Al-Ahram Hebdo, Evénement | La discorde s’affiche à Damas
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 2 au 8 avril 2008, numéro 708

 

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Evénement

Sommet Arabe. Aucun résultat spectaculaire ne s’est dégagé de cette réunion sur le dossier libanais qui était en tête de liste. La question palestinienne a été quasiment reléguée au second plan. Les divisions interarabes n’ont jamis été aussi claires.

La discorde s’affiche à Damas 

On s’y attendait bien, le sommet arabe de Damas est loin d’avoir été un succès, il s’est achevé dimanche sans percée sur la crise politique libanaise, consacrant les divisions entre la Syrie, accusée d’empêcher l’élection d’un nouveau président au Liban, et les ténors du monde arabe comme l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, accusés d’être des alliés de Washington, et qui ont boudé la réunion.

Un bilan négatif à l’heure où la région arabe est en effervescence avec des affrontements sanglants en Iraq, une cause palestinienne quasiment abandonnée, du moins classée au deuxième plan. Un échec qui ne devrait guère surprendre parce qu’il ne constitue pas une exception dans l’histoire de ces réunions arabes. C’est de toute façon ce qu’affirme avec son franc-parler habituel le leader libyen Mouammar Kadhafi. « Aucun développement notable n’a été enregistré lors de ce sommet, comme cela a toujours été le cas lors des précédents sommets », a-t-il affirmé. Seul constat positif pour lui le fait que les Arabes aient reconnu leurs divisions. « Le plus important dans ce sommet, c’est le fait que nous avons reconnu l’existence de divisions, des problèmes et une haine entre les pays arabes et qu’il faut trouver un mécanisme pour les surmonter », a-t-il ajouté.

 Sur le fond, les dirigeants arabes se sont contentés en effet de « réitérer leur attachement à l’initiative arabe pour le règlement de la crise libanaise » et d’appeler les dirigeants libanais à élire à la présidence « le candidat consensuel, le général Michel Sleimane, à la date convenue », selon les résolutions adoptées par le sommet.

Après 17 reports depuis septembre, une nouvelle séance parlementaire est programmée le 22 avril pour élire le président libanais. Ils ont aussi exhorté la majorité et l’opposition au Liban à s’entendre « le plus vite possible » sur un gouvernement d’union nationale, selon le plan adopté par la Ligue arabe début janvier pour sortir le Liban de la crise.

Cette initiative se heurte toutefois à des querelles entre la majorité et l’opposition sur le partage du pouvoir au sein de ce gouvernement.

Et là où le bât blesse c’est que les divisions arabes attisent le feu de la discorde. La Syrie soutient l’opposition libanaise emmenée par le mouvement chiite Hezbollah, tandis que l’Arabie saoudite, mais aussi Washington, appuient la majorité antisyrienne au pouvoir. Dans ce contexte, le sommet a été marqué par l’absence des chefs d’Etat des principaux alliés arabes de Washington, l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Jordanie, pour protester contre le rôle syrien dans la crise libanaise. Beyrouth l’a boycotté ? Une absence symbolique dans la mesure où le cas libanais était omniprésent. Damas a tenté de calmer le jeu mais sans le moindre résultat. La Syrie s’est défendue de toute ingérence dans la crise politique qui secoue le Liban en accueillant un sommet arabe boycotté par ces principaux alliés de Washington.

« Nous sommes attachés à la stabilité, la souveraineté et l’indépendance du Liban », a assuré le président syrien Bachar Al-Assad en ouvrant le sommet de deux jours.

« Je voudrais faire une mise au point sur ce qui se dit à propos d’une ingérence syrienne au Liban. C’est le contraire qui est vrai car des pressions sont exercées sur la Syrie depuis plus d’un an pour qu’elle s’ingère dans les affaires internes du Liban », a-t-il affirmé.

« Notre réponse fut claire. (...) la clef d’un règlement est aux mains des Libanais eux-mêmes ».

De son côté, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a déclaré : « La simple tenue du sommet à Damas est un succès si l’on tient compte des pressions » exercées selon lui par les Etats-Unis sur les pays arabes afin qu’ils n’y participent pas. Onze des 22 membres de la Ligue arabe étaient représentés par des chefs d’Etat.

