Hamas .
En laissant entendre qu’elle tolérerait un Etat israélien
aux côtés d’un Etat palestinien dans les frontières du 4
juin 1967, l’organisation qui contrôle Gaza semble se
diriger vers une diplomatie plus pragmatique en guise
d’issue au blocus. Le Hamas teste aussi la volonté réelle
des Israéliens de parvenir à un règlement.
Vers de nouvelles perspectives ?
Les
jours se suivent et se ressemblent, un adage qui, somme
toute, s’applique peu à la politique et surtout à la
question proche-orientale et à ce dossier
palestino-israélien. On peut parfois tourner autour du pot,
mais dans un contexte où le quotidien apporte son lot de
morts et de violence et où les perspectives du futur
témoignent d’une véritable apocalypse, la politique avance :
c’est bien la poursuite de la guerre par d’autres moyens,
comme on le dit. Israël, lui, bien arrogant et fier de sa
machine de guerre semble apparemment le moins disposé à
vouloir négocier, même s’il est tenté de le faire. Le Hamas
dont l’étiquette islamico-révolutionnaire le rend
intransigeant en principe, ne dédaigne pas tellement les
avancées politiques. Aujourd’hui, la réalité impose de faire
preuve d’un sens de compromis. Les faits et les déclarations
sont là pour le prouver.« Le Hamas est prêt à reconnaître le
droit d’Israël de vivre en paix si un accord de paix est
conclu et approuvé par un référendum palestinien », une
déclaration de l’ancien président américain Jimmy Carter,
citant des responsables du mouvement islamiste qu’il a
rencontrés à Damas, dont le chef en exil Khaled Méchaal. «
Ils (le Hamas) ont indiqué qu’ils seraient prêts à accepter
un Etat palestinien dans les frontières de 1967 si les
Palestiniens l’approuvent et qu’ils accepteraient le droit
d’Israël de vivre en paix comme proche voisin », a précisé
Carter qui s’est vu l’objet de blâmes et de critiques de la
part de son propre pays et d’Israël qui considèrent le Hamas
comme une organisation terroriste. Une manière de
contourner, si l’on peut dire, la présence réelle de ce
mouvement à Gaza. Le Hamas étant en général une composante
palestinienne qu’on ne peut ignorer. L’ex-président
américain a d’ailleurs souligné que le Hamas et la Syrie
devraient être impliqués dans toute initiative de paix
visant à instaurer une solution pacifique au conflit
proche-oriental. « La stratégie actuelle visant à exclure la
Syrie et le Hamas ne marche pas.
Elle contribue à exacerber le cycle de la violence, les
malentendus et l’animosité », a-t-il dit. « Nous pensons que
le problème réside dans le fait qu’Israël et les Etats-Unis
refusent de rencontrer ces gens, et non dans le fait que
j’ai rencontré le Hamas à Damas ». Certes le Hamas a revu à
la baisse ces propos, mais il ne les a pas complètement
désavoués. « Le Hamas ne reconnaîtra pas Israël ... Nous
acceptons un Etat palestinien dans les frontières du 4 juin
1967 avec Jérusalem pour capitale, un Etat souverain sans
les colonies, avec le droit de retour des réfugiés
palestiniens, mais sans la reconnaissance d’Israël », a
déclaré Méchaal. Celui-ci a affirmé mettre un veto sur les
négociations directes avec Israël mais sans exclure des «
négociations indirectes ». En fait négocier, c’est négocier,
et le Hamas ici ne fait que rejoindre Israël qui lui aussi
négocie « indirectement » via l’Egypte notamment pour la
libération du prisonnier israélien Shalit et pour une trêve
aussi. D’ailleurs, selon les observateurs, Washington a
discrètement donné son assentiment à la tentative de
médiation égyptienne (lire page 4). Et d’ailleurs, cette
mission de Carter, si elle est individuelle, n’en est pas
moins importante. Dans la tradition diplomatique américaine,
anciens présidents et responsables jouent souvent le rôle de
Think Tanks surtout que l’Amérique paraît tout à fait dans
l’impasse face au chaos proche-oriental.
