Al-Ahram Hebdo, Littérature | Rêves shakespeariens
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 13 à 19 mai 2009, numéro 766

 

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Littérature

Dans Ahlam shakespeariya, Chaabane Youssef creuse dans le mythe de Hamlet et Ophélie, dans le labyrinthe de l’amour et du doute, pour poser des questions sur le présent de la patrie. En voici quelques vers tirés de son nouveau recueil.

Rêves shakespeariens

A travers deux mille miles

Elle laisse échapper quelques-unes de ses hantises

Et un peu de la prudence qui tyrannise son intuition

Et un souhait paisible !

A travers deux mille miles

Hamlet s’est accroché

Entre moi et son éloquence

Comme une question qui résiste à toutes ses réponses

Que Shakespeare a lancée,

Il m’a dit :

Elle parlera à sa voisine du petit chat de sa fille

Puis elle l’apportera …

Et lui donnera le bain

Et enlèvera l’impureté qui est sur sa fourrure

Et le cajolera

Puis allumera quelques chandelles pour réchauffer l’âme

Puis le couchera dans un petit lit … petit …

Pour briser sa solitude

Ou pour bercer un peu son enfance.

 

Shakespeare qui a allumé la nuit

Jusqu’à ce qu’elle allume ses lanternes,

Il sortira d’entre les étagères des bibliothèques

Et il descendra

Et sera attentionné avec sa fille,

Puis il lui racontera l’histoire du royaume pour qu’elle s’endorme,

Et il explique que ceux qui vivent sur les trônes sont atteints — toujours — de la maladie de la trahison, de la haine, de la terreur et de la vengeance !

 

A travers deux mille miles …

Elle étendra un flot d’affection mystérieuse

Je la contemple

Et je calligraphie des lettres qui lui répondent

Et qui troublent l’immobilité par leur délicatesse,

J’effleure tous les reliefs de sa phrase,

Alors qu’elle monte tout haut comme un ciel

Et qu’elle déclare, avec une confiance presque parfaite :

ô mon ami lointain

A la voix qui tremble à travers le métal du téléphone

Je suis lasse de ceux qui se mettent à m’affronter,

Ils désirent rester proches de moi,

Sans découvrir mon âme,

Sans l’expérience de savoir le destin qui guette toujours.

ô mon ami, moi je vis la vie intensément,

Et je demande : Qu’est-ce que l’être humain ? Si son souci et le seul bien qu’il tire de la vie c’est de dormir et de manger ? Un animal et rien d’autre !

Et elle ajoute : Crois-moi, ô ami intime que les aléas de la vie ont éloigné et qui est là maintenant présent avec moi :

Je ne joue pas avec la vie à un jeu de hasard

Je ne prends pas à la légère des doutes jetés çà et là

Mais j’hésite avant de prendre une décision

Je te parle des dédales de mon âme

Et de ma langue manifeste

Aide-moi à être l’amie que tu écoutes

Ou pour que je sois un rayon qui inonde …

Qui éclaire tes ténèbres qui sont là, à s’amonceler dans la chambre que tu habites

Et que tu transformes en un musée de ton vacarme

Aide-moi à verser ma béatitude sur toi

Et un peu de ma vie.

 

J’enverrai le portrait de ma fille pour que tu me contemples,

Puis tu liras des traits de mon visage,

Je veux ton salut,

Et sois toujours rayonnant

Comme un soleil qui émerge sur l’univers

Tous les matins,

Et sois toujours sincère comme une promesse

Et sois un chevalier … et non un vieillard

Pour me donner de la force

Et me laisser comme un rêve.

 

La folie du ballet

Et je n’ai pu habituer mon âme à contempler cette beauté

Pour qu’elle élucide — sûre d’elle-même — des mots étranges

Elle interprète un peu du mystère qui fait tourner une danseuse

Qui fait des pirouettes dans la peine et la stupeur

Elle me prendra sur son île

Vers le royaume des mouvements et les cloîtres des braves gens,

Une transcendance qui s’épanche,

Qui prend forme dans des histoires magnifiques,

Et les tendres sentiments babillaient, étonnés

De l’innocence de ce lieu enchanteur

Et riaient de la vivacité des mouvements

Qui nous entraîneront doucement, paisiblement,

Et nous mèneront comme les enfants de l’école primaire

Voir un spectacle

Et une histoire féerique qui s’élève très haut par amour

Qui va noyer nos âmes dans le désarroi

Alors je garde le silence quelque temps

Je ne peux respirer … Je ne peux me retourner

Je ne peux pas parler et je ne peux rester silencieux

Et je sens que lire son charme ébranlera tout mon être

Je résiste à moi-même et à mes yeux … à la main de mon cœur

J’observe un peu de la folie qui me bouleverse

Et l’œil ne peut la contempler sans vaciller

Et je me demande

Est-il raisonnable d’hésiter en prononçant chaque lettre ?

