Al-Ahram Hebdo, Dossier | Un chef de gouvernement très sélect
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 Semaine du 22 au 28 juillet 2009, numéro 776

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Livres

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Dossier

Gouvernement. Ahmad Nazif, qui en est à la tête depuis 5 ans, est crédité d’un bon bilan économique. Mais nombreux sont ceux qui lui reprochent de ne favoriser que l’élite et d’ignorer les classes défavorisées.

Un chef de gouvernement très sélect

Une nuit de juillet 2004, Ahmad Nazif reçoit un appel du chef du cabinet présidentiel, Zakariya Azmi. Un peu plus tard, c’est le président en personne qui le contacte pour lui annoncer la nouvelle : le ministre des Communications est désormais premier ministre.

C’était le jour de son anniversaire et Nazif ne pensait pas qu’il allait recevoir un cadeau pareil. « Je savais qu’il y avait quelque chose qui se préparait. J’étais proche du chef du gouvernement Atef Ebeid et on parlait d’un prochain remaniement ministériel », se souvient Ahmad Nazif dans un entretien à la télé égyptienne, 5 ans après sa prise de fonction.

Le chef d’Etat revenait d’un voyage médical en Allemagne et demande à M. Nazif de rester discret pour le moment. C’est l’effet-surprise que le président Moubarak aime faire planer.

Cette semaine, Nazif décide de quitter pour une journée le « Smart Village », ce Silicone Valley cairote d’où il gère l’Egypte, et arrive dans les locaux du Conseil des ministres sur l’avenue Qasr Al-Aïni, juste en face du Parlement, pour célébrer ses 59 ans et ses 5 ans à la tête du gouvernement.

Autant que Nazif lui-même, personne ne s’y attendait. A l’époque, c’était surtout un ministre au profil plutôt bas, on le surnommait M. Internet, puisqu’il avait fait de la nouvelle technologie son cheval de bataille. Et le peu de fois qu’il apparaissait sur l’écran de Télévision, c’était souvent pour inaugurer des « Internet mall », ces centres commerciaux qui vendent ordinateurs et leurs accessoires.

Né deux semaines avant la Révolution qui mettra fin à la dynastie royale, il est certes le premier ministre le plus jeune de l’histoire du pays. Il assure le poste alors qu’il n’a que 54 ans, et cet ingénieur de formation cherche désormais à véhiculer l’image de l’homme de la modernisation. « L’homme de confiance », comme cela a toujours été la règle depuis 1952, cède la place au « technocrate ». N’avait-il pas travaillé dans le secteur privé, notamment dans l’Informatique ?

Ainsi, depuis sa nomination en 2004, puis sa reconduction après les présidentielles et législatives, fin 2005, le gouvernement Nazif a été surnommé « le gouvernement électronique ».

Un club de l’économie

En cinq jours seulement, il forme son cabinet. « L’objectif du remaniement était l’économie, ainsi un ministère de l’Investissement a été créé, l’Industrie a fusionné avec le ministère du Commerce », explique le chef du gouvernement dans son intervention télévisée.

Il mène des consultations avec le ministre de l’Economie de l’époque Youssef Boutros-Ghali, qui devient plus tard en charge du portefeuille des Finances. Une sorte de mini-cabinet est formé, dit le « groupe économique ». Quatre ministères dirigent de facto le pays : ceux des Finances, de l’Investissement, de l’Habitat et de l’Industrie. C’est d’ailleurs parmi ce cercle qu’on cherche quand on pense à un remaniement ministériel.

Les ministères de ce « groupe économique » ont ainsi procédé à une série de mesures en faveur des investisseurs : une réduction des taxes douanières, une réforme du secteur bancaire, une stabilisation du marché des changes.

