Iraq.
Un accord sur le statut futur des troupes américaines a été
finalisé par les négociateurs, prévoyant un retrait à la fin
2011. Mais plusieurs détails restent en suspens.
Horizon de retrait
C’est
« presque » fini. Les négociations sur un pacte de sécurité
iraqo-américain sont terminées et le projet d’accord, qui
prévoit notamment un départ des forces américaines à
l’horizon 2011 selon un négociateur iraqien, est désormais
entre les mains des dirigeants des deux pays. « A la fin
2011, les troupes américaines se retireront d’Iraq », a
souligné Mohammed Al-Haj Hammoud, chef des négociateurs
iraqiens sur le futur statut des troupes américaines en
Iraq, avant d’ajouter : « Il existe toutefois une clause
stipulant que le retrait peut avoir lieu avant 2011 ou que
la présence peut être prolongée après 2011 en fonction de la
situation ».
Selon M. Hammoud, au-delà de 2011, soit plus de huit ans
après l’invasion par les forces de la coalition, il restera
en Iraq « un certain nombre de troupes, en appui ou pour
entraîner les forces iraqiennes. Le nombre de bases
militaires américaines dépendra des effectifs et de leurs
besoins », a-t-il noté.
Mais le premier ministre, Nouri Al-Maliki, a indiqué que son
pays était parvenu à un accord avec les Etats-Unis selon
lequel il n’y aura plus de troupes étrangères en Iraq après
2011. « Il y a un accord entre les deux parties pour qu’il
n’y ait plus aucun soldat étranger en Iraq après 2011 »,
a-t-il affirmé lundi devant des chefs de tribus. « Les
intérêts nationaux de l’Etat nous commandent à avoir un
calendrier précis (sur la fin de la présence militaire) et
nous n’accepterons pas de signer un accord sans un tel
calendrier », a-t-il ajouté. Les propos de M. Maliki ont été
immédiatement démentis par la Maison Blanche qui a indiqué
que les Etats-Unis n’avaient pas encore trouvé d’accord
final avec l’Iraq sur le statut futur des troupes
américaines. « Les discussions continuent, nous n’avons
toujours pas finalisé d’accord », a déclaré un porte-parole
de la Maison Blanche, Tony Fratto. « Jusqu’à ce que nous en
ayons un, il n’y a pas d’accord », a de son côté insisté
Robert Wood, porte-parole du département d’Etat, refusant en
outre de commenter la date de 2011 avancée par M. Maliki.
Le premier ministre iraqien avait demandé des modifications
du projet d’accord sur le statut futur des forces
américaines. « Dans l’accord, il reste des points en suspens
qui ne peuvent être approuvés dans l’état et qui nécessitent
des modifications préservant totalement la souveraineté de
l’Iraq », a affirmé dimanche un communiqué du Conseil
Suprême Islamique en Iraq (CSII), dirigé par Abdel-Aziz
Al-Hakim, citant les propos tenus samedi par M. Maliki
devant les responsables de cette formation chiite, une des
principales composantes gouvernementales. Les commentaires
de M. Maliki ont été faits lors d’une réunion avec
l’Alliance Iraqienne Unifiée (AIU), le bloc chiite dont le
CSII et le parti Dawa sont les deux principales composantes.
M. Maliki va encore devoir convaincre les responsables
politiques du bien-fondé du pacte. Le texte doit être
discuté d’abord par le Conseil exécutif, une instance
regroupant le Conseil présidentiel (le président kurde Jalal
Talabani et les deux vice-présidents chiite et sunnite), le
premier ministre et le président de la région autonome kurde
Massoud Barzani. Le projet de loi devra être ensuite voté
par le Parlement puis approuvé par le Conseil présidentiel.
Les plus hostiles au pacte sont les partisans du chef
radical chiite Moqtada Sadr, qui ont manifesté après la
prière du vendredi à Koufa (centre) et scandé : « Nous ne
tolérerons pas que l’Iraq devienne une colonie américaine ».
Les Iraqiens considèrent cependant comme une victoire le
fait d’obtenir un calendrier de retrait longtemps refusé par
les Etats-Unis. Autre point sensible sur lequel les Iraqiens
se sont montrés insistants : la fin de l’immunité pour les
employés des compagnies privées de sécurité travaillant avec
les forces de la coalition. « Dans les négociations sur le
Sofa, le gouvernement iraqien n’a accepté aucune immunité »
pour ces compagnies, a récemment affirmé le porte-parole Ali
Al-Dabbagh. S’agissant de l’immunité des soldats américains,
M. Hammoud a répondu que des comités étaient « prévus (...)
pour examiner les problèmes de violation de la loi iraqienne
par des troupes » américaines.
Objectif et non une échéance ferme
Après avoir refusé pendant des années de se laisser lier les
mains par des dates trop précises, le président américain
George W. Bush semblait aujourd’hui prêt à accepter un
calendrier de retrait total des troupes américaines d’Iraq
d’ici fin 2011. La Maison Blanche, qui avait par le passé
qualifié de « reddition » face aux extrémistes islamistes
l’acceptation d’un calendrier défini, s’est défendue d’avoir
changé de cap, alors qu’il commençait à y avoir des fuites
sur les détails de l’accord.
Les responsables américains soulignent que la date évoquée
dans le projet d’accord est un objectif et non une échéance
ferme, et que son respect exigera des progrès continus en
matière politique, économique et de sécurité. « Le président
et tous les Américains veulent voir rentrer les soldats à la
maison, mais pas avant que le travail soit fait et que des
progrès supplémentaires soient accomplis », a déclaré le
porte-parole de la Maison Blanche, Gordon Johndroe. En
outre, l’évocation d’une possible fin de l’occupation
américaine a été rendue possible seulement « grâce aux gains
réalisés sur le front de la sécurité depuis que le président
a ordonné l’envoi de cinq brigades de combat en renfort en
Iraq en janvier » 2007, qui sont depuis rentrées, a-t-il
fait valoir. « La sécurité à Bagdad a permis au gouvernement
d’avancer sur le plan de la réconciliation nationale et de
faire certains progrès politiques que nous souhaitions tous
», a-t-il souligné.
Mais les résultats de la politique du président Bush restent
mitigés : elle a certes contribué à une baisse des violences
mais a échoué à transférer aux Iraqiens la responsabilité de
leur sécurité en novembre 2007, comme l’espérait M. Bush, ou
encore à faire passer des législations considérées comme
cruciales par Washington pour unifier le pays et ses trois
principales communautés (chiites, sunnites et kurdes). Les
autorités iraqiennes ont récemment reporté des élections
provinciales prévues le 1er octobre et l’Onu a même émis de
sérieux doutes sur la tenue cette année du scrutin considéré
comme une étape majeure pour ramener la frange sunnite de la
population dans le champ politique. Les députés iraqiens
tardent également à approuver une loi sur le pétrole qui
vise notamment à cadrer la redistribution des revenus
pétroliers entre les 18 provinces iraqiennes, un texte que
les Etats-Unis estiment fondamental pour la stabilisation de
l’Iraq.
Hicham Mourad