Théâtre.
Si le monde entier affirme la disparition des idéologies, à
quoi peut prétendre aujourd’hui le théâtre politique face à
cette situation ? A votre service !, spectacle de deux
textes jumelés (Harold Pinter et Franca Rame), tente une
réponse.
Pinter-Rame
Conférence
de presse de Harold Pinter et La mère de Franca Rame sont
deux exemples de théâtre politique qui n’usent d’aucune
tergiversation, n’empruntent aucun détour (comme est souvent
ce genre dramatique) : ils s’adressent directement au public
comme si ce dernier assistait réellement à un discours du
ministre de la Culture en réponse aux questions des
journalistes muets comme des fantoches, et comme si – dans
la seconde partie du spectacle – ce même public assistait
dans une cour martiale à la défense d’une mère dont le fils
est accusé de terrorisme.
Dans A
votre service de Leïla Soliman, récemment donné au Hanaguer,
le ministre, juché sur une haute chaise derrière un miroir
déformant, répète à plusieurs reprises une seule et unique
phrase : « Nous sommes là pour extraire les charançons qui
nuisent aux cerveaux ». Tandis que la mère fait le procès de
la corruption généralisée qui a poussé son fils aux
principes aigus et rigoureux de choisir les attentats comme
moyen de révolte.
Tout
ceci se parait de bonnes intentions mais ô combien démodées.
Il est vrai que l’ère des idéologies a disparu, mais il est
encore plus vrai que les peuples (et le public de théâtre en
l’occurrence) ne sont dupes ni des manigances des régimes
qui les gouvernent, ni des intérêts mondiaux échangés au
service d’un monstre à multiples facettes. Il semble que le
théâtre politique, aussi direct, manquant presque de
finesse, ne nous révèle rien de plus que ce que nous savons.
Il ne nous informe pas et par conséquent, ne nous stimule
pas non plus.
La
misère, la décadence, la transgression des lois et des
droits … ( la liste serait trop longue si l’on devait
énumérer tous les maux de la société !) qui nous entourent
ont l’air bien plus dramatiques que tout ce que peuvent nous
raconter les théâtres les mieux armés de propos délibérés.
En
caricaturant le ministre de la Culture par un effet de
miroir qui agrandit deux fois la taille de la tête d’un
comédien lui-même déjà petit de taille perd tout son effet
par cette redondance visuelle. Le décalage entre les grandes
déclarations prononcées par le ministre et la déformation de
son physique est un jeu de proportions trop cru pour nous
sensibiliser.
La mère,
pour sa part, joue le jeu de la culpabilisation affective en
demandant maintes fois à l’audience de se mettre à sa place
: « Et si c’était votre fils ?! ». Dans le texte de Franca
Rame, le fils est communiste, sa mère, en prenant sa défense,
explique toute la situation politique en Italie. Alors que
dans l’adaptation de Zeynab Moubarak, le fils accusé de
terrorisme est quelque peu déraciné d’un contexte spécifique,
même s’il est question de quelques rares allusions à des
faits qui ont contribué et alimenté son acte. Ainsi,
d’essentiellement politique à la base, le spectacle égyptien
a pris une allure plus générale, celle d’une mère déplorée
qui étrangle son fils pour le sauver des tortures qu’il doit
subir. On ne nous dit pas de quel terrorisme il s’agit, si «
terrorisme » est un terme étatique accolé à toute forme de
revendication publique. Voilà pourquoi la performance
d’Amira Ghazala, la mère, dans son long monologue
revendicatif, a pris le ton, non pas mélodramatique, mais
certainement affecté et affectifLe théâtre politique
aujourd’hui, de cette manière, n’est plus édifiant.
Menha
El Batraoui