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 Semaine du 13 à 19 mai 2009, numéro 766

 

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Société

Marchés. Situés aux alentours des institutions publiques, des marchés improvisés poussent comme des champignons et ont comme cible les fonctionnaires. Avec leurs prix abordables, ils représentent un business fructueux pour les marchands ambulants et une vraie aubaine pour les petites bourses.

Souks bons plans

Quand Al-Mogammaa ferme ses portes à 14h pile, c’est le marché aux alentours qui commence. Les fonctionnaires se bousculent alors à l’extérieur devant les étalages à même le sol. Des vêtements, des accessoires, des aliments, des produits cosmétiques, des ustensiles de cuisine et même des appareils électroménagers, etc. Bref, divers produits à prix modiques. Ce souk dure de 14h à 15h seulement. « L’heure est un critère important. Nous installons nos étalages à proximité du Mogammaa au moment de la sortie des fonctionnaires pour profiter de l’affluence », explique Ali, un marchand.

En fait, le choix d’un tel emplacement stratégique n’est pas le fruit du hasard, car si la plupart de ces marchands très particuliers sont analphabètes, ils développent des conceptions personnelles et souvent efficaces d’études de marché et de marketing. « On préfère les endroits qui servent de passage. Autrement dit, on compte non seulement sur les fonctionnaires du Mogammaa, mais aussi sur les milliers de citoyens qu’accueille quotidiennement cet organisme », poursuit Ali. Ce dernier a vu son magasin, situé au centre-ville, déserté par une clientèle découragée par la récession et donc, il tente d’écouler ses invendus sur ce marché, en cassant les prix.

Aujourd’hui, sa recette est d’environ 400 L.E. par jour, alors qu’il y a quelques mois, elle atteignait les 1 000 L.E.

En effet, ce marchand a perdu un grand nombre de sa clientèle après la décision gouvernementale de délocaliser les organismes administratifs. Il argumente son choix pour cet emplacement : « Ils sont tellement nombreux les fonctionnaires du Mogammaa qu’il faut en profiter ». Et si les fonctionnaires sont une cible pour ces marchands, les modestes citoyens y trouvent aussi leur compte.

« Ici, les prix sont à 50 % plus bas qu’ailleurs. J’ai acheté, pour ma fille âgée de trois ans, trois robes à 23 L.E. seulement. Un prix impossible à trouver dans les magasins du centre-ville. Ce marché me permet non seulement d’économiser de l’argent, mais aussi du temps et des efforts, puisqu’il se trouve à quelques pas de mon boulot », dit Samira, une employée au Mogammaa, qui chaque jour fait un tour dans ce marché avant de rentrer chez elle. Aujourd’hui, elle a trouvé les couleurs d’écharpes qui vont avec ses tenues vestimentaires. Nadia, sa collègue, a acheté des sous-vêtements, une robe de chambre, une nappe et des draps pour le trousseau de sa fille.

Les marchés improvisés de ce genre poussent comme des champignons dans les rues du Caire, notamment à proximité des ministères et des bureaux administratifs. Face à une crise économique qui persiste depuis 1999, des salaires qui n’ont pas bougé alors que les prix ne cessent d’augmenter, ces souks sont devenus la solution pour beaucoup de fonctionnaires. Les chiffres assurent que leur nombre a atteint la centaine en comparaison avec le début des années 1990, où il existait seulement une soixantaine. La sociologue Azza Korayem approuve cette nouvelle tendance :

« C’est une sorte de solidarité sociale. Ces marchés attirent aujourd’hui non seulement les modestes gens, mais aussi la classe moyenne qui lutte pour subsister face à cette crise. Cette classe, qui attachait beaucoup d’importance aux apparences, a commencé à changer ses habitudes ». Et d’ajouter : « Lorsque le souk de Wékalet al-balah (marché où l’on vend des tissus) a ouvert ses portes au début des années 1990, beaucoup de mes collègues du Centre des recherches sociales et criminelles refusaient de s’y rendre sous prétexte que cela ne va pas de pair avec le prestige d’un chercheur. Aujourd’hui, la situation a changé et ce souk accueille la majorité de la classe moyenne qui lutte pour conserver son niveau de vie. Un apport appréciable dans un pays où le salaire d’un fonctionnaire dépasse rarement les 300 livres égyptiennes (38 euros) par mois ».

