Barack Obama.
Le président élu a dessiné les contours de sa nouvelle
Administration. On y retrouve des Républicains de Bush, des
anciens de Clinton et des petits nouveaux. De quoi susciter
des doutes sur le changement promis au Proche-Orient.
Un patchwork ambigu
Il
a mené toute une campagne sous le slogan du changement.
C’est là d’ailleurs la base de sa victoire impressionnante
sur un McCain qui incarnait le passé plus que le futur. Et
voilà que le Barack Obama qui a promis aux électeurs de
changer le visage de l’Amérique joue l’équilibriste avec un
« Dream Team », qui n’est certes pas synonyme de changement.
L’Amérique continue à incarner l’image du gendarme du monde.
De la gauche à la droite, on ne cache pas sa déception, le
président qui prend les rênes de la Maison Blanche en
janvier aurait simplement et aussi rapidement bougé vers le
centre. « Je ne vois pas d’indice d’un changement dramatique
», affirme Doug Bandow, un ancien conseiller du président
Ronald Reagan. La surprise ou encore le choc vient d’abord
d’un changement qui finalement maintient en place toute
l’équipe de la « sécurité nationale », qui œuvrait sous le
président sortant George Bush, trois personnes en
particulier. Le premier est Robert Gates, qui conserve son
siège à la tête du Pentagone, David Petraeus, chef du
commandement central qui supervise les opérations en Iraq et
en Afghanistan, et l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major
interarmées.
Une équipe renforcée par deux autres figures de « guerre »,
l’ex-première dame Hillary Clinton et le général des Marines
à la retraite et ancien commandent de l’Otan, James Jones.
La première au poste influent et prestigieux de secrétaire
d’Etat et le second conseiller à la Sécurité nationale.
Autrement, la première a voté sans hésitation pour la guerre
contre l’Iraq, il y a un peu plus de six ans, et le second
l’a également cautionnée et commandé même le corps d’élite
des armées. « Pas un seul ne représente l’aile antiguerre du
Parti démocrate », écrit Robert Dreyfus, journaliste
américain et auteur du livre Devil’s Game (le jeu du
diable). D’après Bandow, M. Obama n’a pas fait preuve
d’assimilation que nous sommes entrés dans une phase où les
Etats-Unis ne peuvent plus endurer leur rôle militaire
mondial.
Approche nouvelle et expérience
On
dit que le futur président s’est inspiré d’Abraham Lincoln,
qui « avait donné des ministères importants à des rivaux
pour mieux les neutraliser ». Ses principaux collaborateurs,
eux, ont déjà travaillé dans l’Administration de Bill
Clinton. Un mélange de fermeté et de pragmatisme, selon les
analystes. Obama cherche à montrer qu’il privilégie
l’expérience et la compétence sur la nouveauté et évite
ainsi de tomber dans l’erreur de Carter ou de Clinton qui
s’étaient entourés de courtisans sans expériences, ou
d’idéologues, mettant dans l’impasse leur action. L’équipe
Obama veut en revanche combiner « une approche nouvelle avec
l’expérience ». Et le changement ? « Viendra de moi, c’est
mon boulot », a-t-il justifié. « J’ai choisi des hommes et
des femmes aguerris et aux avis tranchés, capables de donner
leurs positions, même si je serai responsable des politiques
qui seront définies », rappelle-t-il. Ce n’est pas tout à
fait faux, mais la critique la plus imminente provient du
fait qu’il n’a pas engagé des gens qui pouvaient offrir une
nouvelle perspective.
Une vision fraîche pour mettre en application le changement
préconisé par le nouveau M. Amérique, que ce soit en Iraq ou
dans les territoires palestiniens où la situation s’est
gravement détériorée sous Bush, et qui figurent parmi les
priorités d’Obama.
Des difficultés basiques
Le nouveau président américain élu a toujours soutenu dans
sa campagne que « les soldats américains doivent quitter
l’Iraq au profit de l’Afghanistan, une zone toujours
dangereuse ». Comment sous un secrétaire à la Défense et une
secrétaire d’Etat qui croient à ce que Bush a fait en Iraq ?
Personne ne sait. Hillary Clinton serait peut-être un peu
plus crédible lorsqu’il s’agit du Proche-Orient. Son mari,
ancien président américain, était sur le point de décrocher
un accord historique entre Palestiniens et Israéliens.
L’héritage de Bush n’est que lourd et Mme Clinton aura cette
lourde charge de convaincre les deux parties d’avancer vers
la paix et encore de fixer une date pour la création d’un
Etat palestinien. Obama semble ainsi avoir oublié ses
propres mots pour parler de sa rivale lors de la campagne
présidentielle estimant qu’il ne suffit pas de prendre le
thé avec les ambassadeurs pour s’y connaître en stratégie.
Dans tous les cas, une majorité de Palestiniens pensent que
l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis
n’aura aucun impact sur les chances d’un règlement du
conflit avec Israël. Selon un sondage de Jerusalem Media and
Communication Center, 57,5 % de Palestiniens estiment que
l’élection d’Obama « ne fera aucune différence » par rapport
à l’Administration sortante, contre 20,2 % qui se disent «
plus optimistes » et 17,7 % « plus pessimistes », le reste
étant indécis. Une écrasante majorité de Palestiniens (75,7
%) n’est en outre « pas du tout satisfaite » du rôle
américain dans le processus de paix.
En optant pour Robert Gates, Obama laisse entendre que sa
promesse de campagne de retirer les troupes américaines
d’Iraq dans les seize mois qui suivront son entrée en
fonction serait certainement tributaire de la situation sur
le terrain, qui lui sera soumise par ses chefs militaires.
Il suivrait leur avis, d’autant plus que les différences
sont minces entre Obama et Gates et qu’a été conclu l’accord
iraqo-américain prévoyant une présence militaire américaine
jusqu’au moins 2011. S’il souhaite également une diminution
des effectifs, Gates est pourtant contre un délai fixe pour
un retrait des 146 000 soldats américains présents en Iraq.
La divergence pourrait être plus évidente lorsqu’il est
question de l’Iran. Le secrétaire à la Défense rejette cette
approche de dialogue avec Téhéran comme le prône Obama. Son
nouveau chef d’Etat veut, lui, engager des négociations
fermes et pragmatiques avec ses ennemis. L’équipe Obama
devrait, d’après Aaron David Miller, un ex-conseiller de
plusieurs secrétaires d’Etat, abandonner l’idée du président
Bush de renverser les dictatures, mais conserver la notion
d’éventuelles actions militaires préventives pour défendre
les intérêts américains. Le nouveau gouvernement
privilégiera, selon lui, une approche « soft » en utilisant
l’économie, la diplomatie et la culture pour influencer le
reste du monde de la force militaire. Le New Team envoie
ainsi un message clair : les Etats-Unis entendent maintenir
leur suprématie militaire, avec un peu de diplomatie. C’est
ce que Lionel Beenher écrit sur The Huffington Post website
: « Excusez-moi la métaphore, mais Obama cherche à mettre du
rouge à lèvres pour le cochon qu’est la politique étrangère
américaine ».
Samar Al-Gamal (avec Agences)