Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | La mondialisation par les bons petits plats
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 16 au 22 avril 2008, numéro 710

 

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Nulle part ailleurs

Art Culinaire. Cela devient une vraie marotte pour de nombreux Egyptiens qui, séduits par les programmes et présentateurs vedettes des chaînes télévisées, s’ouvrent sur des recettes de tous les pays. 

La mondialisation par les bons petits plats 

Faut-il passer par le ventre, pour conquérir le cœur d’un homme ? La nourriture est-elle devenue le seul moyen de divertissement pour les Egyptiens ? Cela n’est guère de la fiction mais une réalité. L’art culinaire ne cesse d’intéresser les Egyptiens et occuper une importante partie de leur quotidien. Il a envahi les pages des journaux, les sites Internet et les chaînes satellites. A citer par exemple Maa Ossama atyab sur la chaîne de Doubaï, La Cuisine de Manal sur Abou-Dhabi, Des Plats de partout avec Chérif Madkour sur la Chaîne égyptienne de la famille et de l’enfant, Les Pommes vertes sur MBC, Mona Amer sur Dream, et Fatafeat, la première chaîne spécialisée dans l’art culinaire et dont le public ne cesse de s’élargir. Sachant que les téléspectateurs sont assoiffés d’une nouvelle culture culinaire, ces programmes enregistrent, d’après Ahmad Zoheiri, producteur de programmes dans une chaîne satellite, un chiffre record d’audience. C’est en 1997 que Mona Amer a introduit ce genre d’émissions à la télévision égyptienne. « Manger est un instinct naturel. C’est grâce à la nourriture que l’être humain est en vie, et donc l’homme sera plus attaché à la femme si elle sait combler ce besoin », c’est ainsi que Mona Amer explique sa propre philosophie sur l’art culinaire. Sehhi wa moufid (sain et nutritif), tel est le titre de son émission, dont l’objectif est d’offrir aux téléspectateurs des recettes simples, rapides mais surtout digestes. Pendant 11 ans, elle a su séduire les foyers égyptiens. Mona Amer a tenu à présenter son émission dans sa propre cuisine qu’elle chérit particulièrement. Chaque coin est rangé avec soin et tous les ustensiles nécessaires à la préparation de ses plats savoureux sont à la portée de sa main. Avec élégance et agilité, elle bouge dans tous les sens, mais ses gestes restent précis et adroits.

Elle prépare, explique en même temps et n’oublie surtout pas d’énoncer les éléments nutritifs de chaque aliment. D’apparence pourtant distinguée, elle ne porte pas de gants pour pétrir sa pâte et ramasse la viande ou les légumes coupés avec ses mains. Méthodique et simple, elle suscite l’admiration de nombreuses femmes — qui déclarent avoir beaucoup appris d’elle — et même de la gent masculine.

Aujourd’hui, ces émissions sont animées par de nouvelles stars. Des artistes culinaires qui présentent de nouveaux ingrédients et de nouveaux instruments de cuisine. Ils ont permis aux Egyptiens de découvrir les spécialités des autres pays, bousculant ainsi la cuisine égyptienne qui se base surtout sur les vieilles recettes de grands-mères. « Au cours de ces dernières années, les médias ont réussi à nous ouvrir à d’autres horizons. Bien que notre cuisine soit savoureuse, elle n’est pas tellement riche ni variée. Et c’est toujours les mêmes plats que l’on prépare depuis des années, il y a vraiment de quoi en avoir marre », explique Karima, dentiste et qui passe son temps à zapper d’une chaîne à l’autre pour chercher la nouvelle recette. Elle connaît par cœur les heures de diffusion des diverses émissions, et avec le temps, elle a fini par collectionner pas mal de recettes, toutes inscrites soigneusement sur un cahier qu’elle conserve précieusement comme un trésor. Une bonne référence pour diversifier ses plats. Des recettes qu’elle transmet à des amies pour les initier aux mets diététiques et éviter l’hypertension ou le diabète.

 

Un boom de la cuisine

S’agit-il donc d’une vogue ? La septuagénaire libanaise Mariam Nour n’arrête pas de faire son apparition sur les chaînes satellites, s’étalant sur les avantages de la nourriture saine. Une philosophie de vie visant à manger sain et à se soigner naturellement. D’autres études assurent qu’un mal d’estomac pourrait provoquer plus de 120 maladies. « C’est une tendance universelle. C’est dû au changement culturel et économique qui a lieu partout dans le monde », réplique la sociologue Malak Rouchdi, professeure à l’Université américaine et qui a écrit plusieurs articles sur la nourriture et un livre qui s’intitule Recette de cuisine et espace culinaire. « Les gens font plus attention à leur nourriture, à leur santé, etc. Du coup, plusieurs industries nourrissent alors cette tendance. L’Egypte, qui n’est pas donc isolée, commence à répondre à ces évolutions. Elle découvre de nouveaux ingrédients, et de nouveaux instruments ont remplacé les anciens. La cuisine égyptienne répond aussi à la révolution en matière de communication et les moyens d’apprentissage ne manquent pas. Un flux d’informations largué par divers canaux. Un procédé de commercialisation qui apparaît même sur les boîtes d’emballages sur lesquelles on imprime parfois quelques recettes », avance-t-elle.

