Al-Ahram Hebdo, Opinion | Richard Labévière ; L’actualité de la prophétie d’Oded Yinon
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 Semaine du 16 au 22 décembre 2009, numéro 797

 

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Opinion

L’actualité de la prophétie d’Oded Yinon
Richard Labévière
 

La proclamation de Mahmoud Abbass de ne pas se présenter à l’élection présidentielle palestinienne, annoncée pour le 24 janvier 2010, prend la valeur d’un symptôme à trois dimensions. Premièrement, elle dévoile l’incapacité du nouvel exécutif américain à faire pression sur Israël pour qu’il arrête sa colonisation. Deuxièmement, elle démontreune fois de plus et s’il en était encore besoinque toute concession sans contrepartie à l’axe américano-israélien est organiquement vouée à l’échec : en se déjugeant sur le rapport Goldstone consacré à la dernière guerre de Gaza pourtant accablant pour Tel-Aviv, Mahmoud Abbass a définitivement tué Abou-Mazen. Enfin, elle entérine durablement la cassure du mouvement national palestinien, une cassure fabriquée de longue date …, suivant une prophétie rédigée par Oded Yinon (analyste du ministère israélien des Affaires étrangères) en 1982.

Il faut commencer par rappeler comment, dès le début des années 70, les services israéliens ont favorisé les factions islamistes contre l’OLP de Yasser Arafat. « Nous offrions un peu d’aide financière à certains groupes islamiques. Nous soutenions des mosquées et des écoles dans l’intention de développer une force de réaction contre les forces de gauche qui soutenaient l’OLP », expliquait en 1973 le général Segev, gouverneur de Gaza. Le dernier livre de notre confrère Charles Enderlin revient abondamment sur cette diagonale du fou sans pour autant remonter à toutes les causes. En effet, davantage que d’une série d’erreurs et de dysfonctionnements, cette stratégie du pire relève d’une fabrication délibérée et méthodique consistant à jouer la radicalisation contre celle de la négociation politique. Ainsi, les cabinets israéliens successifs travaillistes et Likoud se sont plus attachés à fragmenter, sinon à détruire l’Autorité palestinienne qu’à lutter contre les organisations radicales. C’est ainsi que la revendication palestinienne a progressivement été vidée de toute substance politique pour être transformée en une simple question sécuritaire de maintien de l’ordre régional et de lutte anti-terroriste globale.

Ensuite, il s’agit d’analyser comment les services israéliens de sécurité ont vendu cette méthode de fabrication aux troupes américaines en Iraq, en Afghanistan et au Pakistan ; mais aussi comment cette politique dite d’« instabilité constructive » a été scrupuleusement appliquée à l’encontre des Etats arabes de la région, conformément à la prophétie d’Oded Yinon et à l’agenda géopolitique américano-israélien : retribaliser les Proche et Moyen-Orient.

Cette retribalisation passe par une fragmentation territoriale de l’ensemble proche et moyen-oriental en des unités les plus petites possibles, préconisant autrement dit le démantèlement pur et simple des Etats arabes. En guise de préambule, Yinon écrit : « Le monde arabe islamique n’est qu’un château de cartes construit par des puissances étrangères — la France et la Grande-Bretagne dans les années 1920 — au mépris des aspirations des autochtones. Cette région a été arbitrairement divisée en dix-neuf Etats, tous composés de groupes ethniques différents, de minorités hostiles les unes aux autres, si bien que chacun des Etats arabes islamiques d’aujourd’hui se trouve menacé de l’intérieur en raison de dissensions ethniques et sociales, et que dans certains d’entre eux, la guerre civile est déjà à l’œuvre ». S’appuyant principalement sur une bibliographie américaine, citant abondamment Bernard Lewis et Samuel Huntington, la note passe en revue ces dix-neuf Etats arabes en répertoriant leurs principaux facteurs centrifuges, annonciateurs de désintégration : « telle est la triste situation de fait, la situation troublée des pays qui entourent Israël ». La recommandation d’Yinon est parfaitement claire : « C’est une situation lourde de menaces, de dangers, mais aussi riche de possibilités, pour la première fois depuis 1967 ».

L’analyse politique mérite, elle aussi, toute notre attention : la politique de « paix » et la restitution des territoires, sous la pression des Etats-Unis, excluent cette chance nouvelle qui s’offre à nous. Depuis 1967, les gouvernements successifs d’Israël ont subordonné nos objectifs nationaux à d’étroites urgences politiques, à une politique intérieure stérilisante qui nous liait les mains aussi bien chez nous qu’à l’étranger.

Après une ultime recommandation qui invite Israël à « agir directement ou indirectement pour reprendre le Sinaï en tant que réserve stratégique, économique et énergétique », Yinon conclut : « La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Egypte, la Syrie, l’Iraq et toute la péninsule arabe. Au Liban, c’est déjà un fait accompli. La désintégration de la Syrie et de l’Iraq en provinces ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, est l’objectif prioritaire d’Israël, à long terme, sur son front Est. A court terme, l’objectif est la dissolution militaire de ces Etats. La Syrie va se diviser en plusieurs Etats, suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat alaouite chiite ; la région d’Alep, un Etat sunnite ; à Damas, un autre Etat sunnite hostile à son voisin du nord verra le jour ; les Druzes constitueront leur propre Etat, qui s’étendra sur notre Golan peut-être et en tout cas dans le Haurân et en Jordanie du Nord ».

Conclusion de la prophétie : « L’objectif prioritaire d’Israël à long terme » consiste donc à favoriser tous les facteurs de désintégration des Etats arabes, démantèlement devant déboucher sur la balkanisation de la région. Dix ans avant les massacres, les charniers et autres « terribles cortèges » de Bosnie, cet encouragement prémonitoire à la purification ethnique et religieuse fait littéralement froid dans le dos.

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