Croissance .
Le gouvernement se montre très confiant pour les deux années
à venir alors que les analystes estiment ses objectifs
difficiles à réaliser, compte tenu de la conjoncture
internationale.
Explications.
Une vision
bien optimiste ...
Les
prévisions du gouvernement égyptien quant au taux de
croissance national vont bon train. 6 % pour 2010, 7 % en
2011 ... et même 8,5 % pour 2012. « Ces prévisions ne sont
pas inventées », défend Osmane Mohamad Osmane, ministre du
Développement économique. Il poursuit, confiant à l’Hebdo
que « le gouvernement prépare ces jours-ci le prochain
budget, et il contiendra plus de détails sur les secteurs
prometteurs et capables de réaliser de tels taux », en
ajoutant que la « base est solide ». Osmane se réfère à la
coopération interarabe comme outil contribuant aussi à la
relance. « 60 % des investissements non pétroliers
proviennent des pays arabes, et le commerce interarabe croît
de 20 % chaque année. Les pays arabes sont une carte
gagnante », explique-t-il, en refusant de donner plus de
précision concernant les secteurs prometteurs. Les
déclarations du président Moubarak, dimanche dernier, lors
de son discours à l’Assemblée du peuple, vont dans le même
sens. Il l’a annoncé clairement : la croissance atteindra 8
% au cours des 5 années prochaines. Le ministre des
Finances, Youssef Boutros-Ghali, avait, de son côté, annoncé
la semaine dernière que l’Egypte pourrait, avec quelques
efforts, réaliser ces estimations de croissance. Ghali parie
sur les Investissements Etrangers Directs (IED), le tourisme
et l’essor des exportations. Le Partenariat Public Privé
(PPP) est un autre pilier qui contribuera à la relance de
l’économie pour les années à venir. Il a également annoncé
que le gouvernement vise 100 milliards de L.E. en tant
qu’investissements publics privés. « Le gouvernement ne
financera que 30 ou 40 % de ces projets. La tâche est donc
facile, et ces investissements activeront le marché et
créeront une demande », explique-t-il.
Cependant,
les banques d’investissement œuvrant sur le marché ne
partagent pas cette vision du gouvernement. L’Hebdo a
rencontré les responsables de trois d’entre elles, et tous
estiment que le gouvernement est « optimiste » dans ses
estimations. La plus optimiste de ces banques, Beltone,
pense qu’une croissance de 8,5 % ne pourra être réalisée
avant 4 ans minimum. « Relancer la croissance se base en
fait sur des facteurs extérieurs qui ne dépendent pas du
gouvernement, tels que les IED ou la reprise économique des
pays étrangers. Donc, c’est un pari non garanti », dit Riham
Al-Dessouqi, responsable au niveau de cette banque. L’Egypte
a enregistré un taux de croissance record de 7,3 % en
2008-2009, avant de plier et atteindre 4,7 % après la crise.
La croissance avait atteint 5,3 % en 2009/2010, après 4,7 %,
suite à la crise mondiale. « Nous parlons d’un bond de 3 %
et cela n’est pas facile », poursuit Al-Dessouqi. Le PPP,
sur lequel compte le gouvernement, est également un outil à
long terme, selon Al-Dessouqi. Car la lenteur des procédures
d’application de tels projets est un facteur entravant. « A
quand remonte le dernier projet PPP remporté ? A 6 mois
minimum », dit-elle, en soulignant que même après la
promulgation de la nouvelle loi du PPP il y a trois mois,
les délais d’exécution ne seront pas réduits. Alia Mamdouh,
analyste économique auprès de la banque d’investissement CI
Capital, partage ce point de vue. Selon elle, il est
difficile de réaliser une telle avancée alors qu’on ne
connaît pas l’avenir de l’économie mondiale. « Comment les
pays investiront-ils si leur économie reste instable ? Les
liquidités pour voyager manquent aussi », affirme-t-elle. «
Le fait que quelques pays européens aient pu reprendre
haleine n’implique pas que la crise est terminée. Le
problème des dettes n’a pas été encore réglé », avance
fermement Alia Mamdouh, pour qui les 8,5 % de croissance ne
seront pas atteints avant 4 ans. De même, selon elle, les
exportations peineront à se redresser, surtout que les deux
plus grands importateurs d’Egypte restent les Etats-Unis et
l’Europe, et ils traînent encore à surmonter les
répercussions de la crise.
IED, outil
plus ou moins garanti
De sa part,
Hani Guéneina, directeur du département des recherches
économiques auprès de la banque d’investissement Pharos,
pense que le gouvernement est optimiste, mais souligne
quelques domaines capables d’aider à l’approche de
l’objectif. A cet égard, il contredit ses collègues en
assurant que les IED sont un outil plus ou moins garanti,
car « les entreprises en bonne santé guettent les centres de
croissance et l’Egypte figure sur la liste ». Le ministre du
Commerce et de l’Industrie, en charge des affaires du
ministère de l’Investissement, Rachid Mohamad Rachid, a
annoncé la semaine dernière vouloir doubler les IED pour
atteindre 15 milliards de dollars en 2015, se basant sur le
même concept. Pour lui aussi, la demande locale a une part à
jouer. « Si l’économie égyptienne continue à croître à un
taux de 6 %, cela créera une demande susceptible de relancer
les investissements », dit-il dans une interview avec
l’agence Bloomberg, en mentionnant que le gouvernement doit
simplifier les procédures et ouvrir de nouveaux domaines à
l’investissement pour atteindre son but. A noter que le
volume des investissements en Egypte lors du premier
semestre n’a pas dépassé les 3 milliards de dollars, mais le
gouvernement vise les 7 milliards en fin d’année. Des
positions qui ne peuvent engendrer que l’attentisme des
observateurs.
Névine Kamel