Paceint Al-Khodari, ingénieur et mère de trois enfants, partage cet avis. Elle estime qu’elle profite beaucoup du site Internet Wasfa Sahla pour avoir des recettes bien savoureuses et avec les proportions exactes. Par ailleurs, la télévision est le moyen idéal pour initier à l’art culinaire, car cela donne l’occasion aux téléspectateurs de suivre les étapes de préparation, la manière d’éplucher les légumes et d’utiliser les ustensiles ou appareils nécessaires. « Une jeune fille n’a plus le temps d’apprendre à faire la cuisine avec sa mère. C’est de la vieille histoire. Mais l’art culinaire évolue chaque jour », explique Paceint, qui assure qu’elle a consacré une grande partie de son argent pour équiper sa cuisine.

Des plats chinois, des sauces françaises, des mets exotiques figurent au menu de la famille égyptienne et c’est nouveau. « Mona Amer a réussi à révolutionner la cuisine égyptienne. Elle l’a enrichie par des touches personnelles qu’elle a acquises au cours de ses voyages et grâce à ses nombreux contacts avec des personnes de différentes cultures », poursuit Naglaa, 45 ans, fonctionnaire.

Cette diversité a créé un nouveau goût alimentaire donnant plus de chance à la créativité. « Le monde est devenu comme un melting-pot. C’est peut-être la nourriture qui va devenir une monnaie courante en pleine globalisation. Il serait alors difficile de fusionner tous les éléments culturels de chaque pays, mais un plat savoureux pourrait traverser les frontières et se placer sur la table d’une famille d’un bout à l’autre du monde. Le goût comme sens pourrait devenir plus puissant malgré la diversité des langues et des cultures », avance Howaida Abou-Heif qui présente sur MBC le programme Les Pommes vertes.

 

Un revirement

Ces diverses influences ont ébranlé la cuisine égyptienne. Au cours de la dernière décennie, des chefs de cuisine, femmes au foyer, experts en nutrition ont provoqué une véritable révolution en ce qui concerne l’art culinaire. A chacun sa philosophie, sa technique et ses outils. Tareq Réda, fondateur et président de l’unité de traitement de l’obésité au Centre national de la nutrition, qui apparaît sur les chaînes égyptiennes et satellites, assure qu’il défraie la chronique. « Je veux bouleverser le mode de vie des Egyptiens », dit-il. Selon les statistiques du Centre national de la nutrition, 46 % de la population égyptienne souffre d’obésité. « Beaucoup de plats gras se sont imposés sur la table égyptienne dont la vraie cuisine nationale est nutritionnellement idéale ».

Et d’expliquer : « Les pharaons se nourrissaient essentiellement de céréales et de poissons, et donc ce sont des aliments très nutritifs que j’essaie d’utiliser dans diverses recettes », explique Réda, en poursuivant : « Une lecture profonde du Coran permet d’asseoir un bon équilibre alimentaire. A chaque fois que Dieu décrit la splendeur du paradis, il mentionne les fruits. Cela apparaît plus de 30 fois dans le texte coranique, ce qui laisse comprendre que les fruits sont excellents pour l’homme. Le poisson a été cité deux fois. La volaille et la viande bovine une seule fois ». Et d’ajouter : « Les recherches ont prouvé que le poisson est l’une des meilleures sources de protéines. En plus, le Coran mentionne l’olivier. Son huile est l’une des meilleures pour la santé ». Ce dernier va même plus loin en parlant des bienfaits d’une cuisine saine. « Je veux vulgariser une culture alimentaire saine. On peut manger convenablement sans nuire à son corps. Or, 60 % des Egyptiens ont des problèmes de santé provoqués par une mauvaise nutrition. Je veux apprendre aux gens comment choisir leurs fruits et légumes, comment les laver, les conserver ou les congeler ».

L’art culinaire est évoqué avec passion. Tareq Réda ne rate aucune occasion pour transmettre son message et donner ses conseils à la télévision. Devenu très médiatique, il pense même fonder une association pour diffuser ses idées.

D’autres présentateurs utilisent des astuces différentes à l’exemple de Howaida Abou-Heif qui prend pour référence les livres de son père, un médecin nutritionniste, et ce pour rendre les mets des Egyptiens moins gras. « Je veux apprendre aux gens comment préparer une béchamel ou des légumes farcies avec le moins de matières grasses et de calories, comment préparer un dessert délicieux et sain. Je choisis souvent un thème et je prépare ma recette en m’y référant. Par exemple, les maladies qui surviennent après 40 ans, l’obésité des enfants, les mets qui stimulent la mémoire, etc. », confie Abou-Heif.

Certains programmes essaient de répondre aux évolutions économiques dont souffrent les Egyptiens. « Acheter un gâteau avec la hausse du prix du sucre ou de la farine est devenu un luxe », confie Karima Younès, qui a su pallier ce problème à travers ses recettes.

« J’arrive ainsi à économiser près de la moitié du coût de la préparation », avance Karima qui n’hésite pas à offrir ses tartes lorsqu’elle rend visite. Une chose qui a poussé Mona Amer, accusée au début de sa carrière de s’adresser à la couche aisée, de prendre en considération les conditions de la famille égyptienne. « Tout d’abord, je calcule le coût de chaque plat avant de le préparer. Celui-ci va souvent de pair avec les revenus de la classe moyenne. Je veille à ce que la quantité de viande soit réduite et j’augmente la dose de légumes », explique Mona Amer, qui a recours à d’autres plats de partout dans le monde pour faire face à la crise.

Dina Darwich

 




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