Cela dit, pourquoi le Hamas lâche-t-il du lest ? Le chef du
Hamas a laissé entendre qu’il tolérerait un Etat israélien
sur le reste des territoires revendiqués, sans toutefois le
reconnaître formellement mais sans aussi faire son discours
traditionnel fait de destruction projetée de l’Etat
d’Israël. L’avancée est de taille. Car le Hamas s’engage
ainsi, implicitement, à ne pas saboter les négociations
relancées en grande pompe, sous l’égide de la Maison
Blanche, lors de la conférence d’Annapolis de novembre 2007.
Censées aboutir à un accord-cadre avant la fin 2008, les
discussions n’ont produit aucune avancée significative, pour
l’instant. Le mouvement islamiste avait estimé, après s’être
emparé de la bande de Gaza en juin 2007, que le président
palestinien, Mahmoud Abbass, n’était plus habilité à
négocier la paix avec Israël au nom des Palestiniens
Isolé et au bord de l’asphyxie en raison du blocus imposé à
la bande de Gaza, dont il a pris le contrôle il y a près
d’un an, le Hamas est-il obligé de tenter une ouverture ? «
Il s’agit d’un changement tactique étant donné les
conditions difficiles à Gaza, où les Palestiniens sont
condamnés à la faim. L’organisation pourrait perdre ainsi la
confiance et le soutien de la population. Même ceux qui
estiment correct le plan politique du Hamas, commencent à
avoir des doutes suite au blocus où l’on voit même des ONG
internationales incapables de mener à bien leur tâche »,
estime Moustapha Magdi, chercheur au Centre d’études arabes
et africaines. Pour lui, l’alternative à cette ouverture est
« le chaos, la guerre civile ou le départ de Gaza en prenant
d’assaut les points de passage avec l’Egypte ».
Un rôle moteur de l’Egypte
D’ailleurs, comme on le voit, les choses bougent et c’est Le
Caire qui est au centre de cette activation. Mardi, une
réunion regroupant des représentants des différentes
organisations palestiniennes, en présence du chef des
renseignements égyptiens Omar Soliman, qui tient lui, en
grande partie le dossier palestinien pour élaborer une
position commune palestinienne sur une trêve avec Israël, a
eu lieu. Et même si le Fatah ne fait pas partie de ce
congrès, somme toute d’une nature exceptionnelle, le
président palestinien Mahmoud Abbass a déclaré dimanche
soutenir sans réserve la médiation égyptienne.
Dans une déclaration à la presse à l’issue d’une rencontre
d’une heure et demie dans la station balnéaire de Charm
Al-Cheikh avec le président Hosni Moubarak, Abbass a affirmé
que l’Autorité palestinienne soutient sans réserve ni
condition les efforts de l’Egypte en vue de cette trêve. Le
président palestinien a en outre déclaré qu’il était prêt au
dialogue avec le mouvement islamiste Hamas, selon les termes
de l’initiative yéménite visant à la réconciliation entre
les deux principaux groupes palestiniens, le Fatah et le
Hamas. D’ailleurs, l’ambassadeur palestinien au Caire, Nabil
Amr, a annoncé qu’il suivrait ces discussions pour le compte
du Fatah et précisé qu’il avait été « chargé du suivi des
efforts menés par l’Egypte avec les organisations
palestiniennes et les autres parties pour parvenir à la
trêve ». Avec la présence de trois groupes palestiniens se
joignant au Hamas, les Comités de résistance populaire, le
Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), et le
Front Démocratique de Libération de la Palestine (FDLP), on
voit bien le caractère sérieux de l’initiative
palestinienne. Contraint ou pas à une trêve, le Hamas semble
bien avoir une volonté réelle d’aller de l’avant pour
épargner aux Gazaouis le calvaire quotidien qu’ils vivent.
Somme toute, le front diplomatique est en état de vitalité.
Une sorte de course contre la montre a lieu. Chaque sprinter
a ses buts, il est vrai, mais sortir de l’impasse, du moins
apercevoir une lumière, même diffuse au bout du tunnel,
s’impose. On évoque surtout la fin du mandat du président
Bush. Abbass a déclaré qu’il avait « réclamé des Américains
de jouer un rôle plus efficace » dans les négociations de
paix. « Les entretiens avec les Américains se poursuivent à
ce sujet, notamment à l’occasion de la visite de George W.
