Al-Ahram Hebdo,Invité | Richard Banks

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 Semaine du 6 au 12 octobre 2010, numéro 839

 

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Invité

Richard Banks est directeur du Moyen-Orient auprès de l’Euromoney Conferences. L’entreprise, qui gère des événements dans plus de 60 pays, consacre depuis 16 ans une conférence annuelle à l’Egypte. Fervent supporter du gouvernement actuel, il relève les obstacles au développement.

« L’Egypte n’est pas encore sur la trajectoire
 du Brésil ou de la Turquie »

Al-Ahram Hebdo : Vous avez suivi de près le cabinet de Nazif depuis 2004. Comment évaluez-vous l’expérience égyptienne d’un gouvernement formé en majorité d’hommes d’affaires ?

Richard Banks : La principale critique qui peut être adressée à un gouvernement formé de businessmen, c’est le conflit d’intérêts qui pourrait avoir lieu. C’est particulièrement vrai en Egypte, où la corruption est un vrai problème. Les ministres de votre gouvernement ont cédé leurs affaires dès qu’ils ont rejoint le gouvernement. Et ils ont particulièrement bien agi tout le long de leur parcours. Je les connais tous très bien, ils se sont transformés en de vrais politiciens qui excellent dans les compromis. Ce ne sont plus les technocrates qu’ils étaient au début, mais ils soupèsent désormais l’impact politique de leurs décisions.

— C’est donc une expérience positive ?

— Le gouvernement a réussi à améliorer l’environnement des affaires, plus que tous ses prédécesseurs. C’est bien d’avoir des politiciens au plus haut niveau qui comprennent les besoins des investisseurs. Certains ministres sont déjà fatigués, ils veulent retourner à leurs affaires. D’autres préfèrent rester à jouer un rôle politique.

— Le gouvernement a gelé son programme de réformes depuis 2007. Plus de privatisation, davantage de libéralisation des prix de l’énergie, sans mentionner la réforme de l’assurance santé. Pourquoi ce ralentissement selon vous ?

N’importe quel gouvernement se lance, au début, à entreprendre des mesures audacieuses, mais le rythme se ralentit par la suite, car il devient de plus en plus difficile de continuer sans pressions. Le gouvernement s’est tourné alors vers des réformes pareilles aux « travaux de plomberies », indispensables mais ennuyeux, mais ils ne sont guère moins importants. Il arrive à un moment donné où le sentiment règne qu’un certain changement est indispensable et que vous avez besoin d’un nouveau gouvernement, quelques figures sortiront, c’est comme dans toutes les démocraties, même en Egypte. Les élections enflamment cet esprit du nouveau. C’est pourquoi je prévois que certains ministres ne le seront plus la prochaine année, pas par manque de compétence bien sûr, mais c’est en raison de ce désir continu d’un changement.

— Partagez-vous les prévisions officielles que davantage d’investissements étrangers vont être attirés ?

Le flux va se ralentir davantage. Il tournera autour de 6 et 7 milliards de dollars. C’est une période de transition dans le pays. Nul investisseur ne voudrait y verser de grandes sommes vu ces conditions. L’économie mondiale n’a pas encore repris, et donc, il faudra encore quelque temps pour atteindre plus de 10 milliards pas an.

— Que pensez-vous de la hausse de l’inflation dans le pays ?

C’est un danger réel. Une inflation élevée est une chose terrible. J’ai mené des discussions avec plusieurs Egyptiens, la semaine dernière, sur ce sujet. Les responsables assurent que l’inflation demeurera entre 7 et 9 %. Mais les Egyptiens dans la rue, les pauvres, l’estiment cependant à 20 %, ou même à 30 %. L’inflation pèse toujours plus sur les pauvres, et elle frappe où ça fait vraiment mal, leur nourriture, leurs besoins indispensables. Quand j’ai faim ou mon enfant a faim, je ne me soucie pas si l’investissement étranger recule ou augmente. Si j’étais responsable de ce pays, je ne serais guère dans une position confortable. Heureusement, je ne le suis pas. C’est vrai que l’économie a besoin normalement d’une inflation pas trop inférieure pour pouvoir croître, mais quand c’est trop élevé, c’est un grand défi à relever. J’ai pitié de Nazif et de Ghali. Et on ne peut pas se limiter à augmenter les subventions, cela ne résoudra pas le problème, mais le reportera à l’année prochaine où il va revenir encore et encore.

— Qui accusez-vous ? Est-ce la Banque Centrale, le ministère des Finances ? ...

Je n’accuse personne là. C’est un problème structurel dont le règlement requiert beaucoup de temps. Ce n’est pas une question de manque de compétence de l’administration actuelle. Croyez-moi, vous avez une administration très compétente. Plus compétente que la nôtre en Angleterre. Imaginez-vous que la deuxième plus grande puissance économique dans le monde, et en quelques années arrive au seuil de la faillite. Pire, pour régler cette situation, le gouvernement va couper de 25 % le budget de tout le secteur public, à part la santé.

— Mais en Egypte, pour combler le déficit du budget, on n’a qu’à annuler les subventions à l’énergie, c’est ce que le gouvernement a promis quand il est arrivé …

Mais cela devra être graduellement. Cela prendra des générations. Vous avez 30 ans d’économie gérée par le gouvernement. Vous ne pouvez pas changer d’un coup cette situation, sans courir le risque d’une énorme instabilité sociale. Une telle réforme n’a été entreprise au Brésil qu’après 20 ans de développement.

