Al-Ahram Hebdo, Enquête | Dans la spirale de la violence
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 19 au 25 novembre 2008, numéro 741

 

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Enquête

Sinaï. La tension entre bédouins et policiers est montée d’un cran après des affrontements qui se sont soldés par quatre morts et une prise d’otages de policiers, la semaine dernière. Reportage. 

Dans la spirale de la violence

Village de Nagaa Chabana, au sud de la ville de Rafah. Des habitations modestes de bédouins, parsemées de quelques maisons plus « luxueuses ». Seuls quelques enfants jouent dans les rues désertes du village. Conscients par intuition de la raison de l’arrivée des étrangers, ils pointent du doigt l’endroit où les hommes du village sont rassemblés en sit-in. En l’espace de quelques jours, la situation s’est sérieusement dégradée à la suite de la mort d’un villageois sous les balles des policiers. Les seuls véhicules qui circulent n’ont pas de plaques minéralogiques, ils transportent des bédouins. Un septuagénaire, appelé Salmane Abou-Sweilam, a accepté de parler. « A la tombée de la nuit du lundi 10 novembre, deux des habitants du village étaient dans leur camion dans une région appelée Bagdag au centre du Sinaï, lorsqu’ils furent surpris par un poste sécuritaire mobile. En essayant de l’éviter, une rafale de balles s’est abattue sur leur voiture qui a pris feu. L’un d’eux, Saïd Ouda Solimane, a succombé à ses blessures, alors que l’autre appelé Solimane Mohamad Eid fut grièvement blessé », raconte Abou-Sweilam. Selon lui, il ne s’agit pas d’un accident, « ces deux personnes étaient visées ». Un autre témoin appelé Saleh Sweilam dit avoir transporté le cadavre de Solimane. Il affirme de son côté que la victime a été touchée d’une balle mortelle dans le dos, alors que son compagnon a été blessé à la mâchoire et se trouve actuellement à l’hôpital Al-Arich.

D’après l’histoire que se racontent les habitants, des hommes mécontents appartenant à la même tribu de la victime (Al-Tarabine) se sont dirigés vers la frontière à bord d’une quarantaine de véhicules pour y organiser un sit-in. Au moment où ils commençaient à brûler des pneus de voitures, une patrouille sécuritaire a pointé à l’horizon. Ils ont tendu une embûche et mis à feu le véhicule policier. Déjà aux premières heures de la journée, des centaines de bédouins sont venus manifester leur solidarité avec les Tarabine. Ils ont assiégé le commissariat de police de Rafah, où étaient détenus le colonel Mohamad Chaarawi, le dirigeant de la sécurité centrale au Sinaï, avec 25 policiers. Parallèlement, d’autres bédouins ont organisé une marche de protestation tout au long de la ligne frontalière et ont mis à feu un nombre de commissariats de police sur leur chemin.

A l’approche du commissariat de Wadi Al-Azarek, ils ont été pris de court par les policiers, qui sont passés à l’offensive. Un officier de police a « délibérément » tué trois bédouins « sans échange de tirs » et ordonné à ses soldats de les enterrer sous les amas d’ordures à proximité du commissariat, racontent les parents des victimes.

La colère a atteint son paroxysme et les bédouins ont kidnappé un officier et une cinquantaine de soldats près de la borne frontalière numéro 19. Bien que leur libération « immédiate » ait été annoncée, une source officielle a affirmé qu’ils avaient été détenus pendant plus de 24h et que beaucoup d’entre eux avaient perdu leurs armes. Les bédouins, de leur côté, disent que 12 de leurs compatriotes sont portés disparus alors que 37 autres sont en détention. Dans cet imbroglio, un officier et 4 autres soldats furent atteints de balles.

Le dispositif sécuritaire a ensuite été sensiblement renforcé dans toute la zone. Entre-temps, de hauts responsables sécuritaires et politiques ont rendu visite aux bédouins hospitalisés suite aux affrontements et présenté leurs condoléances aux familles des victimes. Les officiels leur ont promis de mener une enquête juste et de sanctionner toute personne fautive quelle qu’elle soit. Parallèlement, le quartier général de la police du Nord-Sinaï a été témoin d’une rencontre élargie entre des responsables du gouvernorat et les « sages » des grandes familles et tribus, qui se sont dirigés avec les députés du Conseil consultatif et de l’Assemblée du peuple vers les frontières et ont réussi à calmer la situation. Nachaat Al-Qassass, député à l’Assemblée du peuple, a déclaré que les négociations effectuées avec les familles des victimes avaient aidé à calmer la situation.

 

Atteinte à l’honneur

Deux incidents identiques en avril 2007 et en octobre 2007, quand des bédouins s’étaient fait tirer dessus en traversant des barrages sécuritaires, ont aussi mené à des soulèvements. Mais la méfiance et la tension entre les bédouins et les policiers remontent surtout à la série d’attentats meurtriers qui ont visé les stations balnéaires de Taba, de Dahab et de Charm Al-Cheikh entre 2004 et 2006, et les arrestations arbitraires qui s’en sont suivies. Selon Atef Haggag, président du Conseil municipal de Rafah, les forces de sécurité ont commencé à traiter la question de manière un peu improvisée en arrêtant beaucoup d’innocents dont des femmes. « C’est une atteinte à l’honneur des bédouins qui ont commencé à considérer les forces de sécurité comme leurs ennemis », dit Haggag.

Un responsable de la sécurité assure, pour sa part, que les relations avec les bédouins ne sont pas chose facile car ceux-ci ne reconnaissent pas l’autorité de la loi et préfèrent leur propre loi coutumière. Malgré les tentatives des services de sécurité de jouer le jeu des bédouins en s’en remettant à la loi coutumière, notamment dans les litiges et frictions d’importance mineure, ils refusent que ce compromis soit exploité outre mesure par certains bédouins. « Tout comportement caractérisé par la violence est refusé, il y a une loi qui doit être respectée mais les bédouins ont du mal à la respecter ».

Hossam Chahine, député de la ville de Arich à l’Assemblée du peuple, estime que le gouvernement a tort de mettre tous les bédouins dans le même panier. « Ils ne sont pas tous terroristes et le fait de recourir à la généralisation leur nuit beaucoup. Les bédouins du Sud-Sinaï s’inquiètent beaucoup parce que les chaînes satellites, l’opinion publique et certains responsables ont tendance à leur attribuer des accusations avant même que les investigations ne commencent ».

Beaucoup s’accordent à reconnaître le malaise des bédouins qui se sentent exclus du processus de développement qui se poursuit dans la péninsule. Le gouverneur du Nord-Sinaï, Mohamad Choucha, ne le nie pas. « Les bédouins ressentent qu’ils ne figurent pas sur la carte de l’Egypte. C’est pour cela que je suis en train d’élaborer une stratégie visant à mettre définitivement fin à leurs problèmes », assure le gouverneur. Cette stratégie inclut la construction d’habitations et le développement des services médicaux et de l’enseignement, ainsi que la création d’offres d’emplois dans les domaines touristiques et industriels, explique-t-il.

Ahmad Sélim

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