Côte d’Ivoire .
A l’issue d’une semaine de violences sanglantes, le vote a
eu lieu dans le calme lors du second tour d’une élection
présidentielle historique dans ce pays, mais l’opposition a
rapidement dénoncé des fraudes.
Sous haute pression
Dans
un climat de tension, le second tour de l’élection
présidentielle historique en Côte d’Ivoire, entre le sortant
Laurent Gbagbo et l’ex-premier ministre Alassane Ouattara,
s’est déroulé dimanche dernier. Après une décennie de crises
politico-militaires, quelque 5,7 millions de personnes
étaient appelées à voter, pour départager les deux hommes
qui avaient obtenu respectivement 38 % et 32 % des suffrages
au premier tour le 31 octobre dernier.
A l’encontre de toutes les prévisions, la participation
avait alors été exceptionnelle (83 %), elle devait être
nettement en baisse, après une semaine d’accrochages
sanglants, d’un durcissement des discours et des
échauffourées entre partisans des deux bords qui avaient
fait au moins quatre morts. A la fermeture des bureaux de
vote, des accusations mutuelles entre les deux rivaux ont
été lancées. D’abord, le parti d’Alassane Ouattara a dénoncé
un « empêchement systématique », accusant les partisans de
Laurent Gbagbo d’avoir fait en sorte que beaucoup de ses
propres électeurs ne puissent voter à Abidjan et dans le
centre-ouest notamment. Avis partagé par un autre
responsable du Rassemblement Des Républicains (RDR), Marcel
Amon Tanoh, qui a affirmé que le camp présidentiel avait
empêché nombre de ses électeurs « de se rendre dans les
bureaux de vote », et certains de ses représentants d’être «
effectivement présents dans les bureaux ».
D’autre part, le parti du président Gbagbo a jugé que, «
globalement », le scrutin n’a pas été « transparent » dans
la moitié nord, sous contrôle de l’ex-rébellion des Forces
Nouvelles (FN) depuis le putsch raté de septembre 2002, et
où M. Ouattara avait régné en maître au premier tour.
« De graves irrégularités sont intervenues dans les zones
contrôlées par les FN, où beaucoup d’intimidations et de
contraintes ont été exercées » contre les électeurs de M.
Gbagbo, a affirmé Pascal Affi N’Guessan. En effet, entre le
sortant au pouvoir et son rival, candidat pour la première
fois, c’est une longue histoire d’accusations réciproques,
qui sont ressorties dans l’entre-deux-tours.
Une autre polémique a surgi à la fin de la campagne
électorale, et en cette journée électorale, ce qui concerne
l’imposition d’un couvre-feu nocturne. Pour assurer le «
maintien de l’ordre » dans cette période délicate, un
couvre-feu nocturne a été décidé par le président samedi
dernier. Selon le gouvernement, « la mesure ne s’applique
pas aux personnes impliquées dans l’organisation des
élections officielles de la Commission Electorale
Indépendante (CEI) ainsi qu’aux observateurs et journalistes
notamment ».
Le chef de l’Etat a défendu une « mesure dissuasive pour
quelques
extrémistes », tandis que le camp de son rival a assuré,
vendredi, qu’il ne respecterait pas cette décision qui est,
selon lui, « la porte ouverte » aux « fraudes ». Et Laurent
Gbagbo a indiqué qu’il serait bientôt « aménagé ».
Cependant, un communiqué publié n’a donné aucune idée des «
aménagements pratiques » décidés en réponse à la CEI, qui
avait demandé un « assouplissement » du couvre-feu.
Naguère rare exemple de stabilité en Afrique de l’Ouest, le
pays est plongé dans la tourmente depuis le coup d’Etat de
1999. Six fois repoussé depuis la fin du mandat de M. Gbagbo
en 2005, le scrutin est censé clore la crise née du putsch
raté de septembre 2002, qui a coupé le pays en un sud
loyaliste et un nord aux mains d’une rébellion rebaptisée
Forces Nouvelles (FN).
Les deux prétendants qui, samedi, avaient lancé ensemble un
appel au calme et s’étaient engagés à respecter le verdict
des urnes, avaient eux-mêmes créé un climat électrique en
s’accusant à longueur de meetings de toutes les épreuves
qu’a connues le pays depuis dix ans, se traitant
mutuellement de « putschiste ». « Nous lançons un
appel solennel à tous nos électeurs et nos militants de
s’abstenir de tout acte d’agression sur les personnes et les
biens ainsi que le matériel électoral, en vue de permettre
l’organisation du scrutin dans un climat apaisé nécessaire à
des élections transparentes », ont-ils déclaré. Cet « appel
aux électeurs » a été lu par le premier ministre Guillaume
Soro à l’issue d’un entretien entre les trois hommes et le
médiateur dans la crise ivoirienne, le président burkinabé
Blaise Compaori. Exhortant les Ivoiriens à « aller
voter massivement », les deux candidats se sont de nouveau «
engagés solennellement à accepter le verdict des urnes ».
Chacun s’est livré aussi à d’impressionnantes opérations de
séduction en direction de l’électorat d’Henri Konan Bidii,
essentiellement son ethnie baouli (centre). Arrivé troisième
avec 25 %, l’ex-président a voté « tout naturellement » pour
Alassane Ouattara, « candidat du RHDP (Rassemblement des
Houphouitistes pour la Démocratie et la Paix) », alliance
qu’ils ont forgée en 2005 après des années de déchirement.
Mais le camp Gbagbo estimait que la base de M. Bidii ne
suivrait pas en masse sa consigne de vote.
De fortes pressions se sont exercées sur la commission
électorale CEI en vue d’une annonce des résultats plus
rapide qu’au premier tour, où l’attente avait créé tensions
et rumeurs.
Maha
Salem