Le chef de la délégation saoudienne au sommet, Ahmad Qattan, réagissant à un appel lancé jeudi par M. Mouallem à l’Arabie d’« user de sa forte influence » sur la majorité antisyrienne, a accusé l’opposition de chercher « à contrôler tous les appareils de l’Etat » au Liban. « Personne ne peut mettre en doute le rôle positif joué par l’Arabie saoudite au Liban afin de préserver sa stabilité et sa souveraineté et le mettre à l’abri des ingérences étrangères », a-t-il ajouté. Un jeu de mots ? Quoi qu’il en soit la Syrie a empêché tous les participants n’ayant pas rang de chef d’Etat de parler au sommet. Ainsi, les absents n’ont pu s’expliquer en quelque sorte.

D’où le fait que le président Hosni Moubarak a fait publier son allocution adressée au sommet. Le chef de l’Etat n’a pas manqué de s’attaquer à Damas. « Nous souhaitions des progrès au niveau des relations interarabes pour surmonter les difficultés et les obstacles, mais cela ne s’est pas produit », a dit M. Moubarak, en référence aux relations tendues entre Le Caire et Riyad d’un côté et Damas de l’autre. « Il est nécessaire de redoubler d’efforts pour assainir les relations interarabes. Il est normal que la présidence en exercice du sommet (assurée par la Syrie) fasse ces efforts ».

 

Le facteur Washington

Autre argument en outre mis en avant par la Syrie est cette crainte de voir Washington, qui aurait fait pression pour que les choses en viennent là, recourir à la force contre elle. Ainsi, le chef de la diplomatie syrienne a souligné que son pays se préparait à tous les cas de figure, y compris un possible recours à la force par Washington, si ses tentatives diplomatiques d’isoler Damas devaient échouer.

« Nous espérons que cela ne se produira pas. Nous souhaitons un dialogue et une entente pour éviter à la région de nouvelles destructions et aux Américains davantage de tués », a-t-il dit. Et sur ce plan aussi, Kadhafi n’a pas manqué de faire des mises en garde. Le fantasque dirigeant libyen a averti ses pairs qu’ils pourraient connaître un sort similaire à celui de l’ancien président iraqien Saddam Hussein, pendu en 2006 après l’invasion de son pays par l’armée américaine trois ans plus tôt. « Comment peut-on exécuter un prisonnier de guerre et le président d’un pays arabe membre de la Ligue arabe ? », s’est-il interrogé. Il a affirmé que Saddam Hussein était « l’ami » des Etats-Unis lorsque Bagdad était en guerre contre l’Iran de l’imam Khomeiyni, dans les années 1980, « avant qu’ils ne se retournent contre lui et l’exécutent ». Il a lancé ensuite devant des dirigeants médusés : « Vous pourriez tous connaître le même sort. Même vous. Même nous qui sommes considérés comme les amis de l’Amérique, un jour, elle pourrait donner son feu vert à notre pendaison ».

Beaucoup de passions, donc, mais qui ne font que concrétiser un hiatus qui s’approfondit de plus en plus.

Et sur l’essentiel, si l’on peut dire ? L’affaire palestinienne ? Les dirigeants arabes ont relégué au second plan la question. Les dirigeants arabes ont juste renouvelé leur appel à Israël d’accepter leur plan de paix lancé en 2002 et resté lettre morte. Il prévoit une normalisation de leurs relations avec Israël en échange du retrait israélien des territoires arabes occupés. Le sommet a aussi apporté son soutien à une initiative du Yémen pour une réconciliation entre le président palestinien Mahmoud Abbass et le Hamas qui l’a chassé du pouvoir à Gaza en juin. Enfin, il a été décidé que le prochain sommet arabe se tiendrait en 2009 au Qatar.

Le mot de la fin : le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a affirmé qu’il « poursuivra dans les semaines à venir » sa mission pour une solution de la crise libanaise, et souligné l’importance de l’élection du général Michel Sleimane à la présidence au Liban. « L’élection d’un président de la République au Liban (...) et l’entente entre les deux pays voisins et frères, la Syrie et le Liban, sont essentielles pour le retour du calme et de la stabilité dans la région », a lancé Amr Moussa. « L’initiative arabe a fait des progrès (...) suffisants pour l’élection d’un président au Liban ». Moussa reprendra donc son bâton de pèlerin. Somme toute, il semble être l’un des rares à croire toujours en l’unité arabe.