— Le gouvernement espère réaliser une croissance au-delà de 7 %. Est-ce possible ?

Youssef Boutros-Ghali (le ministre des Finances) a prévu une croissance aux alentours de 9 %, je crois que c’est un peu trop optimiste. Je dirais entre 6,5 et 7,5 %, car le pays a besoin davantage de libéralisation et de réforme des services publics. Egalement en raison de la situation actuelle de l’éducation et de l’infrastructure. Mais l’Egypte a besoin d’une longue période de croissance autour de 10 %, si elle veut réaliser un essor à l’instar du Brésil ou de la Turquie. Il a fallu à ces pays des années de réformes et de croissance pour devenir ce qu’ils sont aujourd’hui. Je ne vois pas l’Egypte croître à plus de 7 % lors des deux prochaines années. L’Egypte n’est pas encore sur la trajectoire du Brésil ou de la Turquie, en matière de développement. Je ne prévois pas de tel potentiel dans les deux prochaines années, elle doit faire mieux.

— Comment évaluez-vous l’Egypte parmi ses voisins régionaux ?

L’Institution de l’Euromoney suit de près deux pays dans la région : l’Arabie saoudite et l’Egypte. La Turquie aussi (si vous la comptez parmi la région). Parfois aussi la Jordanie. La Tunisie est trop petite, si vous la voyez à l’œil d’un investisseur, la Libye aussi, bien que ce soit un pays pétrolier. La population est de 5 millions seulement, c’est un simple quartier au Caire. Les Algériens ont un comportement incompréhensible, ils viennent de passer des législations pour limiter la part des investisseurs étrangers dans les projets. Ils ne veulent plus d’investissements étrangers ! Mais ils savent qu’ils ont besoin quand même d’une petite part, sinon les projets s’effondrent.

— Si vous comparez l’Egypte et l’Arabie saoudite en matière de cadre législatif et de climat d’investissement, qui gagne ?

L’Arabie saoudite est différente. Elle a des défis sérieux à régler. La culture du travail est absente. Les Saoudiens veulent s’accrocher à une fonction publique quelconque, ils ne veulent pas être crevés dans un travail difficile. En Egypte, c’est différent. La culture en gros est très différente de celle de l’Egypte. L’Arabie saoudite est un pays formidable, plein de potentiels et d’opportunités, mais les défis sont très différents par rapport à ceux de l’Egypte.

— Vous n’avez même pas mentionné les Emirats arabes unis. La légende de Dubaï a-t-elle perdu de son éclat ?

Nous nous sommes retirés des Emirats arabes unis depuis 2005. Nous n’avons plus notre bureau régional basé là-bas. Abu-Dhabi est magnifique, nous y travaillons toujours, nous introduisons au secteur privé local des investisseurs chinois ou brésiliens qui veulent s’y installer. Pour ce qui est de Dubaï, je reconnais la nécessité pour cette région d’avoir un carrefour pour les échanges commerciaux, même si c’est du plastique. Mais cela a échoué, ils n’ont plus d’argent. Il leur faut 20 ans pour s’en sortir.

— L’Egypte est-elle menacée de vivre le scénario d’une bulle immobilière qui éclate ?

Non. Vous devez avoir un taux d’inflation beaucoup plus élevé pour que cela arrive. A Dubaï, les gens ne voulaient pas acheter de maisons pour s’y installer. Il y avait cet afflux à l’achat des unités immobilières, juste par anticipation que les prix vont augmenter jusqu’à l’infini. Et donc les prix se sont envolés du jour au lendemain, mais pas en raison d’une demande croissante. En Egypte, le besoin de logement est croissant, des millions ont besoin de trouver un logement, sinon, ils seront dans la rue. C’est différent.

— Quels sont les secteurs les plus compétitifs en Egypte ?

Notre société s’intéresse en Egypte aux secteurs de l’énergie renouvelable, les PME, l’infrastructure et le marché financier. Mais nous avons déduit aussi de nos discussions que certains éléments sont primordiaux pour rendre n’importe quel secteur compétent : L’éducation est d’une grande importance pour la compétitivité, à cela s’ajoutent la formation, le transport, les communications et les législations. En gros, n’importe quel secteur économique, industriel ou autre peut s’épanouir si ces éléments, indispensables à l’environnement des affaires, sont développés.

— Vous avez suivi l’affaire de Madinaty, comment les investisseurs étrangers perçoivent-ils le fait qu’une cour annule un contrat signé entre le gouvernement et une entreprise ?

Ça arrive tout le temps en Angleterre. Parce que le gouvernement et le système judiciaire sont complètement indépendants l’un de l’autre. C’est donc normal qu’un contrat gouvernemental soit annulé par un tribunal. L’affaire de Madinaty reflète cependant une contradiction entre deux lois différentes. Le gouvernement a vendu le terrain selon une loi, la cour a prononcé son verdict d’après l’application d’une autre loi. C’est pourquoi le gouvernement trouve que son contrat est toujours valable.

Propos recueillis par Salma Hussein et  Dahlia Réda

 




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