Tchad.
Après
plusieurs jours de combats, l’armée gouvernementale affirme
avoir vaincu la rébellion de l’est du pays. Mais les
rebelles assurent qu’ils comptent continuer leur route vers
N’Djamena.
Sur
le qui-vive
Après
deux jours de combats meurtriers entre armée et rebelles
tchadiens, une certaine accalmie règne depuis dimanche dans
l’est du Tchad, où l’armée semblait avoir remporté les
combats contre les rebelles. Rien d’acquis cependant, la
situation risque de s’embraser à nouveau à tout moment.
D’ores et déjà, malgré le revers militaire qu’ils ont subi,
les rebelles ont affirmé regrouper leurs forces pour
poursuivre leur offensive vers N’Djamena. « Je crois qu’on
peut dire qu’on est dans une phase finale. C’est une
victoire nette (du président) Deby. Les rebelles rebroussent
chemin », a affirmé une source militaire française à l’AFP.
« Il y a une reconcentration de colonnes (de rebelles) dans
le sud-est, le long de la frontière soudanaise, qui semble
indiquer que la rébellion quitte le pays », a expliqué cette
source. Ce n’est pourtant pas un avis unanime. Une autre
source étrangère, qui a requis l’anonymat, a estimé que les
rebelles disposent encore d’un « potentiel » de matériels et
d’hommes.
Côté
gouvernemental, on crie victoire. Le ministre tchadien de la
Défense par intérim, Adoum Younousmi, a affirmé que le Tchad
avait remporté une « victoire décisive » sur les rebelles
dans les combats du week-end dernier. Le gouvernement a
avancé le bilan de 247 morts (225 rebelles, 22 militaires)
et 212 insurgés capturés, des chiffres réfutés par la
rébellion et qu’il était impossible de vérifier de source
indépendante. Réponse de la rébellion : « Ce n’est pas fini.
Nous nous regroupons, on s’occupe des blessés, on se prépare.
Vous verrez, ça va reprendre », a affirmé dimanche à l’AFP
un membre de l’Union des Forces de la Résistance (UFR,
coalition des 9 principales factions de la rébellion). «
N’Djamena peut dire ce qu’elle veut, mais ce n’est pas
terminé. Les bilans donnés par les autorités sont faux », a
ajouté cette source, en affirmant : « L’objectif reste
N’Djamena ». Cette source a nié que ses mouvements aient été
ralentis, notamment par les frappes de l’aviation tchadienne
: « Nous avons des armes anti-aériennes », a-t-elle dit.
Répondant à ces paroles, le ministre tchadien de la Défense,
Younousmi, a insisté : « Ils (les rebelles) mettront deux à
trois ans avant de pouvoir se reconstituer », en ajoutant
que les autorités tchadiennes sont soutenues par la
communauté internationale. La France compte 1 100 soldats
stationnés au Tchad dans le cadre du dispositif Epervier,
opération française lancée en 1986 au titre d’un accord
bilatéral. Ce dispositif fournit notamment à l’armée
tchadienne des renseignements obtenus par surveillance
aérienne.
Tensions
avec Khartoum
Les
rebelles tchadiens venus du Soudan sont entrés au Tchad le 4
mai, avec pour objectif affirmé de prendre N’Djamena et de
renverser le président, Idriss Deby. Un scénario que le pays
a déjà vécu et qui, comme d’habitude, jette de l’huile sur
le feu, alors que les relations entre le Tchad et le Soudan
restent tendues. Les deux pays s’accusent mutuellement de
soutenir les rebelles dans l’autre pays et se sont
mutuellement reprochés aux Nations-Unies de soutenir les
mouvements rebelles sur le territoire voisin. Pourtant,
Khartoum et N’Djamena viennent à peine de signer, le 4 mai,
un accord visant à normaliser leurs relations. Or, le jour
même, cette nouvelle offensive a donné lieu à des
communiqués contradictoires, ce qui a de nouveau fait monter
la tension entre Khartoum et N’Djamena. Et comme chaque fois,
les deux pays nient toute implication ou responsabilité dans
les affaires du voisin.
Cette
fois-ci, la rébellion tchadienne l’a également confirmé.
L’Union des Forces de la Résistance (UFR), une alliance de
factions rebelles tchadiennes dirigée par Timan Erdimi, qui
a lancé cette dernière opération, a insisté ne pas être «
des supplétifs de l’armée soudanaise ». Mais cette
déclaration n’a pas calmé les autorités tchadiennes. Le
président Deby Itno a affirmé qu’il envisageait de rompre
les relations diplomatiques avec Khartoum « le moment venu
». Il a indiqué sa volonté de « fermer les Centres culturels
soudanais et de reprendre les écoles soudanaises. Les
enseignants (de ces écoles), qui ne sont autres que des
agents de renseignement (du Soudan), doivent regagner leur
pays », a décidé le président. Qui plus est, M. Deby a
précisé que le Tchad soutiendrait ouvertement la CPI, qui a
lancé un mandat d’arrêt international contre le président
soudanais, Omar Al-Béchir, pour crimes de guerre au Darfour.
Par ailleurs, le président tchadien envisage de retirer sa
confiance à l’Union africaine pour confier la résolution de
la crise aux seules Nations-Unies. Ainsi, il reproche au
bloc régional son incapacité à trouver des solutions. « Si
l’UA a fermement condamné l’attaque rebelle, elle n’a en
effet pas voulu citer nommément le Soudan, se limitant à
affirmer que les Etats membres ne (devaient) pas servir de
base arrière ou soutenir des mouvements rebelles », a-t-il
affirmé.
Maha
Salem