Ahmed Loutfi (avec agences)

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3 questions à
Névine Mossaad,
 professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, estime que les divergences extrêmes entres pays arabes ont engendré un fait nouveau : le boycott du sommet. 

«La question principale reste le conflit israélo-palestinien»

Al-Ahram Hebdo : Le secrétaire général de la Ligue a qualifié les relations arabo-arabes d’exemple à ne pas suivre ... Est-ce que c’est vraiment l’état actuel des choses?

Névine Mossaad : Le monde arabe souffre de divergences entre ce qu’on appelle les radicaux, comme la Syrie, le Soudan ou la Libye, et les modérés comme l’Egypte, la Jordanie et des pays du Golfe. Mais les tentatives de polarisation exercées par chacun des deux groupes ne constituent pas un phénomène nouveau, il remonte aux années 1960 et s’est poursuivi même avant l’effondrement de l’URSS. Le clivage, à l’époque, entre les deux pôles Etats-Unis et Union soviétique, l’a alimenté davantage. Ce qui est nouveau dans cette confrontation, c’est l’idée de vouloir annuler le sommet arabe. Cette idée n’était pas autrefois envisagée même dans les circonstances les plus critiques. Ni la défaite de 1967, ni l’occupation du Koweït par l’Iraq, ni d’autres événements n’ont empêché la mise en place du sommet. Cette fois-ci, la divergence est devenue un moyen pour bloquer la tenue périodique du sommet soit par l’absence totale, à l’exemple du Liban, soit par une faible représentation diplomatique.

Est-ce que la décision du président Moubarak de ne pas partir pour Damas et de déléguer son ministre des Affaires juridiques s’inscrit dans ce contexte de polarisation ?

— La décision égyptienne a été en grande partie influencée par la position de l’Arabie saoudite, alors qu’autrefois c’était Le Caire qui était l’acteur principal dans la région. Même sur le dossier palestinien, qui était le domaine d’influence principal de l’Egypte, il ne l’est plus. Cette détérioration dans le leadership égyptien remonte à l’époque de Sadate et aux changements dans les principes de la politique étrangère du pays. La crise économique a renforcé ce soi-disant recul de la diplomatie égyptienne sur le plan arabe, puisqu’une grande partie de la main-d’œuvre égyptienne se trouve dans le monde arabe. Cet état des lieux ne justifie pourtant pas le  boycott. On sait tous que le sommet arabe n’est qu’un forum de solidarité, au cours duquel les problèmes interarabes doivent être résolus. Alors si en cas de différend, ils décident de ne pas assister, le sommet en lui-même devient absurde. Le Caire et Riyad ont par leur décision fait de l’affaire libanaise la cause centrale du monde arabe alors que ce n’est pas vraiment le cas. La question principale reste le conflit israélo-palestinien surtout si on souligne que quelques semaines avant le sommet, Israël avait déclaré franchement qu’il mènerait un holocauste contre les Palestiniens. Ce qui se passe en Iraq est également d’une extrême importance et il ne fallait pas les sacrifier pour le seul dossier du Liban.

Existe-t-il un lien entre l’absence des chefs d’Etat arabes et les intérêts occidentaux notamment américains, dans la région ?

— Il est vrai que certaines décisions prises par les dirigeants arabes sont parfois en faveur des Etats-Unis et de quelques pays européens, mais ceci n’empêche que ces décisions reflètent également des choix politiques et stratégiques de  ces pays. Des déclarations du président français Sarkozy ou du président américain Bush vont dans le sens de valoriser le boycott et la faible représentation des Arabes à Damas, mais pour un pays comme l’Egypte, j’estime que la décision émane surtout d’une vision intérieure. Le Yémen lui, par exemple, a décidé de ne pas assister pour protester contre le peu d’intérêt accordé à son initiative pour une réconciliation inter-palestinienne. Et ce genre de décisions va de pair avec les intérêts américains.

Propos recueillis par Mavie Maher

 




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