Sommet Arabe.
Aucun résultat spectaculaire ne s’est dégagé de cette
réunion sur le dossier libanais qui était en tête de liste.
La question palestinienne a été quasiment reléguée au second
plan. Les divisions interarabes n’ont jamis été aussi
claires.
La discorde s’affiche à Damas
On
s’y attendait bien, le sommet arabe de Damas est loin
d’avoir été un succès, il s’est achevé dimanche sans percée
sur la crise politique libanaise, consacrant les divisions
entre la Syrie, accusée d’empêcher l’élection d’un nouveau
président au Liban, et les ténors du monde arabe comme
l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, accusés d’être des
alliés de Washington, et qui ont boudé la réunion.
Un bilan négatif à l’heure où la région arabe est en
effervescence avec des affrontements sanglants en Iraq, une
cause palestinienne quasiment abandonnée, du moins classée
au deuxième plan. Un échec qui ne devrait guère surprendre
parce qu’il ne constitue pas une exception dans l’histoire
de ces réunions arabes. C’est de toute façon ce qu’affirme
avec son franc-parler habituel le leader libyen Mouammar
Kadhafi. « Aucun développement notable n’a été enregistré
lors de ce sommet, comme cela a toujours été le cas lors des
précédents sommets », a-t-il affirmé. Seul constat positif
pour lui le fait que les Arabes aient reconnu leurs
divisions. « Le plus important dans ce sommet, c’est le fait
que nous avons reconnu l’existence de divisions, des
problèmes et une haine entre les pays arabes et qu’il faut
trouver un mécanisme pour les surmonter », a-t-il ajouté.
Sur le fond, les dirigeants arabes se sont contentés en
effet de « réitérer leur attachement à l’initiative arabe
pour le règlement de la crise libanaise » et d’appeler les
dirigeants libanais à élire à la présidence « le candidat
consensuel, le général Michel Sleimane, à la date convenue
», selon les résolutions adoptées par le sommet.
Après 17 reports depuis septembre, une nouvelle séance
parlementaire est programmée le 22 avril pour élire le
président libanais. Ils ont aussi exhorté la majorité et
l’opposition au Liban à s’entendre « le plus vite possible »
sur un gouvernement d’union nationale, selon le plan adopté
par la Ligue arabe début janvier pour sortir le Liban de la
crise.
Cette initiative se heurte toutefois à des querelles entre
la majorité et l’opposition sur le partage du pouvoir au
sein de ce gouvernement.
Et
là où le bât blesse c’est que les divisions arabes attisent
le feu de la discorde. La Syrie soutient l’opposition
libanaise emmenée par le mouvement chiite Hezbollah, tandis
que l’Arabie saoudite, mais aussi Washington, appuient la
majorité antisyrienne au pouvoir. Dans ce contexte, le
sommet a été marqué par l’absence des chefs d’Etat des
principaux alliés arabes de Washington, l’Arabie saoudite,
l’Egypte et la Jordanie, pour protester contre le rôle
syrien dans la crise libanaise. Beyrouth l’a boycotté ? Une
absence symbolique dans la mesure où le cas libanais était
omniprésent. Damas a tenté de calmer le jeu mais sans le
moindre résultat. La Syrie s’est défendue de toute ingérence
dans la crise politique qui secoue le Liban en accueillant
un sommet arabe boycotté par ces principaux alliés de
Washington.
« Nous sommes attachés à la stabilité, la souveraineté et
l’indépendance du Liban », a assuré le président syrien
Bachar Al-Assad en ouvrant le sommet de deux jours.
« Je voudrais faire une mise au point sur ce qui se dit à
propos d’une ingérence syrienne au Liban. C’est le contraire
qui est vrai car des pressions sont exercées sur la Syrie
depuis plus d’un an pour qu’elle s’ingère dans les affaires
internes du Liban », a-t-il affirmé.
«
Notre réponse fut claire. (...) la clef d’un règlement est
aux mains des Libanais eux-mêmes ».
De son côté, le ministre syrien des Affaires étrangères,
Walid Mouallem, a déclaré : « La simple tenue du sommet à
Damas est un succès si l’on tient compte des pressions »
exercées selon lui par les Etats-Unis sur les pays arabes
afin qu’ils n’y participent pas. Onze des 22 membres de la
Ligue arabe étaient représentés par des chefs d’Etat.
