Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | L’autre match
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 11 au 17 novembre 2009, numéro 792

 

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Nulle part ailleurs

Egypte-Algérie. A la veille du match pour la qualification au Mondial 2010, la tension grimpe, les médias et les foules des deux côtés s’échauffent. Au-delà d’un événement purement sportif, il incarne un vrai phénomène de société. Des initiatives des deux côtés ont été prises pour calmer les esprits.

L’autre match

Les présidents Moubarak et Bouteflika, main dans la main, descendent les gradins et se dirigent vers le centre du stade pour saluer les joueurs des deux équipes, puis lancent le ballon pour annoncer le commencement du match avant de retourner à leurs sièges. La scène est le fruit de l’imagination d’un journaliste du quotidien égyptien Al-Chourouq qui, dans son éditorial, a lancé cet appel aux dirigeants des deux pays, en mettant l’accent sur l’importance du rôle qu’ils peuvent jouer lors du match décisif du 14 novembre. Ce match entre l’Egypte et l’Algérie pour la qualification au Mondial 2010 en Afrique du Sud fait couler beaucoup d’encre et enflamme médias et foules. Les Pharaons ne seraient qualifiés pour la phase finale que s’ils gagnent par 3 buts à 0. Un 2-0 mènerait à un match de barrage dans un tierce pays.

Le jour J approche et la tension ne cesse de monter. Chaque équipe se prépare, des camps de préparation se tiennent et les responsables du secteur du sport des deux pays lancent des promesses de rénumérations séduisantes en cas de victoire.

L’affaire a soudain pris une grande ampleur. Les esprits s’échauffent et les supporters sont surexcités. La tension est le mot d’ordre et les slogans fusent. « Gagner l’Algérie et mourir », dit-on ici et là. « Ce match est le match de l’honneur, de la dignité. Il est aussi important que la guerre du 6 Octobre. Si notre armée a remporté la victoire en récupérant les territoires usurpés et surtout notre dignité, notre équipe de foot doit faire de même et se qualifier au Mondial. Nous n’avons qu’un seul choix : gagner », avance Fahmi, un supporteur acharné. Aussi bien dans les cafés que dans les bureaux, les foyers ou les écoles, le ton est le même. Pour les Egyptiens, il s’agit d’une question de vie ou de mort, d’un jour fatal. Tout le monde est braqué sur ce match et la victoire est devenue le rêve des Egyptiens. Dans les médias, on ne parle plus de politique et les rumeurs sur le remaniement ministériel imminent ne semblent guère intéresser les gens. Seules les nouvelles sur le match attirent l’attention et suscitent la curiosité.

Même les hommes de religion ont eu leur mot à dire. Au cours du prêche du vendredi, les cheikhs n’ont pas hésité à implorer Dieu pour protéger notre équipe nationale et l’aider à remporter la victoire. Même l’Eglise copte a consacré un jour de prière pour que Dieu bénisse l’équipe.

Un jeune habitant de la ville d’Assouan a promis au joueur Abou-Treika de lui offrir le seul appartement qu’il possède et qu’il a acheté à crédit dans le projet de logement pour jeunes (Ebni beitak) si l’Egypte gagnerait le match.

Une première dans l’histoire du pays. Jamais, un événement sportif n’a pris cette dimension.

Une chose est indéniable : le foot est pour les Egyptiens la seule lueur d’espoir et l’unique source de joie dans un quotidien frustrant. Une sorte de compensation face à toutes difficultés. « Le foot est la seule chose qui nous permet de supporter les accidents de train, la corruption, les conditions de vie inhumaines dans lesquelles nous vivons et les jours difficiles qui nous attendent. N’avons-nous pas le droit de rêver ? », s’interroge Ali, portier.

Mais est-ce une raison pour créer toute cette tension ? « On a oublié qu’il s’agit tout simplement de sport et non d’un conflit militaire. Les fans du foot proposent des tactiques et comparent les Algériens à des ennemis », s’indigne Hassan Al-Mestekawi, journaliste spécialiste dans le sport.

Tout le monde s’attend au pire. Certains ont même proposé que le match se déroule dans le stade de Borg Al-Arab, situé dans une région calme et isolée, pour éviter toute sorte de sabotage dans la capitale suite au match.

D’autres sont allés plus loin et ont proposé que le match soit uniquement diffusé en direct aux téléspectateurs et soit joué sans supporters dans le stade.

En Algérie, l’ambiance n’est pas plus calme. Les fans de l’équipe comparent leurs joueurs à des commandos. Et le ton est au défi. « Les Algériens n’ont pas oublié que c’est l’équipe d’Egypte qui les a éloignés du Mondial en 1989. Ils ne sont sûrement pas prêts à vivre le même drame en 2009. Pour eux, c’est surtout une question de vengeance », lance Omar, un supporteur endurci.

