Al-Ahram Hebdo, Evénement | Des manoeuvres cousues de fil blanc
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 6 au 12 février 2008, numéro 700

 

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Gaza. Le drame des réfugiés et des points de passage avec l’Egypte met en relief un plan israélien visant à une réinstallation d’une grande partie des Palestiniens dans le Sinaï. 

Des manoeuvres cousues de fil blanc 

Le bulldozer avance sans discontinuer, défonce le mur et la frontière tombe. Les Palestiniens se ruent en territoire égyptien. Le Caire, pris de court, demande à ses soldats de les laisser passer. Les quelque 700 policiers postés à Rafah ne pouvaient pas en tout cas faire grand-chose devant cet afflux sans précédent des Gazaouis. En une semaine, environ la moitié des habitants de la bande de Gaza, soit 750 000 personnes, se sont précipités dans le Sinaï fuyant le blocus israélien. Des matelas, des couvertures, des enfants, de la nourriture ... la scène rappelle bien d’autres, celles des Palestiniens condamnés à l’exode en 1948 ou en 1967. Même si du côté de Gaza ou du Sinaï personne ne pensait à un tel scénario : des réfugiés palestiniens en Egypte, à l’instar de ceux du Liban ou de Jordanie, pas très loin d’ici, ils y avaient bien ceux qui, depuis longtemps, montaient un tel plan. En Israël, plus personne ne cache cette volonté de se débarrasser de Gaza et jeter sa clé ailleurs, et pourquoi pas à l’Egypte ? Au moins, ce pays administrait ce territoire palestinien de 1948 à 1967. Des responsables israéliens n’ont pas caché cette intention comme Ehud Barak, le ministre de la Défense, qui dit ne pas comprendre pourquoi Israël devrait continuer à fournir électricité et nourriture à Gaza, alors que Tsahal s’est retiré de cette zone depuis 3 ans ?! « Il est temps que l’Egypte assume sa part de responsabilité », affirme-t-il. Dans la presse et dans les milieux intellectuels israéliens, mais aussi américains, presque tout le monde fait développer la même idée. Le bulletin politique de l’Université de Harvard précise ainsi que « les responsables à Tel-aviv voient ce qui se passe à Rafah comme un véritable don pour l’Etat d’Israël. Cet afflux irrégulier, mais continu des Palestiniens vers l’Egypte pourrait se transformer en un désengagement total d’Israël par rapport à la bande de Gaza ».

L’idée est bien là et ne fait pas partie de la théorie du complot, chère aux Arabes, comme le prétend Israël. Elle date d’il y a longtemps même. « Les Américains ont lancé cette idée d’un transfert des Palestiniens dans le Sinaï pour la première fois en 1955, avec le plan Johnston, du nom de l’envoyé spécial américain au Proche-Orient », précise Hassan Asfour, ancien ministre palestinien des Négociations. Lui-même, en 1995, le temps des négociations sur le statut final, a entendu Yossi Belin, alors ministre israélien de l’Economie, développer une idée d’un échange de territoire. « Il proposait aux Palestiniens de prendre une partie du désert du Néguev en contrepartie de territoires en Cisjordanie. Dans le même contexte, il voulait que l’Egypte cède une partie du Sinaï aux Israéliens pour y installer les Palestiniens », raconte Asfour. Cinq ans plus tard, Shlomo Ben Ami, ministre israélien de la Police, parle à Stockholm, lors de pourparlers avec les Palestiniens, du « casse-tête » de la bande de Gaza, il la qualifie de « bombe à retardement » à laquelle il faudrait trouver une solution. « Ben Ami, dit Asfour, était rusé. Il a évoqué le problème du point de vue humanitaire et non sécuritaire comme ce fut toujours le cas avec les Israéliens ». C’est ce qui s’est d’ailleurs passé dans la bande de Gaza, une véritable crise humanitaire, à laquelle Israël a délibérément incité. Une punition collective qui « pousserait les Palestiniens à un départ volontaire », comme l’avait déclaré Ytzhak Rabin, l’ancien premier ministre israélien.

 

La « question » du Sinaï

Dans son 61e rapport, l’International Crisis Group, qui en principe travaille sur la prévention des conflits, soulève de nouveau l’affaire. Le rapport intitulé « La question du Sinaï égyptien » affirme que « le Sinaï représente une importance stratégique tant aux yeux de l’Egypte que d’Israël et se trouve affecté par l’évolution du conflit israélo-palestinien ». Le texte s’attaque entre autres à « la problématique intégration du Sinaï à l’Egypte » et s’efforce de prouver que cette péninsule est « une région à part, dont l’identité est loin d’être complètement assurée », que sa population « est différente du reste de la population égyptienne, avec une minorité d’origine palestinienne, des Bédouins, originaires de la péninsule, et des Bosniaques arrivés à l’époque ottomane ».

