Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | L’ameublement impossible
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 6 au 12 mai 2009, numéro 765

 

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Nulle part ailleurs

Initiative. Damiette, ville connue pour ses fabricants de meubles, a décidé d’apporter une assistance à Gaza, à sa manière. Du mobilier pour 140 chambres d’un coût d’un million et demi de L.E. a été confectionné pour être offert aux Gazaouis. Les meubles restent en attente d’une permission de passage à l’autre côté de la frontière. Reportage.

L’ameublement impossible

Cette ville, si caractéristique et connue pour son mobilier artisanal de qualité, n’a pas manqué de subir le choc des massacres israéliens perpétrés à Gaza. Et si la vie a repris dans les zones sinistrées, le décor n’a pas changé. Les ruines sont toujours là, témoins de la fureur destructrice des tirs. Quatre mois après le cessez-le-feu, la situation n’a pas changé pour les 1,5 million d’habitants. 4 000 maisons ont été détruites et 17 000 endommagées. On estime à environ 120 000 le nombre de personnes directement affectées par les destructions massives. Des destructions considérables ont été causées aux infrastructures, hôpitaux, ambulances, écoles, mosquées, terres agricoles, etc. Et les Gazaouis attendent toujours que les choses bougent. Une idée autant pratique qu’emblématique est alors née au sein du Comité de secours de l’ordre des Médecins à Damiette. Faire don de meubles aux habitants de Gaza. Elle a été accueillie chaleureusement par l’ensemble des habitants, notamment les commerçants, les hommes d’affaires et beaucoup d’autres bénévoles. Une fois le projet annoncé, les donations et les offres d’aides ont afflué. « Des gens nous ont même apporté leurs bijoux pour aider les Gazaouis », dit Saber Azzaq, président de l’ordre des Médecins à Damiette.

Le Dr Hassan Morsi, médecin, membre du comité de secours et le premier à avoir lancé l’idée, explique qu’il fallait fabriquer des meubles adaptés aux conditions de vie des habitants. « Nous avons pris contact avec des Gazaouis et fait certaines recherches. Nous avons donc décidé de fabriquer des meubles, très simples, mais d’une bonne qualité. Des pièces standard pouvant convenir à n’importe quel endroit. Des meubles faciles à transporter en cas de danger et de déménagement », explique Morsi.

L’idée a ensuite fait son chemin au sein des ONG qui travaillent à Gaza, et surtout auprès des jeunes qui cherchent à se marier ou même les médecins qui cherchent à équiper leurs cliniques. « Des appels téléphoniques nous annonçaient chaque jour l’ampleur du besoin, d’autres pour savoir quand arriveraient les meubles », explique Ahmad Al-Nahri, propriétaire d’un des points de vente de meubles et un des responsables de la mise en marche de ce projet à Damiette.

Le gouvernorat de Damiette n’était pas à sa première action en faveur de Gaza. Durant la guerre, il a envoyé une vingtaine de camions chargés de produits alimentaires et de médicaments d’une valeur d’un million et demi de L.E., en plus de cinq ambulances. Cette fois-ci, il a consacré trois ateliers pour fabriquer 4 différentes formes de pièces qui peuvent servir à meubler des chambres à coucher, des chambres d’enfants, ou servir d’équipements pour des cliniques. Et depuis, les menuisiers de Damiette travaillent d’arrache-pied. Entourés de bénévoles très enthousiastes, ils font des heures supplémentaires pour fabriquer le tout en un temps record.

Une action nationale

Les meubles Al-Salam, Soufian pour les meubles, Haroun Furnitures, etc. Du siège de l’ordre aux ateliers de fabrication, le chemin est long en passant par des innombrables ateliers et points de vente de meubles qui côtoient des pâtisseries, deuxième spécialité de Damiette.

En s’approchant du portail d’un des fameux ateliers de Damiette et qui a contribué à une grande part du projet, les ouvriers sont dispersés. Certains prennent leur déjeuner, d’autres profitent de l’occasion pour jouer un match de foot, tandis que Réda fait une petite tournée avec sa bicyclette. Un temps sacré de repos, dans une ville où le travail est presque une pratique religieuse. Mais ces moments de repos ont été même sacrifiés lors de la fabrication des meubles destinés aux Gazaouis, comme l’explique hag Atteya, directeur de l’usine.

