Europe et ailleurs à un moment où les télécoms avaient le vent en poupe ? Il faut accepter des richesses extravagantes chez les uns. Cependant, ce qui rend les gens outrés, ce sont les richesses provenant de la corruption, du manque de transparence. Certains avaient accès à des informations intérieures, dont ils ont profité. Ces fortunes ont été accumulées au détriment du bien-être de la population. Personne ne peut accepter cela.

— Le gouvernement refuse de remédier aux inégalités des revenus en imposant des taxes plus élevées aux plus riches, bien que ce soit un remède revendiqué par le Fonds Monétaire International (FMI). Qu’en dites-vous ?

— A chaque pays ses circonstances. Notre économie souffre de l’évasion fiscale. Si l’on augmente les taxes destinées aux plus riches, ces derniers fuient cela en versant des pots-de-vin aux fonctionnaires des impôts. C’est pour cette raison que la réforme fiscale en 2005 a réduit de moitié les taxes sur les revenus des plus riches, les menant à 20 %. Les recettes ont augmenté dès lors.

— Mais au prix d’un écart social alarmant …

— Je suis contre la hausse des taxes sur les revenus, car ce sont des revenus que les gens ont accumulés lors de leur travail et donc bien mérités. Je propose en revanche des impôts sur les transactions des avoirs : les appartements, les terrains et ainsi de suite. Là, les gens gagnent sans effort, car le prix d’un bien qu’ils possèdent a augmenté.

— Le gouvernement de Nazif a été au début très courageux en matière de réformes économiques et législatives. Pourquoi le rythme a-t-il ralenti ?

— C’est partiellement vrai, mais voyons la longue liste de réformes qu’il a introduite, notamment l’installation des institutions de régulation indispensables à une économie émergente comme l’Autorité de surveillance du secteur monétaire, l’Autorité de lutte contre le monopole et celle de protection du consommateur. La création de ces institutions exige que l’on fasse passer les lois, former les cadres et développer les compétences. Tout cela prend beaucoup de temps.

— Quand le rythme est lent, cela ne vous rend pas démotivé ?

— L’Egypte a choisi en général une transformation progressive de son économie. C’est pour épargner à la population les effets négatifs d’une transformation rapide.

— Et les gens n’ont-ils pas souffert d’une transformation trop lente ?

— Non, rien à comparer avec les Russes au début des années 1990, qui ont vécu des chamboulements dramatiques, des gens qui meurent de faim, d’autres qui ont perdu leur maison.

— Des réformes lentes, ensuite des réformes gelées … Pas de sortie alors ?

— Référez-vous au premier dossier : rétablir la confiance avec la société. Je ne pourrai pas vous convaincre de m’accompagner à une promenade si vous n’avez pas confiance en moi. Baisser les subventions, par exemple, ou les redistribuer exige que la population ait confiance qu’elle n’en sera pas affectée. Toute réforme difficile va se heurter au mur du manque de confiance.

— Contrairement à la confiance perdue vis-à-vis du gouvernement de Nazif, les recherches et les sondages du centre dépendant du Conseil des ministres bénéficient d’une grande crédibilité. Comment interprétez-vous cela ?

— L’indépendance de nos recherches et nos sondages est assurée par un conseil d’administration formé de figures éminentes et crédibles. Le centre a recours à des experts et académiciens de toutes tendances.

Le modèle réussi du centre a incité plusieurs pays à demander notre assistance pour la création de centres similaires. Nous collaborons ainsi avec les gouvernements syrien, iraqien et burundais. Deux projets semblables suivront, avec la Zambie et l’Erythrée. Je trouve qu’à travers ce genre de relations, le centre joue le rôle de ce qu’on appelle dans les relations internationales la « soft power ».

Propos recueillis par Salma Hussein

 




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