Stratégies commerciales

Dans la rue Saad Zaghloul au quartier de Sayeda Zeinab et à proximité de l’Assemblée du peuple, des ministères de la Santé, de l’Education, de l’Intérieur, des Finances ainsi que de l’Organisme des impôts s’étend un marché existant depuis une dizaine d’années. Anarchique à première vue, cette enfilade de bassines remplies de poissons, de fromage, d’œufs, de paniers en osier contenant des légumes, des charrettes pleines de fruits, de vaisselle et des sandales en plastique s’est transformée en souk où l’on trouve de tout. Autrement dit, la variété de marchandises exposées dans cette rue attire la clientèle, en majorité des fonctionnaires de ces ministères. Répartis de part et d’autre de la rue, une cinquantaine de vendeurs sont toujours là, tentant de gagner leur vie illégalement malgré la décision du gouverneur de leur interdire cet emplacement. Un bakchich. Un autre. Encore un autre. Tous les cinq mètres, Hamed, policier chargé de l’ordre d’empêcher l’installation de vendeurs ambulants, empoche discrètement de l’argent avant de poursuivre sa mission. La rue Saad Zaghloul est son territoire. Ici, pour écouler ses fruits, ses légumes ou ses vêtements, chaque vendeur doit faire acte d’allégeance. Et si Hamed n’obtient pas ce qu’il demande, les vendeurs sont dénoncés et la police fait alors sa descente pour nettoyer les lieux.

Cet agent est là pour faire respecter la loi, pour assurer la sécurité d’une artère située à proximité des ministères des Finances et de l’Intérieur. « Ce policier est aussi pauvre que nous, explique un vendeur. Il comprend nos difficultés, car ce sont aussi les siennes ». Or, ce vendeur ainsi que d’autres sont prêts à sacrifier chaque jour un peu de leur gain pour rester dans ce marché. « Si la police nous déloge d’ici, on perdra notre clientèle, car les gens se sont habitués à nous voir ici de 9h du matin jusqu’à 15h. C’est-à-dire à l’heure d’arrivée des fonctionnaires jusqu’à leur sortie du boulot. Le vendredi et le samedi sont des jours de congé. On ne vient pas et la rue est vide car les employés ne travaillent pas ces jours-là », explique Sayed Abd-Rabbo, vendeur de t-shirts et de foulards. Ces marchands semblent avoir bien étudié l’heure et le lieu de rassemblement des fonctionnaires, mais aussi leur mode de vie, leurs conditions et leurs besoins. Ils choisissent leurs marchandises en fonction des besoins de leur clientèle. Il est donc courant de voir des marchands de légumes vendre de l’ail épluché ou des légumes coupés en morceaux prêts à la cuisson pour faciliter le travail des femmes actives qui ne disposent pas de beaucoup de temps pour remplir leurs tâches. Un autre vend des cravates à 7 L.E. Des prix à la portée de cette catégorie sociale qui veut conserver à tout prix son allure distinguée.

Au fil du temps, des relations d’amitié se sont tissées entre ces gens et ceux du souk. Les visages et les noms des clients sont devenus familiers et beaucoup achètent à crédit. Mahmoud, directeur dans une des institutions publiques, confie avoir acheté 10 cravates pour 70 L.E. qu’il va payer sur deux mois. Entre vendeurs et clients, la confiance s’est instaurée. « J’achète ici plein de choses difficiles à trouver ailleurs avec de telles facilités de paiement », dit-il.

Une autre fonctionnaire confie demander une autorisation d’absence d’une ou deux heures de son supérieur au travail pour se rendre sur ce marché et acheter tout ce dont elle a besoin.