Et en sciant une planche de bois ou en faisant des gravures sur une autre, les artisans parlent avec beaucoup de fierté de leur participation au projet. Ici, 120 sur 300 y ont participé en fabriquant 80 pièces en 40 jours. Abdo explique qu’il travaillait de tout son cœur comme s’il fabriquait ses propres meubles. « Personne n’a raté les images atroces des bombardements diffusées dans les médias, je voulais à tout prix défendre les Gazaouis. Ne pouvant me servir d’un fusil, avec mon savoir-faire et mon métier je me suis dit que je peux les aider », affirme Abdo avec l’enthousiasme d’un soldat sur le champ de bataille. Des meubles fabriqués en hêtre, un bois de grande qualité comparable aux meubles exportés, mais avec un coût de fabrication moins cher, comme l’explique hag Atteya. Des pièces qui se vendent au marché à 5 500 L.E. et 4 500 L.E. et qui ont coûté 4 100 L.E. et 2 900 L.E. Quand à Mohamad Ibrahim, il dit que c’est la moindre des choses à offrir à un peuple qui combat pour survivre. « Ils ont été désespérés, déchirés et expulsés de leurs maisons », ajoute un des artisans qui a sacrifié des heures de travail pour terminer avant le temps prévu. Et avant le premier avril, date de la livraison du mobilier, les usines avaient terminé de fabriquer les meubles. Des armoires, des lits, des chaises, des bureaux ont été emballés et entreposés dans les lieux de stockage attendant une autorisation pour être livrés.

A quand la livraison ?

Des contacts ont été pris avec les autorités et le Croissant-Rouge égyptien pour permettre à ce mobilier d’être acheminé vers Gaza. Cependant, et comme l’explique Ahmad Al-Nahri, aucune des promesse faites n’a été tenue. « Ils nous ont promis de livrer les meubles à la mi-avril, mais les jours passent et rien n’a été fait », explique Al-Nahri, qui n’arrive pas à répondre aux interrogations des propriétaires des usines qui se demandent quand ces meubles arriveraient à destination. Une seule réponse de la part du gouverneur du Nord-Sinaï. « Je n’ai pas reçu d’instructions pour les faire passer de l’autre côté des frontières », dit Al-Nahri.

Et même si la Conférence pour la reconstruction de Gaza a donné une lueur d’espoir aux Damiettois, rien de nouveau ne profile à l’horizon. « 80 pays et organisations ont adopté un plan de reconstruction promettant 4,5 milliards de dollars d’aide pour les gens de Gaza, lors de la conférence du 2 mars à Charm Al-Cheikh, mais rien n’a été fait. Et même si le communiqué final a appelé à l’ouverture immédiate, totale et inconditionnelle de tous les points de passage, aucune reconstruction n’a eu lieu. Les sinistrés vivent toujours sous des tentes », s’indigne Al-Nahri, en ajoutant qu’il pensait que le projet de Damiette allait de pair avec celui de la reconstruction à Gaza. Cependant, deux mois se sont écoulés sans qu’il y ait de relance. Une longue attente qui a déçu les gens de Damiette craignant que les meubles ne s’abîment. « Laisser des meubles vernis longtemps en stockage risque de les abîmer, surtout avec la chaleur de l’été. Les matières premières ont besoin de respirer. En plus des risques d’incendie dans les lieux de stockage. Nous ne les avons pas fabriqués pour les stocker », déplore Nasser Chaaban, propriétaire d’un atelier. Une déception qui a freiné la campagne de soutien pour Gaza, alors que les menuisiers avaient même projeté de fabriquer des portes et des fenêtres pour les maisons endommagées. « Comment demander aux gens de faire encore des efforts tant qu’ils ne voient pas les fruits de leur travail remis aux destinataires ? », s’interroge Hassan Al-Morsi qui, lui comme d’autres responsables des projets de soutien, ne cesse de suivre les nouvelles, espérant l’ouverture des frontières. « Les tentatives de réconciliation entre le mouvement islamiste et son rival du Fatah ont jusqu’à présent échoué en dépit des efforts du médiateur égyptien ». Pendant ce temps, les gens de Damiette attendent une décision politique autorisant l’ouverture des frontières et permettant aux Gazaouis de recevoir les meubles de Damiette.

Doaa Khalifa

 




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