Des mesures qui ont porté leurs fruits selon beaucoup d’économistes. La croissance a ainsi atteint 7,2 % pour l’année fiscale 2006/2007 et les investissements étrangers directs ont atteint 11 milliards de dollars en 2006/2007, puis ont grimpé à 13 milliards en 2007/2008. « Un chiffre record qui constitue 9 % du PIB », assure Samir Radwane, économiste et coauteur du Rapport égyptien sur l’investissement. Le secteur pétrolier a le plus profité de ces « exploits », comme il convient au gouvernement de les appeler, en attirant 28 % de ces investissements suivi de l’industrie avec un peu plus de 12 %. Le secteur agricole qui accueille 28 % de la main-d’œuvre n’a pourtant profité de ces investissements étrangers que de 7 %.

Le peuple ignoré

Selon ce rapport, « le Trickle-Down Effect » n’a pas eu lieu. C’est à dire, en termes moins spécialisés, que « cette performance de l’économie égyptienne ne s’est pas reflétée sur le quotidien des Egyptiens. Les pauvres sont devenus plus pauvres et les plus vulnérables se sont approchés encore plus du seuil de la pauvreté », dit le texte.

Et c’est là que réside la fameuse critique avancée contre Ahmad Nazif. « La tendance sociale du gouvernement », comme l’appelle Abdel-Ghaffar Chokr du parti de gauche Al-Tagammoe. « Nazif agit dans l’intérêt d’une certaine classe sociale, celle des hommes d’affaires. Les réformes qu’il a entreprises vont directement dans les comptes d’une tranche qui s’enrichit davantage, retirant aux plus pauvres les acquis qu’ils avaient cumulés au fil des années », dit Chokr.

Les cinq ans de Nazif ont été également placés sous le signe de la crise : pénurie de l’eau, crise de la faim, multiplication des accidents, grippe aviaire, grippe porcine et multiples grèves. Apolitisé, Nazif peine à convaincre.

« Il aurait pu bien être le président d’une banque ou un chef d’entreprise et non un chef de gouvernement », croit le politologue Diaa Rachwane. « Il n’a aucune relation avec la politique », ajoute-t-il. Ses déclarations en témoignent, selon ses opposants, c’est comme s’il parlait d’un autre pays. On retient deux interventions assez insolites : l’une en pleine année électorale, dans laquelle il affirme que « le peuple égyptien n’est pas encore mûr pour pratiquer la démocratie », l’autre est plus récente et dans laquelle il invite les jeunes « à abandonner l’idée du piston », car dit-il « le gouvernement ne reconnaît pas les pistons ».

Des mots qui suscitent la foudre des critiques, ce qui explique en partie ses interventions rarissime.

Un homme posé et discret

Abdellatif Wahab est un journaliste travaillant pour l’hebdomadaire de gauche Al-Ahali, et cela fait 12 ans qu’il couvre le Conseil des ministres et a vu se succéder au poste trois premier ministres. Il affirme que la chose qui distingue le plus Nazif par rapport à ses prédécesseurs : « C’est son calme. Ce n’est pas quelqu’un qui se met facilement en colère. Il parle peu et ne répond presque jamais aux critiques avancées dans la presse, surtout si celles-ci le touchent en personne ». Le journaliste explique ainsi comment le chef du gouvernement n’a saisi aucune occasion pour réfuter des accusations dans la presse, « sur le nombre de ses propriétés, un chalet ici, un appartement là et une maison je ne sais où. Jamais, il n’aborde la question ou essaye de se défendre. C’est l’intrusion dans sa vie personnelle qui l’irrite le plus ».

Cela faisait 3 ans, peut-être un peu plus, que sa femme était malade, mais très peu de personnes étaient au courant. Les autres ne l’ont appris que le jour de son décès et son déplacement en France pendant quelques jours pour l’accompagner à l’hôpital avait échappé à la presse.

Il est bien apprécié par le chef de l’Etat, « car c’est un bon fonctionnaire », explique Rachwane. Mais le courant entre lui et l’Egyptien ordinaire ne passe pas.

Samar Al-Gamal 

Retour au sommaire

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.