Du coup, ces 360 000 habitants du Sinaï « sont, comme les Palestiniens, naturellement tournés vers l’Est plutôt que vers le reste de l’Egypte ». Impossible de croire qu’une telle hypothèse est mise en exergue de manière gratuite même si le document long de 37 pages tente de cadrer l’affaire dans un contexte socio-économique. Plus précis, voire plus dangereux, sont les rapports israéliens eux-mêmes. Depuis au moins 3 ans, le « Herzliya Conference », cette réunion annuelle débattant de la stratégie israélienne avance des plans qui ne parlent pas uniquement d’installation de Palestiniens dans les pays arabes, mais d’un échange de territoires avec les pays de la région.

Il faut juste savoir qu’il ne s’agit pas de simples propositions ou idées, mais le Herzliya Conference est devenu un centre d’éclosion de la politique israélienne. C’est cette conférence qui a par exemple présenté pour la première fois le plan de désengagement de Gaza. Herzliya a ainsi fourni deux études d’une importance majeure, qui parle d’« d’échanges de territoires pour la fin du conflit palestino-israélien ». On est vraiment loin de l’ancienne proposition d’un territoire dans le Néguev pour un autre en Cisjordanie. Les Israéliens vont plus loin, ils veulent redessiner la carte de la région pour créer « une homogénéité ethnique ». Les textes partent du principe que sous mandat britannique, des terres ont été divisées et qu’aujourd’hui, Palestiniens et Israéliens sont tout à fait d’accord pour une division de la Palestine. L’étude établie par le chercheur Uzi Arad estime pourtant que les frontières géo-démographiques actuelles vont transformer probablement la notion en cours dans le cadre du processus de paix « deux Etats pour deux peuples » en « deux Etats pour un seul peuple ». C’est l’idée qu’avait soulevée Gideopn Biger de l’Université de Tel-Aviv en 1996 avec un Etat pour les juifs, un autre pour les Arabes. Pour ce, Israël cédera aux Palestiniens le triangle de Kafr Kassem et les Palestiniens lâcheront des zones dans la vallée du Jourdain. Ainsi, les Arabes d’Israël seront placés sous souveraineté palestinienne. Ce genre de propositions ne manquent pas, la plus dangereuse reste celle concernant les autres pays de la région entourant Israël : l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban. Tel-Aviv veut, selon ce plan appuyé par une nouvelle carte, échanger des territoires avec eux pour aboutir à « l’Etat d’Israël ».

 

L’art du marchandage

Ainsi, Israël donnera à l’Egypte entre 200 et 500 km2 dans le Néguev, limitrophe de la péninsule du Sinaï, avec un corridor dans ce même désert créant une sorte de pont entre l’Egypte et la Jordanie. Et le prix que payeront les Egyptiens, un territoire d’environ 1000 km2 (soit le double de ce que va obtenir l’Egypte), sera coupé du Sinaï et attaché à la bande de Gaza. Ce n’est certes pas un cadeau gratuit pour les Palestiniens, ces derniers devraient abandonner des terres en Cisjordanie non seulement les alentours de Jérusalem et les colonies, mais le long du Jourdain, dans les réserves naturelles dans le désert de Judée et sur la mer Morte.

La terre prise à la Jordanie, le Royaume la récupéra à la Syrie et cette dernière prendra une partie du Liban qui se procurera une bande dans le nord d’Israël ! Et pourquoi l’Egypte accepterait-elle ? car, comme prétend le texte, « elle aura ainsi contribué effectivement au règlement du conflit israélo-arabe en échange d’un territoire qu’elle ne perd rien en l’échangeant ». Et pour les autres pays arabes, « il faudrait plus de travail et de temps mais aussi l’espoir qu’ils seront flexibles comme ils l’ont fait entre eux ». Pour les Egyptiens et les Palestiniens, ceci « fait partie du grand rêve d’Israël et il le sera toujours ». Une déclaration jugée faible. Mais ne serait-elle pas là la solution ? Ne pas prendre ce genre d’études au sérieux et donc les discréditer. Sur les frontières, des mesures plus strictes sont prises. Il est sûr que jusqu’à présent si les Arabes ont maintenu le statut de réfugiés pour les Palestiniens au lieu de les accueillir comme le préconisent les vues faussement philanthropiques de certains Occidentaux, c’est pour éviter justement ce genre de scénarios .

Samar Al-Gamal

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