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 Semaine du 10 au 16 décembre 2008, numéro 744

 

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Idées

Histoire de la Pensée. Au 950e anniversaire de la naissance d’Al-Cheikh Al-Ghazali, il demeure, par sa pensée, un pont entre philosophie, religions et cultures, qu’elles soient chrétiennes, islamiques ou judaïques, radicales ou modérées.

Al-Ghazali, philosophe à la mode ?

Dans un contexte où l’Iran est bien souvent associé à un extrémisme politique, religieux ou idéologique, l’anniversaire de la naissance d’Al-Ghazali vient nous rappeler la richesse intellectuelle et poétique de l’histoire persane. Né il y a 950 ans dans la province de Khorasan, Al-Ghazali — aussi appelé Algazel — est aujourd’hui enseigné dans les départements de philosophie des universités égyptiennes comme « le philosophe du compromis », de la modération.

Apprécié tout autant pour ses pensées religieuses que pour ses pensées philosophiques, Al-Ghazali fut le philosophe de la défense de la religion, s’attaquant aux traditions de pensées, venues de la Grèce antique. « Si Avicenne et Al-Farabi poursuivent très largement l’œuvre d’Aristote, il n’en va pas de même pour Al-Ghazali, qui a tenté de le contredire en faisant ressortir les incohérences issues de la philosophie grecque. Il a voulu tout de suite se détacher du passé grec pour élaborer une pensée dont la base primordiale était le Coran », avance Catarina Belo, professeur de philosophie islamique à l’Université américaine du Caire (AUC).

Refusant de s’accorder le titre de « philosophe », Algazel possède toutefois une place de choix dans le programme des études philosophiques. Mais si ces jours-ci, avec la montée du fanatisme, philosophie et religion ne font pas toujours bon ménage, le problème semble résolu dans la pensée d’Al-Ghazali, chez qui la philosophie est un lien entre les différentes religions. « Si certains parents peuvent être inquiets du fait que la philosophie puisse apporter un éloignement vis-à-vis de la religion, ce n’est pas le cas avec Al-Ghazali ». Ajoutant que la cause de cette préférence trouve sa source dans la pensée d’Al-Ghazali, pour qui « les préceptes philosophiques ne sont valables que s’ils n’entrent pas en contradiction avec les préceptes religieux », satisfaisant ainsi à la fois pratiques religieuses et préoccupations intellectuelles.

950 ans après sa naissance, ses textes et ses pensées n’ont pas pris une ride. A l’époque, élément important du débat entre les pensées grecques et arabes, il est aujourd’hui incontournable de celui qui oppose les différents mouvements de pensées islamiques. Ainsi Al-Ghazali appelle-t-il au djihad lorsqu’il écrit : « On est autorisé à tuer le dépravé qui résiste ». Et lorsqu’il ajoute : « Quiconque peut réprimer un acte répréhensible doit le faire par l’action, la parole, seul ou en groupe », incite-t-il à la répression par l’action ou bien seulement par la parole ? Ces citations, coupées de leur contexte original, se retrouvent dans L’Absolution des oulémas et des moudjahidinnes (éd. Milleli, 2008), dernier essai d’Aymane Al-Zawahri, théoricien d’Al-Qaëda. Comprises à travers le texte original (La Renaissance des sciences religieuses), ces citations prennent un tout autre sens : ces principes ne peuvent alors être mis en place qu’à travers un enseignement rigoureux et complet, destiné à « enjoindre au bien et interdire le mal », ainsi que le précise le philosophe, désirant ainsi d’éloigner toute interprétation erronée. Or, Al-Zawahri possède-t-il cet enseignement ? Possède-t-il ce désir d’interdire le mal ? Celui qui a lu L’Absolution est en droit d’en douter.

Malgré son utilisation par certains groupes radicaux, Al-Ghazali est cependant perçu comme une alternative puissante face à l’« islam radical » d’Al-Zawahri. Lui qui, au XIe siècle, concilia soufisme et sunnisme dans sa vie, comme dans sa pensée, pourra-t-il aujourd’hui concilier les différents mouvements de l’islam et trouver un terrain d’entente ?

Rejetant l’idée que le monde puisse être éternel, Al-Ghazali fut rapidement traduit en hébreu et en latin, influençant fortement penseurs juifs et chrétiens. Véritable pont entre les religions, son apprentissage est aujourd’hui proposé dans un grand nombre d’universités occidentales, demeurant un passage obligé des étudiants de philosophie islamique, et ce, en Europe comme aux Etats-Unis. « Dans ces pays, après le 11 septembre, les étudiants ont eu envie de comprendre. La plupart des universités ont enregistré des demandes croissantes d’inscription en histoire et politique du monde arabe, mais aussi en littérature et philosophie islamique », et dans ce dernier domaine, Al-Ghazali constitue une véritable clé à toute tentative de compréhension, précise Docteur Belo. Al-Ghazali philosophe à la mode ? Capable de séduire penseurs musulmans, juifs et chrétiens, capable d’influencer « modérés » et « radicaux », d’allier religion et philosophie, sunnisme et soufisme, tour à tour ermite et professeur respecté, Al-Ghazali ne cesse de fasciner et d’intriguer un nombre sans cesse croissant d’étudiants, d’intellectuels et de professeurs. Par cette capacité à traverser les siècles, Al-Ghazali demeure peut-être plus un penseur indémodable qu’un philosophe à la mode.

Alban De Menonville

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