Iran.
L’entrée en jeu d’Israël fait craindre que le recours à
l’option militaire soit de plus en plus envisagée par les
Etats-Unis. Une option dangereuse qui menacerait de
transformer toute la région en une « boule de feu ».
La manœuvre israélienne
L’épisode
du dossier nucléaire iranien a pris un tournant beaucoup
plus grave avec l’entrée en scène d’un nouveau protagoniste
: Israël. Ce pays, pourtant seule puissance nucléaire du
Moyen-Orient, a plusieurs fois déclaré ces dernières
semaines qu’un Iran nucléaire serait une menace pour son
existence.
Le premier ministre israélien, Ehud Olmert, a averti
qu’Israël était confronté à des dangers « plus graves » que
par le passé, dans une allusion au programme nucléaire
iranien. « Les dangers et les menaces à la sécurité d’Israël
ne se sont pas dissipés et dans certains aspects sont plus
graves qu’auparavant », a affirmé M. Olmert. Quelques jours
avant, le vice-premier ministre israélien, Shaoul Mofaz,
avait affirmé envisager une attaque contre des installations
nucléaires iraniennes considérant que les sanctions
internationales contre l’Iran s’avéraient inopérantes. Dans
cet esprit belliqueux, M. Olmert a prolongé d’un an le
mandat du chef du Mossad, les services secrets israéliens,
Meïr Dagan, en poste depuis 2002, selon le bureau du premier
ministre. M. Dagan est directement impliqué dans le dossier
iranien.
Et l’armée israélienne a récemment effectué des manœuvres
militaires d’une ampleur exceptionnelle en Méditerranée pour
se préparer à des attaques à longue distance. S’agit-il
d’une sorte de répétition avant un bombardement imminent
contre l’Iran ? Pour la plupart des leaders israéliens, ces
manœuvres n’augurent pas d’attaque contre les installations
nucléaires iraniennes car ce genre d’exercices n’était pas
rare depuis que Dan Halutz, ancien chef d’état-major de
l’armée de l’air, a pris le commandement général de Tsahal,
en 2005, avec pour mission de préparer une possible
confrontation avec Téhéran. En revanche, la plupart des
observateurs estiment que l’armée de l’air israélienne
s’entraîne depuis plusieurs années à un éventuel
bombardement des installations nucléaires iraniennes, mais
ce qui l’empêche jusqu’à présent, ce sont ses capacités qui
pourraient se révéler toujours trop limitées pour en venir à
bout. « L’option d’une frappe israélienne est toujours sur
la table car Israël ne supporte pas l’idée d’un Iran doté de
l’arme nucléaire. Mais, Israël ne pourra pas frapper l’Iran
seul. Il doit être soutenu par Washington, surtout que
George W. Bush semble soucieux d’en finir avec le cauchemar
iranien avant qu’il n’arrive au bout de son mandat en
novembre. En effet, Bush craint qu’Obama, plus modéré sur le
dossier iranien, ne le succède et donne les mains libres aux
Iraniens. Il veut donc couper les mains aux Iraniens avant
de partir », estime Mohamad Abbass, expert politique. Selon
M. Abbass, le scénario d’une frappe militaire pourrait être
entravé par la position très affaiblie du premier ministre
israélien impliqué dans une affaire de corruption dans son
pays.
S’élevant contre une éventuelle frappe militaire contre
Téhéran, le directeur général de l’Agence Internationale de
l’Energie Atomique (AIEA), Mohamad Al-Baradei, a mis en
garde qu’une intervention militaire transformerait la région
en une « boule de feu », menaçant de démissionner si elle
était lancée. Selon M. Baradei, une attaque ne ferait que
durcir la position de l’Iran dans sa querelle avec
l’Occident à propos de son programme nucléaire. La Russie,
alliée traditionnelle de Téhéran, a aussi fait part de son
opposition à une telle intervention armée. Quant aux
Occidentaux, ils n’arrêtent pas de brandir l’arme du
durcissement des sanctions contre Téhéran, notamment contre
les banques iraniennes comme celle de Melli ; le président
français Nicolas Sarkozy et son homologue américain George
W. Bush réaffirmant, samedi, à Paris leur volonté d’empêcher
l’Iran d’acquérir la bombe nucléaire par tous les moyens
sans, pour autant, évoquer l’option militaire.
Contre-attaque
Téhéran a gardé son sang-froid comme d’habitude, et le
porte-parole du gouvernement iranien, Gholamhossein Elham, a
jugé « impossible » une éventuelle attaque israélienne
contre les installations nucléaires de Téhéran, qualifiant
Israël de « régime dangereux et obstacle à la paix et au
calme dans la région et dans le monde ». Plus menaçant,
l’ayatollah Ahmad Khatami a mis en garde : « Si les ennemis,
les Israéliens en particulier et leurs partisans aux
Etats-Unis, cherchent à recourir à la force, qu’ils soient
certains qu’ils recevront un coup terrible à la figure ».
Pour sa part, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a
jugé que les grandes puissances avaient échoué dans leurs
efforts pour contraindre l’Iran à suspendre son programme
nucléaire. « Les puissances tyranniques ont utilisé tous
leurs moyens mais elles n’ont pas pu briser la volonté de la
nation iranienne », a dit M. Ahmadinejad.
Soufflant le chaud et le froid, le principal négociateur
iranien pour les questions de nucléaire, Saïd Jalili, a
affirmé, dimanche, que l’Iran était prêt à négocier avec le
groupe 5+1 sur les points communs de l’offre des grandes
puissances et du « paquet » iranien de propositions avancées
pour régler « les grandes questions du monde », refusant que
ces négociations se fondent sur la suspension de
l’enrichissement d’uranium.
Le diplomate en chef de l’Union européenne, Javier Solana, a
remis le 14 juin à l’Iran au nom du groupe 5+1 (les cinq
membres permanents du Conseil de sécurité — la Chine, les
Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie — plus
l’Allemagne) une nouvelle offre de coopération en vue
d’obtenir la suspension de son programme d’enrichissement
d’uranium. Cette offre prévoit que l’Iran bénéficie d’aides
commerciale, financière, agricole mais aussi d’un soutien
dans les domaines du nucléaire et des hautes technologies
s’il renonce à l’enrichissement de l’uranium.
« Telle est l’essence du stratagème iranien : certains
dirigeants poussent le défi jusqu’à l’extrême, alors que les
autres temporisent pour gagner du temps. Ce qui importe pour
Téhéran, c’est de gagner du temps pour finaliser son
programme nucléaire. C’est pourquoi il n’a jusqu’à présent
pas avancé de réponse catégorique à l’offre européenne. Il
veut entamer des négociations bien qu’il sache d’avance
qu’il ne va jamais parvenir à un compromis avec les
Européens. Mais le temps joue en sa faveur », conclut
l’expert Mohamad Abbass .
Maha
Al-Cherbini