La guerre médiatique d’Israël
Mohamed Salmawy
Les
scènes de sang, de cadavres d’enfants et de demeures
démolies ont marqué la couverture médiatique dans le monde
entier de la sale guerre menée par Israël contre le peuple
palestinien à Gaza. Pourtant, la tendance dominante des
médias occidentaux, en dépit du refus catégorique des
atrocités qui ont ponctué cette guerre, était alignée en
grande partie sur Israël.
Les médias occidentaux ont tendance à comprendre la vision
israélienne plus que la vision arabe et à sympathiser avec
les Israéliens plus qu’ils ne le font avec les Arabes. La
question est de savoir le pourquoi de cette position.
La réponse la plus facile à cette question et qui nous
épargne la peine de faire des études et de l’analyse serait
de dire que la raison revient à la nature de l’Occident qui
est hostile aux Arabes, à leur religion, à leur culture,
voire même à leur race. Ces dires, outre le caractère
superficiel qu’ils laissent apparaître, sont déprimants car
ils semblent reposer sur des a priori difficiles à changer.
Cela dit une analyse subtile de cette situation pourrait
expliquer les raisons de cette attitude de manière
scientifique, et par conséquent chercher la possibilité de
modifier ces vues.
L’une
des meilleures analyses que j’ai lues à propos de la
politique médiatique israélienne est celle récemment publiée
par le célèbre analyste américain James Zoghby, d’origine
arabe, directeur de l’Institut arabo-américain à Washington,
dans son article intitulé « L’observatoire de Washington ».
Selon Zoghby, ce qui détermine la politique médiatique dans
la couverture des événements du Moyen-Orient est une
stratégie qu’Israël a exclusivement adoptée depuis des
années.
Zoghby affirme que cette stratégie repose sur l’insistance
et la répétition des informations jusqu’à ce qu’elles se
transforment en des réalités toutes faites et des constats
que les Arabes ne pourront plus dénier plus tard. Cette
stratégie repose sur les bases suivantes. D’abord l’idée que
la victoire revient à celui qui anticipe dans la
présentation des événements. Dans l’état actuel de guerre,
nous remarquons qu’Israël a devancé les Arabes et a
déterminé le début de la guerre devant les médias
occidentaux, comme étant le 19 décembre, lorsque le Hamas a
violé l’accord de trêve préalablement conclu. Ils ont ignoré
évidemment les violations répétées par Israël de cet accord
ainsi que son engagement à lever le blocus imposé à Gaza.
Ensuite, des idées stéréotypées prédominent. C’est à partir
de cette perspective que les Israéliens ont dirigé les
médias occidentaux vers les idées stéréotypées qu’ils ont
contribué à ancrer. Des stéréotypes qui présentent Israël de
manière positive et le côté palestinien de manière négative.
Ils ont compté sur la logique selon laquelle « l’humanisme »
israélien fait face au terrorisme palestinien. A partir de
là, ils ont transmis les images de citoyens israéliens
vivant dans un état de terreur à cause des roquettes
palestiniennes. Alors que de l’autre côté, nous avons les
Palestiniens qui sont exposés à la mort mais réduits à
l’état de chiffres avec chaque bulletin d’informations.
D’autre part, ils anticipent les événements en comptant sur
les erreurs de l’autre côté. Ainsi Israël a compté, tel
qu’il l’avait prévu, sur la multiplication du nombre de
roquettes lancées par Hamas, ainsi que sur le langage de
menace qu’emploient ses dirigeants. Simultanément, Israël a
tenu à exprimer ses regrets pour le nombre de victimes que
la guerre a causées, y compris les palestiniennes.
De plus, Israël a tenu à être présent dans les médias, tout
en essayant d’écarter les représentants de l’autre bord. Il
a toujours tenu à débuter sa guerre par une armée de
porte-parole officiels qui excellent dans le langage
médiatique de chaque pays occidental. Sur ce point précis,
Zoghby dit que ce n’est pas un hasard qu’Israël ait nommé un
consul d’origine arabe dans la ville américaine d’Atlanta,
surtout que le siège de la CNN s’y trouve. En même temps,
Israël a interdit l’entrée des médias internationaux à Gaza,
de quoi contrôler les atrocités qui ont lieu sur le terrain.
