Iraq.
Le premier ministre, Nouri Al-Maliki, est attendu aux
Etats-Unis à partir du 21 juillet pour discuter de la
coopération entre les deux pays sur le long terme. Une étape
cruciale suite au redéploiement américain de la semaine
dernière.
Trouver un nouveau rapport avec Washington
Si
les Américains ont retiré la semaine dernière leurs forces
militaires des centres urbains iraqiens comme prévu dans
l’accord de sécurité iraqo-américain signé fin 2008,
beaucoup reste à faire pour que le pays retrouve sa
véritable souveraineté, attendue depuis la chute du régime
de Saddam Hussein. Un chemin probablement semé d’embûches,
car l’Iraq est loin d’être un pays stable. Sur le plan
interne, luttes interconfessionnelles et violences se
poursuivent toujours, risquant de menacer à tout moment sa
stabilité. Sur celui des relations avec les Etats-Unis, on
est encore loin de relations d’égal à égal entre deux Etats
souverains. Et les rapports bilatéraux ont connu cette
semaine une brusque tension intervenue à la suite du retrait
des troupes américaines des villes iraqiennes achevé le 30
juin dernier au sujet de l’ingérence des Etats-Unis dans les
affaires internes de l’Iraq.
C’est
dans ce contexte qu’interviendra la prochaine visite du
premier ministre iraqien, Nouri Al-Maliki, à Washington,
prévue le 21 juillet. Il s’agira de discutions au sujet des
volets non militaires de l’accord de sécurité
iraqo-américain, concernant la coopération économique,
scientifique et culturelle, selon les déclarations faites
dimanche par Yassine Majid, conseiller du premier ministre
iraqien. Selon lui, la question du désengagement total des
troupes américaines fin 2011 figurera également au menu des
discussions. Pas de problèmes à prévoir concernant les
questions de coopération. En revanche, celles du
désengagement américain, non seulement militaire mais
surtout politique, risquent de soulever des divergences,
notamment suite à la tension actuelle.
Sévère
mise en garde
En effet,
récemment, Washington s’est félicité de la baisse
considérable de la violence en Iraq. Mais la Maison Blanche
a toutefois exprimé son exaspération face à l’absence de
progrès dans les réformes constitutionnelles nécessaires
pour faire cesser les profondes divisions entre chiites,
Kurdes et sunnites. Lors de sa récente visite de trois jours,
le vice-président, Joe Biden, investi par le président
américain, Barack Obama, de la mission d’œuvrer à la
stabilisation politique du pays, a menacé ses interlocuteurs
d’un désengagement si la violence confessionnelle et
ethnique devait reprendre. Une sévère mise en garde qui a
déplu aux responsables iraqiens. Et le ton est très vite
monté. Le gouvernement iraqien s’est empressé d’appeler les
Etats-Unis à ne pas s’ingérer dans sa politique intérieure.
Le vice-président américain, Joe Biden, doit « transmettre à
son président le désir commun des Iraqiens de vouloir régler
leurs affaires entre eux », a ainsi déclaré le porte-parole
du gouvernement, Ali Dabbagh, samedi, lors d’une
intervention à la télévision publique iraqienne. Et
d’ajouter : « Nous ne voulons pas que d’autres parties
s’ingèrent dans nos affaires, car les choses se
compliqueront et rien ne sera réglé ». La veille, un haut
responsable américain, relatant la teneur des discussions
entre le numéro deux américain et les dirigeants du pays,
dont le premier ministre, Nouri Al-Maliki, avait déclaré : «
Si la violence reprenait, cela changerait la nature de notre
engagement. (M. Biden) a été très direct sur ce point ».
Assurant Bagdad de son soutien et de son aide,
l’Administration de M. Obama s’est dans le même temps dite
réticente à « recoller les pots cassés encore une fois si,
par l’action de certains, l’Iraq devait s’effondrer ».
Face à
cette brusque tension dans les relations iraqo-américaines,
le gouvernement a tenté de ne pas froisser son allié, qui
doit mettre fin à toutes ses missions militaires fin 2011. «
Nous voulons de bonnes relations avec les Etats-Unis. Oui
nous partageons votre inquiétude qui est légitime car vous
voulez voir l’expérience (en Iraq) réussir », a indiqué M.
Dabbagh. « Mais nous pouvons régler (les problèmes) entre
nous, sur la base de la Constitution et d’un consensus entre
les groupes iraqiens, notamment au sujet des relations entre
la région (kurde) et le gouvernement central. Je pense que
nous avons été clairs à ce sujet pour qu’il n’y ait aucune
ambiguïté », a poursuivi M. Dabbagh.
Antagonisme envers les sunnites
Malgré
le maintien en Iraq de 130 000 soldats américains et le
soutien aérien ainsi que d’autres formes d’aide américaine
dont les forces locales ont encore besoin, le gouvernement
de Maliki s’efforce de prendre ses distances par rapport aux
forces américaines encore en place. Jouer la corde du
nationalisme a été profitable pour Maliki aux élections
provinciales de cette année et son appel à un Etat
centralisé et fort a aidé ses alliés à l’emporter dans le
sud chiite. Il semble développer une stratégie similaire
dans la perspective des élections législatives de janvier.
Les violences ont fortement diminué, mais des insurgés se
livrent périodiquement à des attentats spectaculaires qui
détériorent encore les relations déjà délicates entre la
majorité chiite, la minorité sunnite et les Kurdes. Maliki a
tenté de se concilier les hommes politiques sunnites en
réprimant l’an dernier les milices chiites et avec une loi
d’amnistie qui a permis de libérer des milliers de détenus
sunnites. Il a tendu la main à d’anciens membres du parti
Baas de Saddam Hussein, mais seulement à ceux qui « n’ont
pas de sang sur les mains » et qui renoncent au baassisme,
des conditions qui, aux yeux de certains sunnites, révèlent
de l’antagonisme envers les sunnites.
Cependant malgré les efforts, le compromis tarde à venir en
raison des profondes divergences qui persistent entre les
communautés iraqiennes. Un énorme travail reste à faire. Et
les risques sont aussi considérables.
Abir
Taleb