Meilleure qualité, prix raisonnables

Et bien que tous les vendeurs du souk Saad Zaghloul vivent sur le qui-vive, d’autres dans un marché situé à Madinet Nasr, près du centre commercial Guéneina Mall, sont fatigués de jouer au chat et à la souris. Traqués constamment par la police, ils recourent à toutes sortes de stratagèmes pour échapper à sa prise, mais sans succès. Ce marché, qui se tenait tous les lundis, a été délogé. Il a été placé derrière l’hôtel Sonesta, dans le même quartier, mais dans une rue plus calme. Ce marché profite d’un emplacement stratégique : entouré de l’Organisme central de la mobilisation et des statistiques, du central téléphonique du quartier, de l’Entreprise publique de gaz naturel, du ministère de la Main-d’œuvre et de la Société d’électricité, sans compter le corps enseignant de quelques écoles. Un rassemblement quotidien de fonctionnaires qui garantit l’écoulement de toutes les marchandises. Et pour limiter les dégâts en cas de saisie des produits, quelques commerçants ont décidé de cotiser pour construire de petits kiosques pour y entreposer leurs marchandises. Mais ils continuent d’étaler leurs articles en dehors de ces kiosques. « Les produits exposés par terre sont plus prisés par les clients qui ont tendance à éviter les magasins car plus chers », explique l’un d’eux. Aujourd’hui, les vendeurs sont plus vigilants. Les tables pliantes sur lesquelles ils avaient l’habitude de disposer leurs articles ont été remplacées par des toiles de jute étalées à même le sol, car il est plus facile en cas de descente de la police de plier bagage. Et là, le souk s’envole tout à coup.

Chahinaz Gheith


 

Le spécial Doqqi

Dans le quartier de Doqqi et à proximité du ministère de l’Agriculture et du Centre national des recherches se trouve un marché d’un genre particulier. Il représente le seul lieu d’approvisionnement des produits du ministère de l’Agriculture. Ce n’est pas un marché de marchands ambulants qui se cachent de la police. C’est un marché spécialisé dans la vente des produits du ministère. Miel, œufs, viandes, poulets, poissons et fromage, etc., toutes sortes de denrées alimentaires. Construit depuis une dizaine d’années, nul ne peut nier le rôle très important de ce marché dans la distribution massive. Raison pour laquelle gouvernement, marchands et citoyens, tous ont intérêt à préserver ce type de marché. Les produits sont bien emballés et conservés dans des frigos et le tout entreposé dans des kiosques situés les uns à côté des autres. Ici, les prix ne sont pas très bas, mais beaucoup moins chers qu’ailleurs, au moins de 20 %. Hoda, fonctionnaire au Centre national des recherches, a l’habitude de passer pour s’approvisionner en viande, légumes et fruits frais. « Les prix ne sont pas modiques à l’instar d’autres marchés, mais la différence ici c’est que l’on achète des produits de bonne qualité et contrôlés par le personnel de laboratoire du ministère de l’Agriculture. J’achète, par exemple, la bouteille de miel à 17 L.E. alors qu’ailleurs, elle est vendue à 29 L.E. De plus, son goût est incomparable aux autres endroits. Il m’est arrivé d’en acheter dans les grandes surfaces, mais ce n’était jamais du vrai et mes enfants ne l’ont pas apprécié », conclut Hoda.

 

 

Adresses utiles

 

Au Caire, plusieurs marchés improvisés sont destinés aux fonctionnaires. En voici quelques adresses :

— Place Tahrir, aux alentours du Mogammaa, connu pour la vente des ustensiles, shampooings et produits de beauté, sans oublier les outils de réparation et les téléphones portables.

— Place Issaaf (ambulance), rue Aboul-Ela, près des institutions Al-Ahram et Al-Akhbar : vêtements d’occasion importés.

— Quartier de Sayeda Zeinab, rue Saad Zaghloul : légumes, fruits, chaussures, t-shirts, foulards, produits cosmétiques et détergents.

— Quartier de Madinet Nasr, derrière l’hôtel Sonesta et l’Organisme central de la mobilisation et des statistiques : panoplie de vêtements, vaisselle et pacotilles.

— Le marché du jeudi au quartier de Matariya : légumes, fruits et vêtements.

 

 

 




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