Le chef de la délégation saoudienne au sommet, Ahmad Qattan,
réagissant à un appel lancé jeudi par M. Mouallem à l’Arabie
d’« user de sa forte influence » sur la majorité
antisyrienne, a accusé l’opposition de chercher « à
contrôler tous les appareils de l’Etat » au Liban. «
Personne ne peut mettre en doute le rôle positif joué par
l’Arabie saoudite au Liban afin de préserver sa stabilité et
sa souveraineté et le mettre à l’abri des ingérences
étrangères », a-t-il ajouté. Un jeu de mots ? Quoi qu’il en
soit la Syrie a empêché tous les participants n’ayant pas
rang de chef d’Etat de parler au sommet. Ainsi, les absents
n’ont pu s’expliquer en quelque sorte.
D’où le fait que le président Hosni Moubarak a fait publier
son allocution adressée au sommet. Le chef de l’Etat n’a pas
manqué de s’attaquer à Damas. « Nous souhaitions des progrès
au niveau des relations interarabes pour surmonter les
difficultés et les obstacles, mais cela ne s’est pas produit
», a dit M. Moubarak, en référence aux relations tendues
entre Le Caire et Riyad d’un côté et Damas de l’autre. « Il
est nécessaire de redoubler d’efforts pour assainir les
relations interarabes. Il est normal que la présidence en
exercice du sommet (assurée par la Syrie) fasse ces efforts
».
Le facteur Washington
Autre argument en outre mis en avant par la Syrie est cette
crainte de voir Washington, qui aurait fait pression pour
que les choses en viennent là, recourir à la force contre
elle. Ainsi, le chef de la diplomatie syrienne a souligné
que son pays se préparait à tous les cas de figure, y
compris un possible recours à la force par Washington, si
ses tentatives diplomatiques d’isoler Damas devaient
échouer.
« Nous espérons que cela ne se produira pas. Nous souhaitons
un dialogue et une entente pour éviter à la région de
nouvelles destructions et aux Américains davantage de tués
», a-t-il dit. Et sur ce plan aussi, Kadhafi n’a pas manqué
de faire des mises en garde. Le fantasque dirigeant libyen a
averti ses pairs qu’ils pourraient connaître un sort
similaire à celui de l’ancien président iraqien Saddam
Hussein, pendu en 2006 après l’invasion de son pays par
l’armée américaine trois ans plus tôt. « Comment peut-on
exécuter un prisonnier de guerre et le président d’un pays
arabe membre de la Ligue arabe ? », s’est-il interrogé. Il a
affirmé que Saddam Hussein était « l’ami » des Etats-Unis
lorsque Bagdad était en guerre contre l’Iran de l’imam
Khomeiyni, dans les années 1980, « avant qu’ils ne se
retournent contre lui et l’exécutent ». Il a lancé ensuite
devant des dirigeants médusés : « Vous pourriez tous
connaître le même sort. Même vous. Même nous qui sommes
considérés comme les amis de l’Amérique, un jour, elle
pourrait donner son feu vert à notre pendaison ».
Beaucoup de passions, donc, mais qui ne font que concrétiser
un hiatus qui s’approfondit de plus en plus.
Et sur l’essentiel, si l’on peut dire ? L’affaire
palestinienne ? Les dirigeants arabes ont relégué au second
plan la question. Les dirigeants arabes ont juste renouvelé
leur appel à Israël d’accepter leur plan de paix lancé en
2002 et resté lettre morte. Il prévoit une normalisation de
leurs relations avec Israël en échange du retrait israélien
des territoires arabes occupés. Le sommet a aussi apporté
son soutien à une initiative du Yémen pour une
réconciliation entre le président palestinien Mahmoud Abbass
et le Hamas qui l’a chassé du pouvoir à Gaza en juin. Enfin,
il a été décidé que le prochain sommet arabe se tiendrait en
2009 au Qatar.
Le mot de la fin : le secrétaire général de la Ligue arabe,
Amr Moussa, a affirmé qu’il « poursuivra dans les semaines à
venir » sa mission pour une solution de la crise libanaise,
et souligné l’importance de l’élection du général Michel
Sleimane à la présidence au Liban. « L’élection d’un
président de la République au Liban (...) et l’entente entre
les deux pays voisins et frères, la Syrie et le Liban, sont
essentielles pour le retour du calme et de la stabilité dans
la région », a lancé Amr Moussa. « L’initiative arabe a fait
des progrès (...) suffisants pour l’élection d’un président
au Liban ». Moussa reprendra donc son bâton de pèlerin.
Somme toute, il semble être l’un des rares à croire toujours
en l’unité arabe.
Ahmed
Loutfi (avec agences)