Rapport.
Le Programme des Nations-Unies pour le développement
souligne la nécessité d’établir un nouveau « contrat social
» entre l’Etat et les citoyens en Egypte, pour permettre à
la société civile plus de participation.
La part belle aux ONG
Le
Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) a
annoncé la sortie de son dernier rapport sur le
développement humain en Egypte, lors d’une conférence de
presse la semaine dernière. « Le contrat social en Egypte :
le rôle de la société civile ». Sous ce titre, plus de 300
pages ont été rédigées par des chercheurs égyptiens, sous
l’égide du PNUD et du ministère du Développement local.
Le rapport examine les problèmes des quelque 20 000
organisations de la société civile en Egypte, et propose des
démarches pratiques pour optimiser leur rôle dans le
processus de réforme. Ainsi, l’amélioration du cadre légal
et administratif au sein duquel opèrent ces organisations
devient indispensable.
« La société civile doit constituer le domaine légitime de
l’engagement des citoyens dans la transition démocratique.
(...) Sans abandonner son rôle de fournisseur de services et
de biens publics, l’Etat doit alléger son monopole pour
libérer un espace pour la société civile, notamment dans les
domaines de la santé et de l’enseignement pour les moins
riches », souligne le rapport. Mais si les ONG peuvent
compléter les efforts du gouvernement pour le développement
en incitant la participation communautaire dans la
planification, la réalisation et le contrôle des projets, or
aujourd’hui, « les canaux de communication entre le
gouvernement et les ONG demeurent restreints ».
Le rapport part du constat que la réforme des politiques
sociales est « en décalage » par rapport à la libéralisation
de l’économie, et prône notamment une réforme de la loi
84/2002 sur les ONG. Les procédures bureaucratiques
compliquées pour l’obtention d’une accréditation, le
contrôle étouffant de leurs activités quotidiennes, le
pouvoir du gouvernement de confisquer leurs fonds, de les
dissoudre, de contrôler les détails de leur budget et de
limiter leur accès aux informations sont décriés comme des
handicaps à la liberté des ONG, une liberté jugée comme « un
élément-clé pour la prospérité des organisations de la
société civile ».
Le rapport continue sa critique en ces termes : «
Contrairement à la loi et à la Constitution, la sécurité de
l’Etat joue un rôle important dans le contrôle des
organisations de la société civile », tout en soulignant une
disparité entre « l’intérêt » que porte le gouvernement aux
ONG concernées par l’octroi de services, comme la santé et
l’éducation, et sa « méfiance » à l’égard de celles qui font
du militantisme en faveur d’une réforme démocratique.
Bref, « si l’Egypte tient à réaliser l’objectif du
développement national, son défi sera de consolider le rôle
de la société civile, notamment dans la lutte contre la
pauvreté », conclut le rapport.
« Des réunions seront périodiquement tenues avec les
responsables exécutifs et les dirigeants populaires dans les
divers gouvernorats, pour leur expliquer les moyens de tirer
profit de ce genre de rapports », a déclaré le ministre du
Développement local, Abdel-Salam Al-Mahgoub.
Mais tirer profit d’un tel rapport ne veut pas
nécessairement dire un engagement de la part du
gouvernement, surtout en ce qui concerne la démocratisation
des lois gérant les activités des ONG. « Si les
recommandations du Conseil national des droits de l’homme
qui est un organisme officiel ne sont pas tenues en compte
par le gouvernement, on peut imaginer donc qu’est ce qu’il
adviendra de celles du PNUD », commente Samer Soliman,
co-auteur du rapport.
« Après la montée des Frères musulmans aux législatives de
2005, le PND qui était très favorable à la réforme
démocratique a eu peur de perdre le contrôle », estime de
son côté la rédactrice en chef du rapport, l’économiste Heba
Handoussa. Toutefois, elle estime que le non engagement du
gouvernement sur des sujets comme la démocratisation et la
décentralisation ne l’empêche pas de profiter des rapports
du PNUD dans la définition de ses plans de développement et
dans l’établissement de ses priorités. « Les rédacteurs de
ce rapport ont quitté la tour d’ivoire des académiciens, ils
se sont approchés des responsables et de leurs problèmes
afin de leur apporter des options dans les limites de leurs
moyens, cette méthode a brillamment réussi »,
souligne-t-elle.
Le rapport du PND en 2005 a compté un nombre de propositions
que le gouvernement a adoptées par la suite, comme le
système global d’assurance médicale, l’extension de
l’enseignement pré-scolaire pour les enfants de 4 à 6 ans
... « L’essentiel c’est de faire des propositions faisables
», conclut-elle.
Chérif Albert