Al-Ahram Hebdo, Egypte |
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 2 au 8 décembre 2009, numéro 795

 

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Egypte

Frères Musulmans. Leur guide suprême, Mahdi Akef, évoque les rapports mouvementés de la confrérie avec l’Etat et sa participation aux prochaines législatives. Il revient sur la récente crise interne au sein de ce groupe. 

« Si les élections étaient honnêtes, les Frères réaliseraient un succès écrasant »

Al-Ahram Hebdo : Vous avez récemment annoncé que vous renonceriez à votre poste de guide suprême à la fin de votre mandat actuel en 2010. Aucun guide n’a pris une telle décision. Pourquoi quitter votre poste ?

Mahdi Akef : Oui. Je laisse mon poste en janvier 2010. C’est une décision personnelle qui n’a rien à voir avec la situation au sein de la Confrérie. J’ai 81 ans et je trouve qu’il est grand temps pour me reposer. Je laisse le travail à quelqu’un d’autre. Je resterai toujours membre de la confrérie. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que j’évoque cette décision. Lors de ma nomination à ce poste en 2004, j’ai dit devant le bureau politique que je ne resterai pas longtemps à la tête de la Confrérie. Non seulement à cause de mon âge, mais aussi parce que je crois à l’alternance et à la nécessité d’avoir du sang neuf au sein de la Confrérie.

— Mais la situation actuelle au sein des Frères musulmans paraît critique avec notamment des arrestations massives de cadres de la confrérie et des conflits internes. Votre retrait ouvrira la voie aux spéculations sur l’avenir de la confrérie ...

— La Confrérie travaille avec des mécanismes qui préservent sa continuité. Il ne faut pas craindre le changement. Au contraire, c’est une nécessité dictée par l’évolution des choses. Mon retrait n’affectera jamais l’avenir de la Confrérie. Je suis son 7e guide depuis sa fondation en 1928, les visages ont changé mais la Confrérie, elle, poursuit sa marche. Et je réaffirme qu’il n’existe pas de conflits au sein de la Confrérie. Les principes sur lesquels repose notre groupe ne laisse aucune place ni aux divergences ni aux rivalités, car nous travaillons selon le principe de la choura (consultation).

— Parlons de cette crise survenue récemment au sein de la confrérie lorsque le bureau politique s’est opposé à votre volonté de nommer Essam Al-Ariane au sein de cette instance. Les médias ont parlé d’une fracture au sein de votre groupe. Que s’est-il passé ?

— Il n’y a pas eu de crise. Après le décès de Mohamad Hilal, qui était membre du bureau politique, j’ai considéré qu’une personnalité dévouée et active comme Essam Al-Ariane méritait d’être nommée au bureau politique et d’occuper le poste vacant laissé par Hilal. J’ai formulé une demande à cet effet. Mais les membres du bureau ont estimé que le règlement interne du groupe ne permettait pas à Essam Al-Ariane d’adhérer à cette instance avant les élections qui auront lieu dans quelques semaines. De quelle crise et de quelle rivalité parlent les médias ? Ils ont dit qu’il y avait une guerre entre conservateurs et réformateurs au sein des Frères musulmans. Ceux qui prétendent qu’il existe deux courants antagonistes au sein de la confrérie ne connaissent rien ni de la structure ni de l’histoire des Frères musulmans. La Confrérie a toujours été en mesure d’assimiler les jeunes générations et les évolutions politiques et sociales sans renoncer à ses principes fondamentaux.

— Mais, si comme vous dites, il n’y a pas eu de crise, pourquoi donc avez-vous quitté la réunion du bureau politique et confié vos fonctions à votre adjoint Mohamad Habib ? Estimez-vous que vous n’êtes plus écouté au sein de la confrérie ?

— C’était un moment de colère. Je suis convaincu qu’Al-Ariane mérite de faire partie du bureau politique. Je croyais que mon point de vue serait pris en considération. Mais la décision a été prise à la majorité et j’ai dû m’y résigner. Ce sont les règles de la démocratie et de la choura qui régissent notre groupe. Certaines décisions sont prises à la majorité des voix. Je suis à la tête de la confrérie, mais je n’ai pas le monopole des décisions.

— Qui va vous succéder ? Des noms tels que Moad Habib et Abdel-Moneim Aboul-Foutouh ont été évoqués.

— Le prochain guide sera choisi à travers les élections. Quel que soit son nom, il poursuivra le programme et l’agenda de la confrérie.

— Le grand écrivain Mohamad Hassanein Heykal a appelé la confrérie à une révision globale de son idéologie rigoriste, une invitation sans doute à adopter des positions plus ouvertes sur des questions telles que l’Etat civil par exemple. Qu’en pensez-vous ?

— Je lui dis : vous ne connaissez rien ni des Frères musulmans ni de leur idéologie. L’Etat civil n’est pas en contradiction avec l’application de la charia. La religion est une constitution divine réglant la vie des personnes et de la société. Par exemple, la démocratie moderne, considérée comme le modèle politique le plus sublime, existe en islam. C’est le principe de la choura cité dans le Coran. La déclaration des droits de l’homme n’est qu’un extrait des principes coraniques.