Est-il raisonnable que le cœur, enflammé, résiste

Toutes ces années ?

Toutes les paroles qui reviennent sont infimes … infimes

Pour la décrire

Toutes les paroles s’égarent

Et toutes les belles images sont impuissantes — dans l’absolu —

Et ont honte à chaque instant.

Je la contemple longuement et j’ai peur,

Et je m’écrie : Tout ce qui est passé par mon âme avant

Est une illusion,

Et de pures histoires nonchalantes

C’est un charme pur

De purs sentiments

La vie pure

Je suis absent

Je suis présent

Je respire — c’est vrai —

Et je délire avec toutes ses vertus.

 

L’appel du sommeil

L’anachorète s’asseyait tous les matins sous les murs de la sagesse,

Il lisait un texte d’énigmes … il s’attachait à chaque mot

Il rêvait ou se souvenait de spectres qui se sont éloignés,

Tout le passé entre ses mains

Redevenait présent,

Il resserrait les fils du temps,

Ou contemplait le royaume de Dieu

Il chante quand la lumière s’éclipse, quand la lumière pâlit

L’anachorète sentait qu’un temps apparaîtra

Et qu’un temps est passé avec ses révélations édifiantes,

Quand le soleil paraît et se lève

Pour que viennent les rayons de mon cœur sur les lignes de mon âme

Les illuminer !

L’anachorète s’est mis à raconter des histoires

Il racontait que le monde … il était … et il était …

Il pleurait puis versait des larmes abondantes

Il a noyé des textes de la sagesse,

L’anachorète allait presque savoir déchiffrer les signes de la magie

Et les signes se sont mis à danser.

 

Il s’écrie :

Tu es l’espoir émanant des hauteurs du vaste univers

Tu réunis mes fragments

Et tu verses l’ample musique dans le chaos de mon être

Et tu ébranles par ton esprit toute ma certitude

Et tu donnes à ma soif la légende de ton fleuve.

L’anachorète allait soupirer

Quand le soleil a illuminé toutes les ténèbres d’une âme qui crie

Lui, l’homme debout entre les arbres secs

L’anachorète s’élevait

Par l’extrême brillance du soleil

Je sais que l’encens de l’air qui t’entoure s’élève — dans l’absolu — dans toute la demeure

Je sais qu’il m’est difficile de réunir tes qualités

De les dire une à une

De les enfiler dans le chapelet de l’âme et transcender

Il est difficile de contempler chaque matin

Le spectre des vents de ta tendresse

Je sais que la demeure est belle

Et que l’atmosphère est pure

Et les amis sont attirés vers toi

Et chantent

Pour toi, entre la joie de la famille

Je sais que l’amoureux allait s’envoler

Il allait papillonner sans avoir des ailes

Il observait de sa cachette toutes les lettres de la phrase

Il lit des textes qu’il n’a jamais lus

Il écoute une langue qu’il ne connaît pas

Il regarde des jardins qui naissent de ton sourire

Il soupire :

Toute beauté s’agenouille entre tes mains

Toute vie se lève sous ton ciel

Je demande à mon âme,

J’interroge un cœur qui allait se dessécher

Qui allait quitter la dernière pulsation dans les veines,

Tant de beauté est-elle possible ?

Quelle élévation battait des ailes sur les sables du rivage ?

Je sais que l’eau est enviable

Et que la sérénité de la mer vénère tes pas

Que la légende de la finesse de ton âme

Fait honte à la délicatesse de la brise

Que ton rayon est plus fort que toutes les aubes.

 

Je sais que tu es l’âme de l’âme

Tu es un soleil qui brille dans l’éternité, l’éternité

Au cœur du secret caché

Partout ici-bas

Tu es un flot de lumière

Se levant entre le souffle de l’aveu.

Traduction de Suzanne Lackany

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Chaabane Youssef

Il appartient historiquement à la génération des années 1970 participant dans la revue Ibdaa 77, porte-parole d’une génération de poètes qui à l’époque se révoltaient sur l’idée du sacré dans l’art, et révolutionnaient la langue arabe pour des fins poétiques et esthétiques. Il écrit dans de nombreux journaux et revues littéraires et s’est parallèlement voué à la vie culturelle égyptienne et à l’écriture. Il dirige depuis plus de 20 ans l’atelier Al-Zeïtoun qui discute toutes les semaines une nouveauté culturelle. En plus d’un roman et d’une pièce de théâtre, il a déjà publié 8 recueils de poèmes : Maqaad sabet fil rih (un fauteuil fixe dans le vent), Moawadat (reprises), Tazhar fi manami kassirane (elle me poursuit souvent dans mon sommeil), etc.

 

 




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