Sur les sites Internet, les fans du foot des deux pays s’échangent des accusations. Sur le Facebook et le Youtube, on diffuse des photos et des scènes de jeunes Algériens en train de brûler le drapeau égyptien. Les Egyptiens, fous de rage, ont à leur tour répondu par une série d’attaques et de programmes télévisés adoptant un ton plus offensif.

Une ambiance tendue qui a poussé certains médias à lancer des initiatives visant à calmer les gens. « Une fleur pour chaque joueur algérien », a lancé le quotidien Al-Masry Al-Youm. Une initiative prise par des stars, écrivains, sportifs et intellectuels. Elle vise à exprimer leur rejet du fanatisme et à mettre l’accent sur les liens chaleureux qui unissent les deux pays. Les deux quotidiens algériens et égyptiens Al-Chourouq ont également consacré des sites électroniques sur lesquels les lecteurs expriment leurs opinions. « Notre objectif est d’aider les gens à prendre conscience. L’on n’accepte aucune injure, mais juste des textes illustrant un esprit sportif », précisent les responsables du site. Une délégation formée de sportifs égyptiens vient de se rendre en Algérie portant le nom « les raisonnables des médias ». Une visite qui vise à calmer les esprits.

Les deux chanteurs de grande renommée Mohamad Mounir et chab Khaled ont décidé d’organiser un concert en commun à la veille du match. Chacun des deux chanteurs portera le drapeau de l’autre pays et répétera ses chansons.

Même les restaurants s’y sont mis. Une chaîne de fast-food a lancé une campagne dont les affiches présentent des joueurs des deux équipes en train de manger ensemble le même plat avec comme slogan : « Si le sport vous divise, la bonne bouffe peut vous réunir ».

Le président du comité du sport au Parlement a suggéré de rendre hommage à l’équipe algérienne sous la coupole du Parlement dès leur arrivée en Egypte.

Des initiatives qui ont fait écho dans la rue. Ce n’est que quelques jours plus tard que le dialogue entre les représentants des deux pays a pris une autre tournure. Les deux ministres des Affaires étrangères ne cessent de s’échanger des communications téléphoniques. Le ministre algérien de la Communication, Ezz Eldine Mihoubi, déclare que « les relations historiques qui unissent les deux pays se placent au-delà de cet événement sportif et ne doivent en aucun cas être menacées par le résultat d’un match ».

 « Entre frères et non entre ennemis », lancent les responsables des deux pays. « On voudrait bannir de tels comportements », « l’esprit sportif doit régner entre ces deux peuples frères », tel est le ton adopté dernièrement.

Mais, il semble que cette dose intensive de couverture médiatique et ces visites réciproques ont donné aux gens l’impression qu’il s’agit d’une affaire d’Etat. « Veulent-ils nous faire comprendre qu’en sport comme en politique l’Egypte est appelée à jouer le rôle du frère aîné, qui est censé pardonner, comprendre et supporter les souffrances », s’interroge Am Gouda, serveur dans un café.

Ce fan du foot a décidé d’emmener toute sa famille pour voir le match. « Nous sommes tolérants, mais cela ne doit pas être aux dépens de notre équipe », avance Choukri, chauffeur de taxi. Sur sa voiture il a collé une affiche qui dit « Go Egypt ».

Belal Allam, commentateur de match de foot à la chaîne ART, attend ce jour avec impatience. « Je rêve d’avoir l’honneur de faire le commentaire de ce match. C’est pour moi un rôle patriotique. Mes collègues et moi, nous nous sommes promis d’être objectifs et de respecter les sentiments des téléspectateurs algériens », dit-il.

Un simple match de foot ou une bataille militaire ? On devra tous attendre le 14 novembre pour le savoir. « Le football ne peut pas effacer des années d’histoire commune. Il ne faut pas oublier le rôle qu’a joué l’Egypte en soutenant l’Algérie dans sa lutte pour son indépendance. L’Algérie a également été le premier pays à interdire l’accès du pétrole à Israël lors de la guerre du 6 Octobre », vient de déclarer l’ambassadeur Ahmed Ben Hali, vice-secrétaire général de la Ligue arabe, de nationalité algérienne. « Peu importe le vainqueur, il suffit que les Arabes soient présents au Mondial », a-t-il ajouté.

Des faits que personne ne peut nier. Mais ce qu’on ne peut pas nier non plus c’est que le 14 novembre, une seule équipe ira au Mondial. Les supporters des deux pays rêvent de voir leur équipe exaucer ce rêve. Un rêve légitime, en espérant qu’il ne nous coûtera pas trop cher.

Amira Doss

 




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