— Il était question pour vous de lancer un projet de création de parti politique. Mais visiblement, ce projet n’a pas encore pris forme. Pourquoi ?

— Nous attendons une atmosphère politique plus favorable à la création de partis politiques. Il n’est pas question pour nous de présenter un tel projet au comité des partis (ndlr : organe gouvernemental chargé de statuer sur les demandes de création des partis politiques en Egypte) qu’on considère comme illégitime. Depuis sa création, il refuse systématiquement la création de véritables partis politiques. Il n’a approuvé que les partis fantômes qui servent de décor au gouvernement. Nous avons devant nous l’expérience du projet du parti d’Al-Wassat qui lutte depuis 10 ans sans succès pour obtenir l’autorisation d’exister.

— Pourquoi donc la Confrérie a-t-elle lancé cette idée ?

— D’abord, l’idée de créer un parti n’est pas nouvelle. Elle est posée depuis une vingtaine d’années. Ensuite, nous avons voulu à travers ce projet présenter notre pensée à l’opinion publique et répondre à ceux qui prétendent que les Frères ne possèdent aucun programme politique. Dans le programme de ce projet de parti, nous avons abordé tous les problèmes et avons répondu à certaines interrogations. Nous avons expliqué notre conception de l’Etat moderne et nos positions sur l’économie, les droits des femmes et des coptes, la politique étrangère, de même que l’éducation, le chômage, le logement, la hausse des prix, la pollution et le transport.

— Ahmad Ezz, responsable de l’organisation au sein du PND, a déclaré que les Frères musulmans ne devaient pas rêver de réitérer leur exploit des législatives de 2005 où ils ont récolté 88 sièges. C’est une mise en garde de l’Etat pour vous écarter des élections ?

— Comment le PND peut-il garantir que les Frères ne réussiront pas aux législatives ? Nous n’avons pas encore pris de décision à propos de notre participation. Si les élections sont transparentes et honnêtes, nous aurons une réussite écrasante parce que notre légitimité émane des électeurs qui nous soutiennent. Je rappelle que la seule opposition véritable au Parlement a été les Frères musulmans. Mais le régime, qui cherche à réprimander toutes sortes d’opposition, doit savoir que son hostilité ne fait qu’augmenter la sympathie du peuple envers nous.

— Vos déclarations sur une éventuelle candidature de Gamal Moubarak aux présidentielles de 2011 ont été contradictoires. Tantôt vous dites qu’il a le droit de se présenter, tantôt vous dites qu’il ne doit pas le faire. Pourquoi cette contradiction ?

— Il n’y a pas de contradiction. Avant qu’il soit chef du comité des politiques du PND, j’ai estimé que, en tant que citoyen, il avait tout le droit comme tout autre candidat de se présenter aux élections présidentielles. Mais après sa nomination à la tête de ce puissant comité qui dirige véritablement le pays, je trouve qu’il serait injuste qu’il soit candidat aux présidentielles, étant donné qu’il dispose d’un pouvoir que ne possède aucun autre candidat. C’est ce comité qui était derrière l’amendement de l’article 76 de la Constitution. Un amendement fait sur mesure pour barrer la route à n’importe quel autre candidat que Gamal Moubarak.

— Existe-t-il des contacts entre l’Etat et la Confrérie ?

— Au niveau politique, le régime refuse tout dialogue avec nous, mais avec les services de sécurité, il y a parfois des contacts. Refuser le dialogue avec les Frères musulmans, principale force d’opposition en Egypte, est étonnant de la part du régime. Mais la légitimité populaire est notre arme face aux tentatives d’affaiblissement de la confrérie.

— Vous avez reconnu avoir conclu un accord avec l’Etat pour les législatives de 2005. Certains affirment que la Confrérie a conclu, cette année aussi, un marché avec la sécurité en vertu duquel vous vous engagez à limiter votre participation aux prochaines législatives en échange d’une libération de vos cadres emprisonnés. La récente libération d’Abdel-Moneim Aboul-Foutouh, l’un de vos cadres emprisonnés, ferait partie de cette transaction. Qu’en pensez-vous ?

— Actuellement, il n’y a aucun contact avec l’Etat. C’est vrai que lors des législatives de 2005, qui coïncidaient avec la visite du président Moubarak aux Etats-Unis, un haut responsable m’avait rendu visite pour me demander de ne pas susciter des remous lors de la visite du président à Washington et de ne pas faire trop de propagande pour les Frères lors des législatives. En échange, il a promis de libérer un certain nombre de cadres de la confrérie en prison, dont Essam Al-Ariane, et de nous permettre d’avoir un nombre convenable de sièges. Et les choses ont bien marché pendant la première et deuxième phases des élections, surtout avec la libération d’un grand nombre de Frères musulmans. Mais lors de la troisième phase, j’ai été informé que le président Bush avait demandé au président Moubarak de freiner la réussite des Frères aux élections. Et depuis, on n’a aucun contact avec le régime.

Propos recueillis par May Al-Maghrabi

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