Iraq.
Le gouvernement de Maliki a déclaré la guerre aux miliciens
chiites dans le sud du pays au moment où le mouvement de
Moqtada Sadr entame une réorganisation en profondeur de son
armée en vue notamment de lutter contre la présence
américaine.
Sadr en quête d’une plus grande puissance
C’est
ce mercredi qu’expire l’ultimatum lancé samedi dernier par
le premier ministre iraqien Nouri Al-Maliki aux miliciens
chiites réfugiés à Amara, dans le sud de l’Iraq, pour
déposer leurs armes avant une intervention de l’armée. «
Ceux qui possèdent des armes lourdes ou moyennes, des
explosifs ou des fusils à lunette doivent les rendre aux
forces de sécurité (…) d’ici au 18 juin, en échange
d’argent. Ceux qui sont recherchés, mais qui n’ont pas de
sang iraqien sur les mains devraient également se présenter
aux forces de sécurité. A partir du 19 juin, les forces de
sécurité seront autorisées à mener des opérations pour
retrouver armes et personnes recherchées », a averti M.
Maliki. Avant d’attendre l’expiration de l’ultimatum, le
gouvernement a envoyé plusieurs unités de l’armée et de
police à Amara afin de préparer l’éventuelle opération. A
Amara, ville de 250 000 habitants à 300 km au sud-Est de
Bagdad, des postes de contrôle ont été mis en place dans les
rues, où patrouillent soldats et chars d’assaut. Des tracts,
largués par hélicoptère sur la ville, ont appelé les
habitants à rester chez eux et à ne pas gêner l’opération,
qui doit débuter ce jeudi, selon les autorités. Mais pour
l’instant, aucun couvre-feu n’a été décrété. En outre, les
hôpitaux ainsi que la police et l’armée ont été mis en
alerte.
Le porte-parole du ministère iraqien de la Défense, le
général Mohamed Al-Askari, a assuré qu’il ne s’agissait pas
d’une « opération militaire » tout en indiquant que des
troupes spéciales, des unités de soldats et l’armée de l’air
avaient été déployées. Selon lui, il s’agit simplement d’une
opération qui « vise à désarmer (les milices chiites) et à
rendre au gouvernement les édifices publics ».
En effet, ces dernières années, les milices chiites ont pris
le contrôle de bâtiments administratifs dans plusieurs
villes. Selon les autorités, Amara pourrait abriter des
miliciens qui ont fui Bassora (sud de l’Iraq) et Sadr City,
le bastion du leader radical Moqtada Sadr à Bagdad, après de
violents combats ces derniers mois avec des soldats iraqiens
et américains.
Du côté des Sadristes, le sentiment dominant est qu’il
s’agit d’une opération lancée directement contre eux, comme
l’a déclaré à l’AFP le porte-parole de Moqtada Sadr, Salah
Al-Obeïdi. « Nous avons offert notre aide au gouvernement,
mais nous n’avons pas eu de réponse de sa part. Nous ne
voulons pas que les événements de Bassora se répètent à
Amara », a insisté le porte-parole sadriste. Moqtada Sadr a
également envoyé à Amara une délégation de dignitaires
religieux en vue de négocier avec les autorités, a rapporté
Sayyid Karim Al-Battat, lui-même membre de cette délégation.
L’imam a transmis aux membres de l’Armée du Mahdi des
instructions leur enjoignant de respecter le cessez-le-feu
qu’il a lui-même ordonné, a ajouté Battat. « Nous n’avons
aucune objection à ce que la loi soit appliquée et que les
personnes recherchées soient arrêtées », a-t-il tempéré.
Un Etat dans l’Etat ?
En même temps, le mouvement Sadr, une des principales forces
politiques en Iraq, a annoncé dimanche qu’il boycotterait
des élections provinciales d’octobre, un scrutin crucial
pour la stabilisation de l’Iraq. Le scrutin, organisé dans
les 18 provinces iraqiennes, doit désigner les institutions
locales, qui ont des pouvoirs étendus dans le cadre de la
décentralisation voulue pour l’Iraq. Dans le quotidien
américain Washington Post paru dimanche, le porte-parole du
mouvement précise : « Nous ne voulons pas être blâmés ou
considérés comme partie prenante d’un gouvernement qui
laisse le pays occupé par l’armée américaine ». « Nous
estimons que les occupants interfèrent dans le travail des
conseils (provinciaux) quand il s’agit des projets
économiques et de leurs financements », a justifié pour sa
part Liwa Sumaysim, le chef du bureau politique du mouvement
sadriste.
Ces événements interviennent sur fond de réorganisation du
mouvement sadriste, notamment l’Armée du Mahdi et ses 60 000
hommes. Moqtada Sadr a ainsi dévoilé qu’une unité spéciale
serait désormais chargée de combattre l’armée américaine
alors que le gros de l’Armée du Mahdi, créée en 2003,
devrait désormais mener davantage d’activités sociales au
sein de la population iraqienne. « Nous continuerons à
résister contre l’occupant jusqu’à la libération ou jusqu’à
la mort. Ce groupe sera professionnel et sera le seul à
détenir des armes », a ajouté le leader chiite. Selon
Moqtada Sadr, ce groupe, présenté comme une unité d’élite, «
agira seulement contre l’occupant (...) et aura interdiction
d’avoir recours aux armes contre les Iraqiens ».
Derrière cette réorganisation, se profile le dessein de
s’implanter encore davantage au sein de la population
iraqienne, alors que le mouvement déjà puissant dispose de
la plus puissante milice chiite et est largement implanté
dans quasiment toutes les régions chiites du pays.
Abir
Taleb