Il a recours aussi à un démenti rapide des informations qui
auraient pu s’infiltrer et qu’il veut cacher, en présentant
une version alternative qui met le tort du côté palestinien.
Ainsi, si Israël avait tué des civils innocents, la version
qu’il transmettrait serait de dire que cela était la faute
des Palestiniens terroristes qui utilisent les civils comme
bouclier. Ainsi, le massacre des Palestiniens devient la
responsabilité des Palestiniens eux-mêmes.
Par ailleurs, James Zoghby démontre dans son analyse un
autre facteur propre aux Etats-Unis, selon lequel, au même
moment où s’applique cette stratégie médiatique, les
tentatives d’influencer les milieux politiques sont
activées. Ainsi l’opinion publique américaine s’aperçoit que
ce qu’elle visionne dans les médias est la réalité confirmée
par le Congrès et la Maison Blanche. Une telle répétition
contribue à encercler l’opinion publique et à enraciner les
conceptions erronées que lui présente Israël.
Enfin, nous arrivons au dernier point de cette stratégie et
auquel on a recours lorsque tous les facteurs précédents
enregistrent un échec. C’est rien d’autre que le recours à
l’accusation d’antisémitisme. L’objectif étant d’écarter
toute opinion critiquant Israël et allant à l’encontre de la
version qu’il veut ancrer. Dans ce cas-là, Israël recourt à
la transmission de cas flagrants d’hostilité contre les
juifs qu’il généralise à tous ceux qui le critiquent mettant
chacun d’eux dans un état d’autodéfense.
Alors que je lisais l’analyse de James Zoghby, mon ami Ali
Al-Biblawi m’a envoyé une lettre pour me dire qu’il a
remarqué à travers son suivi des médias occidentaux
qu’Israël menait une campagne d’envergure reposant sur des
propos logiques et convaincants. Selon lesquels il n’y a pas
de pays de par le monde qui puisse vivre sous la menace des
bombardements et qu’Israël menait cette guerre pour protéger
les civils de ce danger qui les menace. Selon Al-Biblawi,
nous devons adopter une contre-campagne reposant sur trois
axes.
Premièrement, il n’y a pas dans notre monde d’aujourd’hui d’Etats
colonisateurs sauf Israël et les Etats-Unis. Et qu’il n’y a
pas de peuple au monde aujourd’hui qui puisse vivre sous le
joug de l’occupation plus de 60 ans sans qu’il ne résiste à
l’occupation par toutes les armes qu’il possède, et que les
territoires bombardés par les Palestiniens, notamment les
colonies, sont à l’origine des territoires arabes que les
habitants originaux ont été obligés de délaisser. Des
habitants qui ont été contraints à vivre pour la plupart
comme des réfugiés à Gaza. Au lieu de demander aux
Palestiniens pourquoi ils bombardent ces territoires, nous
devons plutôt nous adresser aux Israéliens pour leur
demander : pourquoi vivez-vous sur des territoires qui ne
sont pas les vôtres, alors que leurs propriétaires originaux
possèdent toujours leurs contrats de propriété ? Pourquoi
occupez-vous les territoires d’autrui, pourquoi refusez-vous
qu’ils disposent de leur Etat, tel qu’il est stipulé dans la
résolution de l’établissement du votre Etat ?
L’ami qui m’a envoyé cette lettre disait qu’il n’imaginait
pas qu’Israël puisse revenir sur sa position si nous menions
une telle campagne. Car Israël ne se soumet qu’à la force et
ne se retire que s’il se trouve obligé de le faire sur le
champ de bataille. Cependant, nous ne devons pas laisser
l’arène médiatique devant Israël pour qu’il fasse ce qu’il
veut. Il est probable que nous réussirons à éveiller la
conscience mondiale et à affaiblir la logique israélienne si
Tel-Aviv se rend compte que le monde connaît la vérité. A
son avis, ceci est le droit qui revient aux héros-martyrs
pour qu’ils ne soient pas considérés par les médias
occidentaux comme des terroristes.