Nucléaire.
L’énergie nucléaire a toujours été l’une des ambitions les
plus importantes des pays du Moyen-Orient. Aiguisés par
l’exemple de l’Iran, devenu à la fois modèle et rival, ils
la conçoivent aujourd’hui dans le cadre de la fin de l’ère
pétrolière.
Le nucléaire à la place de l’or noir
Rien
d’étonnant à ce que ces pays trouvent dans le nucléaire non
seulement un moyen de modernisation au niveau de
l’infrastructure, mais surtout une manière de se protéger
des crises énergétiques, puisque, d’une part, l’ère
pétrolière touche à sa fin, et d’autre part, les Etats de la
région vont devoir faire face à une forte hausse de leur
consommation d’électricité dans les années à venir. Des
phénomènes qui ont poussé à étudier des projets de centrales
nucléaires.
De plus, le Traité de non-prolifération nucléaire TNP, à
travers son article autorisant le développement du nucléaire
à des fins civiles, est souvent avancé comme légitimation de
ces programmes. Pour le politologue Mohamad Abdel-Salam, «
le nucléaire civil représente une importance majeure pour
ces pays du Moyen-Orient à une période où l’ère pétrolière
commence à prendre fin et où l’électricité devient assez
chère avec des pays désertiques et qui ont besoin de
ressources en eau. Toutes ces sources garantissent la survie
de ces Etats ». Certains de ces pays devraient commencer
leurs programmes sous peu, notamment les Emirats Arabes Unis
(EAU). Ils ont décroché plus qu’un feu vert américain : ils
ont, en effet, signé un accord prévoyant que les Etats-Unis
fourniront les connaissances nécessaires à la construction
de centrales atomiques électriques.
Les EAU ont aussi conclu un accord de coopération avec le
Japon et les Etats-Unis, après avoir fait de même l’an
dernier avec la France et la Grande-Bretagne. «
Abou-Dhabi a décidé de se lancer
dans le nucléaire, afin de préserver ses réserves en
énergies fossiles sur le long terme. Le pays a un projet de,
pratiquement, 5 000 MW, c’est-à-dire trois réacteurs, avec
peut-être six autres derrière », expliquait le patron de GDF
Suez, Gérard Mestrallet, lors de
la conférence Energie du Groupe Les Echos. Les premières
spécifications pourraient sortir avec un choix du consortium
prévu en 2012. Très ambitieux,
Abou-Dhabi envisage une mise en
service à l’horizon de 2017.
Mais cela dit, la mise en service d’une centrale nucléaire
dans un pays arabe comme les Emirats, qui est un partenaire
commercial de l’Iran, constitue un sujet sensible pour les
Etats-Unis. Les Emirats ont donc donné des gages de bonne
volonté aux Etats-Unis. Ils ont signé le traité de
non-prolifération nucléaire et se sont engagés à ne pas
enrichir, ni retraiter le combustible nucléaire. Ils
s’appuient aussi sur deux sociétés américaines d’ingénierie,
à savoir Thorium Power et CH2M Hill, pour les aider à
développer leur programme. Ils ont enfin recruté un ancien
de la Commission américaine de régulation du nucléaire (NRC),
William Travers, pour les aider à manager leur agence de
régulation.
Les options d’Amman
La Jordanie aussi. Elle compte devenir exportatrice
d’électricité en 2030, grâce au développement de ses
capacités nucléaires. Ce pays, qui subit depuis quelques
années un déficit énergétique chronique, doit importer la
quasi-totalité de son énergie, et l’Etat
a du mal à supporter ce coût, surtout depuis la chute
du régime de Saddam Hussein en Iraq, qui lui faisait
bénéficier de prix très compétitifs sur le pétrole. Décision
est prise donc, de se lancer dans un programme nucléaire.
D’autant plus que le sous-sol jordanien est particulièrement
riche. Le pays possède d’immenses réserves de phosphates,
qui renfermeraient 130 000 tonnes d’uranium et 70 000 tonnes
de roches carbonatées. Un premier réacteur pourrait entrer
en service en 2013. Le directeur de la Commission
jordanienne de l’énergie atomique JAEC, Khaled Toukan,
prévoit un doublement de la consommation électrique du pays
au cours des 20 prochaines années. La Jordanie vient de
signer un accord de coopération nucléaire avec le Japon qui
prévoit « l’exploration et l’exploitation de l’uranium, la
construction et la gestion des réacteurs nucléaires et la
protection de l’environnement contre les radiations ». Le
Royaume veut s’équiper d’une centrale atomique d’ici 2019.
En attendant, Amman cherche des fonds. Un prêt sud-coréen de
70 millions de dollars a déjà été conclu en juillet dernier.
Mais les soucis jordaniens ne s’arrêtent pas là.
La Jordanie, voisine de l’Etat hébreu, se plaint qu’Israël
s’oppose à son programme nucléaire en s’efforçant de
convaincre ses collaborateurs d’abandonner ce projet. « Il
n’y a aucune crainte cachée derrière ces projets pacifiques,
puisqu’il est bien impossible que ces programmes soient
transformés en programmes militaires ». Et d’ajouter : « Si
Israël ne cesse d’entraver ces projets, c’est qu’elle ne
veut aucun développement pour ces pays », affirme
Abdel-Salam.
La liste ne cesse de se prolonger. En effet, deux jours
seulement après la signature de l’accord de coopération
nucléaire entre le Japon et la Jordanie, le Koweït s’est
empressé de faire part de ses intentions de rejoindre le
cercle grandissant des pays du Moyen-Orient intéressés par
l’énergie atomique. Son programme vise à l’établissement de
quatre réacteurs dans les vingt années à venir. Tout comme
les récents nouveaux adeptes du nucléaire, les réalisations
koweïtiennes sont envisagées avec des intentions pacifiques.
Le quatrième producteur mondial de pétrole prévoirait donc
de reconvertir ses sources d’énergie. « Si on nous demande
pourquoi nous avons besoin de quatre réacteurs, c’est que
les statistiques prévoient que d’ici 2030, la population
atteindra les 5 millions d’individus, et quatre nouvelles
villes devront alors voir le jour », a expliqué Fahd Al-Salimi,
préposé koweïtien aux questions des affaires atomiques.
Chaïmaa
Abdel-Hamid