Palestine.
Des exactions perpétrées par les colons juifs à l’encontre
de la population palestinienne d’Hébron font craindre une
répétition du scénario qui a coïncidé avec l’évacuation de
la bande de Gaza, il y a trois ans.
Hébron au cœur du conflit
«
Les colons font la guerre aux Palestiniens », c’est ainsi
que le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad
Al-Maliki, a qualifié la violence déclenchée au cours de la
semaine dans la ville d’Hébron par les colons. Maliki a
déclaré aux journalistes à Ramallah que des colons
profitaient de la vacance du pouvoir créée par la démission
du premier ministre israélien, Ehud Olmert, mis en cause
dans une affaire de corruption. « Israël paraît trop faible
pour prendre des mesures contre des colons », a dit Maliki,
tout en demandant au Conseil de sécurité de l’Onu de se
saisir du problème.
Mais ces nouvelles violences ne mettent pas uniquement en
cause Tel-Aviv. C’est une occasion de plus pour jeter de
l’huile sur le feu, alors que les luttes intestines
palestiniennes n’en finissent pas. En effet, un député du
Hamas, Moushir Al-Masri, en a imputé la responsabilité au
président palestinien Mahmoud Abbass, l’accusant d’avoir «
enhardi les colons en affaiblissant la résistance
palestinienne ».
Quoi qu’il en soit, ces récents développements font craindre
le pire, que ce soit du côté israélo-palestinien que
palestino-palestinien. Robert Serry, émissaire de l’Onu pour
le Proche-Orient, a publié un communiqué exprimant sa
crainte d’une « escalade ». Il a réclamé « un arrêt immédiat
des attaques lancées par des colons » et invité l’ensemble
des parties à la modération. Le représentant spécial des
Nations-Unies au Proche-Orient a de même condamné « la
poursuite des violences de colons israéliens qui s’en
prennent à des civils palestiniens, perpétuent des actes de
vandalisme et profanent des mosquées et des cimetières
musulmans ». Il a relevé, dans un communiqué, « l’obligation
faite au gouvernement israélien, en tant que pouvoir
occupant, de protéger la population palestinienne, ses biens
et ses lieux sacrés ».
Tout a commencé lorsque la Cour suprême israélienne a
ordonné, le 16 novembre, aux colons d’évacuer un bâtiment
qu’ils occupaient depuis mars 2007. Ces derniers ont refusé
de se soumettre, et la police a dû évacuer manu militari 250
colons au terme d’une épreuve de force avec le camp
ultranationaliste hostile à tout retrait en Cisjordanie. Et
comme conséquence, trois Palestiniens ont été blessés par
balles. Des colons juifs ont aussi détruit des oliviers,
jeté des pierres et incendié deux maisons et une quinzaine
de voitures.
Une ville symbole
Côté israélien, on tentait de contenir la colère
palestinienne et internationale. Le ministre israélien de la
Justice, Daniel Friedman, a qualifié les exactions des
colons de « pogrom choquant », et a déclaré à la première
chaîne de télévision israélienne qu’il regrettait
profondément que les forces de sécurité n’aient pas été
préparées à les prévenir. Le chef de l’administration
militaire en Cisjordanie, le général de brigade Yoav
Mordehaï, a ainsi fermement dénoncé des « agissements
criminels » de colons, promettant à la population
palestinienne d’assurer sa protection, dans une série
d’interviews à des médias palestiniens. Un responsable
militaire, cité par le quotidien israélien Yedioth Aharonoth,
a pour sa part accusé l’extrême droite en Israël de «
vouloir provoquer une guerre de religions » entre juifs et
musulmans.
La presse israélienne a également dénoncé à l’unanimité les
excès des ultranationalistes juifs. Mais s’agit-il de
véritables dénonciations ou plutôt de déclarations à visées
électorales ? Les responsables voulant donner l’impression
de pouvoir tout contrôler.
Hébron, cité de 180 000 habitants où résident quelque 650
colons dans des enclaves protégées, est une des villes
symboliques de cette situation conflictuelle. Au vu du passé
violent de la ville et des troubles perpétuels qui y
règnent, cette colonie, située au beau milieu d’une zone
urbaine palestinienne, attire sans surprise les
personnalités radicales, certaines venues de France ou des
Etats-Unis, qui ont immigré en Israël et semblent attirées
par les frictions. Un grand nombre de colons sont armés et
manient leurs fusils ouvertement, en visant les
Palestiniens.
Les colonies juives sont considérées, par les Palestiniens
et les Occidentaux, comme un des obstacles principaux au
processus de paix. Depuis le 26 octobre, lorsque Tsahal a
détruit un site de colonisation sauvage, près de Kiryat Arba,
qui jouxte Hébron, les incidents violents avec les forces de
l’ordre israéliennes sont quasi quotidiens.
Cette violence physique et verbale a fait resurgir le
spectre des violences fratricides de l’évacuation de la
bande de Gaza, en août 2005, et surtout de celles de
l’évacuation de l’implantation sauvage d’Amona, dans le sud
de la Cisjordanie, en février 2006. Le quotidien Haaretz a
ainsi lancé la semaine dernière un appel au ministre de la
Défense, Ehud Barak, pour qu’il « écrase le terrorisme des
colons, pour ne pas abandonner l’Etat à un groupe de fous
dangereux capables d’en provoquer la destruction ».
Ce regain de tension, entre colons extrémistes et autorités
israéliennes, intervient alors que le débat sur l’avenir de
la Cisjordanie est repassé au premier plan, avant les
élections de février 2008. L’état des lieux est plutôt
inquiétant pour les opposants à tout compromis avec les
Palestiniens. La candidate du parti centriste Kadima, Tzipi
Livni, au coude à coude dans les sondages avec le chef de
l’opposition, Benyamin Netanyahu, ne cache pas qu’elle est
prête à des concessions territoriales qui constituent la
plateforme politique traditionnelle du Parti travailliste
d’Ehud Barak. Quant au Likoud, son chef de file, Netanyahu,
garde un silence éloquent sur le sujet.
Rania
Adel