Bush à Charm Al-Cheikh le 17 mai, et le Forum économique
mondial » pour le Moyen-Orient, qui se tient du 18 au 20 mai
dans la station égyptienne. Il a souligné avoir demandé au
président américain « d’œuvrer en vue de mettre fin à la
colonisation des territoires ainsi que de considérer les
frontières de 1967 comme base de toute solution du conflit
». Tout en affirmant que « toutes les parties concernées
déploient des efforts pour instaurer la paix en 2008 » et
disant « garder l’espoir » de tenir le délai, il a déclaré
qu’il « ne savait pas si cela allait se produire ou pas ».
Tout compte fait, la balle est à présent dans le camp
israélien. Et l’Etat hébreu semble peu se soucier de faire
preuve d’une certaine retenue en attendant les
développements de la situation. La preuve en est que les
attaques les plus violentes se poursuivent contre les
Palestiniens. A l’heure où les délégations affluaient,
lundi, vers Le Caire, une mère de famille, ses quatre
enfants en bas âge et un combattant ont été tués par des
tirs israéliens à Gaza. Les enfants, âgés de un, trois,
quatre et cinq ans, ont été tués par un tir d’obus de char
qui a touché leur maison, a indiqué un médecin des services
d’urgence de l’hôpital Kamal Adwane de Beit Lahya.
Leur mère, Miassar Abou-Maateq, 40 ans, grièvement blessée
dans l’explosion, est décédée à l’hôpital, a précisé le
médecin. La cinquième victime est un combattant du Djihad
islamique, a déclaré une source au sein du groupe. Ainsi,
quatre civils contre un supposé combattant. Une équation qui
traduit toute l’ampleur du drame vécu par les Palestiniens.
Au moins, 443 personnes, en majorité des Palestiniens, ont
été tuées dans les violences depuis que les pourparlers
israélo-palestiniens ont été relancés dans la foulée de la
Conférence internationale d’Annapolis, fin novembre, aux
Etats-Unis. Le premier ministre du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a
condamné dans un communiqué « le massacre qui révèle le vrai
visage de l’occupant israélien criminel et de ses tentatives
constantes de détruire les efforts régionaux et
internationaux pour lever le siège et faire cesser les
attaques ». De plus, le gouvernement israélien avait refusé
d’apporter du crédit à la proposition de trêve du Hamas. Il
a estimé qu’elle n’était pas sérieuse et serait exploitée
par les islamistes, subissant les coups de boutoir de
l’armée israélienne à Gaza, pour se renforcer. « Le calme
qu’il semble proposer est un calme avant la tempête ».
Tranchant avec la réaction officielle, un proche du ministre
de la Défense Ehud Barak a toutefois indiqué à l’AFP, sous
le couvert de l’anonymat qu’Israël n’écartait pas « un
accord tacite » avec le Hamas, comme ce fut le cas à de
nombreuses reprises dans le passé. « Nous n’écartons pas un
accord tacite à condition qu’il se fasse par étapes. Dans la
première phase, nous exigeons un arrêt total des tirs de
roquettes par tous les groupes. Israël sera ensuite prêt à
réduire ses opérations si le calme continue », a indiqué ce
responsable. D’ailleurs, parallèlement à ces manœuvres, la
Syrie et l’Etat hébreu se dirigeraient vers des négociations
sur le Golan par l’intermédiaire de la Turquie. S’agit-il
d’une manœuvre de diversion pour mieux isoler le Hamas et
les Palestiniens en général ? Interrogé sur le fait de
savoir si le processus de paix palestino-israélien pouvait
pâtir d’une réactivation des négociations israélo-syriennes,
Mahmoud Abbass a affirmé qu’« il ne pensait nullement que
cela pouvait se faire aux dépens des Palestiniens ». « Nous
soutenons toute démarche effectuée par la Turquie ou autre
au sujet du volet syrien et nous n’y mettons aucune réserve
», a-t-il dit.
Condamnés à s’entendre, tel serait le mot de la fin pour les
uns et les autres, les Israéliens surtout.
Ahmed
Loutfi
Aliaa Al-Korachi