Gaza.
Au lieu de susciter leur unité, l’agression israélienne a
révélé au grand jour les divisions des pays arabes. Etat des
lieux.
A la recherche d’une unité perdue
Il
fallait regarder deux chaînes satellitaires arabes pour
comprendre à quel point la division est patente. Sur
Al-Jazeera la qatari, un discours et sur Al-Arabiya la
saoudienne tout un autre. De quoi donner l’impression que
deux mondes arabes existent et non pas un seul. Deux mondes
arabes en guerre froide. Deux réunions en une seule journée.
L’une à Doha et l’autre à Koweït City. D’un côté, c’est la
voix dudit « camp des résistants » avec la Syrie, le Hamas
et le Djihad palestinien, le Soudan, l’Algérie et autres
sous parrainage du Qatar, et « soutenu par l’Iran » selon
leurs opposants, et de l’autre côté, le « camp des modérés »
dirigé par l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Jordanie. Deux
réunions pour débattre de la situation à Gaza, une vingtaine
de jours après le début de l’agression israélienne. Le
secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, n’a pas
hésité à qualifier de « très chaotique et regrettable » la
situation dans le monde arabe. Il faisait référence à cette
division qui en effet n’est pas la première dans ce monde
arabe.
« Ils se sont mis d’accord pour ne jamais être d’accord »,
la phrase d’Afghani, un penseur du début du siècle dernier,
est toujours valable aujourd’hui. Les pays de la Ligue arabe
ont eu beaucoup de difficultés à adopter une position
commune face à l’offensive israélienne à Gaza. Dès le début
de la crise, ces pays ont fait état d’une passivité
flagrante. Il fallait attendre 5 jours après le début de
l’agression israélienne pour tenir une première réunion «
extraordinaire » des ministres des Affaires étrangères.
C’était le lendemain d’une rencontre de leurs homologues de
l’Union européenne, consacrée à Gaza. La réunion de la Ligue
qui devait préparer un sommet d’urgence des chefs d’Etats,
prévu initialement le 2 janvier, s’est soldée par un échec
retentissant. Pas de sommet des chefs d’Etat. La Ligue
décide de porter le dossier au Conseil de sécurité. Et
là-bas, deux textes arabes rivaux se trouvent face à face.
Un présenté par la Libye, seul pays arabe siégeant au
Conseil, et l’autre par l’Egypte. Le premier appelle «
Israël à stopper son agression » et le deuxième demande « un
arrêt des violences », soit de la part d’Israël ou du Hamas.
Le Qatar, un pays arabe assez controversé, vu ses relations
étroites avec Israël et la base militaire américaine
présente sur son territoire, lance à trois reprises un appel
pour la tenue d’un sommet extraordinaire.
Jamais le quorum des deux tiers n’est atteint pour qu’une
telle réunion puisse se dérouler. L’Egypte et l’Arabie
saoudite, suivies de la Tunisie et du Maroc, expriment leurs
réserves. Le Caire préfère à la place « une réunion de
consultations en marge du sommet économique du Koweït ».
Pressions américaines, disent certains. Mais d’autres
remontent à quelques années, lorsque l’émir du Qatar avait
chassé son père du pouvoir. Le Caire et Riyad s’y étaient
alors opposés. Sur le fond, l’Egypte voit mal un Qatar qui «
veut lui prendre sa place dans la région ». Le Qatar,
encouragé par sa médiation dans le conflit interlibanais,
cherche à jouer un rôle régional plus important à travers la
cause palestinienne.
Des racines historiques
Par le passé, ces différends interarabes opposaient tantôt
l’Egypte de Nasser face à Riyad, tantôt encore l’Egypte de
Sadate face à Saddam. La scission interarabe s’est encore
révélée au grand jour lors de l’invasion iraqienne du Koweït
puis encore lors de la guerre israélienne au Liban en 2006.
C’était la première fois que cette polarisation « radicaux
», « modérés » se manifeste et que les Arabes ne trouvent
aucune gêne à en parler. Le politologue Ammar Ali Hassan
trouve trois raisons derrière la division actuelle. « La
division interpalestinienne elle-même qui pousse les Arabes
à soutenir soit le Fatah soit le Hamas. Puis, les
négociations de paix avec ceux qui croient en leur
efficacité et ceux qui les trouvent inutiles. Enfin, ce sont
les tendances personnelles et les intérêts étroits de
quelques pays ». Le conflit de Gaza a simplement mis à nu
une division qui était là. Ce qui est nouveau, c’est qu’elle
est de plus en plus médiatisée à travers les chaînes de
chaque camp.
Cette inefficacité arabe a laissé le champ libre à d’autres
pays pour entrer en jeu, devançant parfois les pays arabes.
L’Iran est l’exemple le plus patent, mais la Turquie a
marqué une entrée spectaculaire lors de cette récente crise.
Des décisions sont même prises pour la région sans
consultation avec les pays arabes. Israël et les Etats-Unis
ont ainsi signé un accord pour la lutte contre le trafic
d’armes vers les territoires palestiniens. En gros, ils vont
contrôler les territoires arabes sans leur aval. Les Arabes
sortent perdants une fois de plus.
Aliaa Al-Korachi
Mavie Maher