La
voix d’Obama à l’Unesco
Mohamed Salmawy
Au
moment où le monde arabe est encore sous le charme du
discours du président américain Barack Obama en juin dernier
au Caire, un autre son de cloche a commencé à se faire
entendre à l’Unesco, guerroyant avec véhémence contre le
candidat retenu par le monde arabe et islamique, sans
compter les pays africains et quelques pays asiatiques et
latino-américains.
Les
informations provenant de sources avisées au sein de
l’Unesco à Paris font état d’une contradiction flagrante et
inquiétante entre les propos d’Obama au Caire et les actes
dans les couloirs de l’organisation du représentant
américain. De quoi saper la crédibilité de la nouvelle
politique américaine envers les Arabes, les musulmans et le
tiers-monde de façon générale. De quoi aussi contredire
toutes les déclarations américaines, ces derniers temps,
affirmant que les relations avec l’Egypte sont stratégiques
et très solides.
Ainsi, à
l’approche des élections au poste du directeur général de
l’Unesco, prévues le 18 septembre prochain, l’activité du
représentant américain s’est intensifiée pour tenter de
dissuader les pays ayant apporté leur soutien au ministre
égyptien de la Culture Farouk Hosni de continuer à le faire.
Pour ce faire, il a eu recours à tous les stratagèmes. A
commencer par raviver les accusations juives qui y voient un
antisémite dont la politique repose sur l’incinération des
livres (!!) jusqu’à insinuer que les Etats-Unis pourraient
couper leur aide financière à l’Unesco.
Il
a même été question de semer la zizanie dans le bloc arabe
en tentant de convaincre certains pays de voter pour une
autre candidate d’Amérique latine arguant du fait qu’elle
est d’origine arabe.
Si ce
représentant avait été un résidu de l’administration Bush,
on aurait dit qu’il continue à agir selon d’anciennes
directives que la nouvelle administration n’a pas cru bon de
réviser. Or, la représentante officielle des Etats-Unis du
temps de Bush a été rappelée après la fin de son mandat et
elle a été remplacée par un nouveau représentant qui est
supposé travailler selon les orientations de la nouvelle
administration.
Depuis
la nomination de Hillary Clinton, il a souvent été dit qu’en
ce qui concerne la question de l’Unesco, elle œuvrerait à
satisfaire les communautés juives. Et ce ne fut pas un
hasard de voir entrer suite à cela dans la course au poste
de directeur général de l’Unesco une candidate
latino-américaine qui a des origines arabes et a une
relation d’amitié avec Hillary Clinton.
Israël
s’est engagé devant le président Hosni Moubarak à stopper sa
campagne contre le ministre Farouk Hosni bien qu’opposé à sa
candidature. Mais il semblerait que Tel-Aviv ait délégué ce
rôle aux communautés juives à travers le monde. Et voilà que
les Etats-Unis se sont aussi substitués à Israël au sein de
l’Unesco. Une situation humiliante pour ce grand pays et en
totale contradiction avec les politiques annoncées par
l’administration américaine. Bref, une situation qui ne sert
en rien les intérêts américains.
J’ai
rencontré l’un parmi des grands hommes politiques américains
lors de sa visite au Caire en préparation à celle de Barack
Obama. Il avait eu des entretiens avec plusieurs
personnalités égyptiennes à la résidence de l’ambassadrice
américaine. Je lui ai alors posé une question sur la
position de la nouvelle administration face à la candidature
égyptienne à l’Unesco. Il a fortement nié toute opposition à
cette candidature et l’un des membres de la mission
diplomatique américaine au Caire est intervenu affirmant que
la partie américaine n’a aucun conflit avec le ministère
égyptien de la Culture. Et que durant toute la période de
son travail au Caire, les relations égypto-américaines dans
le domaine culturel ont été plus positives en déclarant
devant le grand responsable américain : « Nous n’avons ici
aucun problème avec le ministère de la Culture ».
Avec la
fin du mandat de l’ancienne représentante des Etats-Unis à
l’Unesco, l’hostilité américaine s’est beaucoup atténuée et
nous nous sommes imaginés que la nouvelle administration a
refait ses calculs quant à cette question comme à tant
d’autres. Mais voilà qu’elle adopte la même position que
celle officiellement abandonnée par Israël, devenant ainsi
le principal obstacle à l’accession de l’Egypte à la tête de
l’Unesco. Est-ce donc la politique officielle américaine ou
la politique du secrétariat d’Etat en l’absence de
directives claires de la Maison Blanche ?
Nous
avons osé imaginer que la politique de soutien infaillible à
Israël aux dépens des droits arabes avait changé
lorsqu’Obama avait clamé haut et fort de toute sa voix ses
nouvelles tendances. Or, il semblerait que cette voix n’a
pas porté plus loin que Le Caire. A l’Unesco, les Etats-Unis
parlent d’une autre voix qui n’est en rien différente de
celle qu’on entendait du temps de Bush. Une voix aux
intonations faites de pressions, de menaces et
d’insinuations de suspendre l’aide financière à
l’organisation si cette dernière se plie à l’opinion de la
majorité des peuples du monde et froisse Israël.