Bonaparte à l’IMA
Mohamed Salmawy
L’Institut
du Monde Arabe (IMA) à Paris inaugure la semaine prochaine
une importante exposition avec pour thème l’Expédition de
Napoléon Bonaparte en Egypte. J’ai eu l’honneur de faire
partie du comité chargé d’esquisser la conception propre à
l’exposition.
Le président de l’IMA, Dominique Baudis, a beaucoup tenu à
ce que ce comité soit conjoint entre l’Egypte et la France
pour refléter les points de vue des deux pays respectifs.
Un grand nombre de pièces qui seront exposées proviennent de
divers musées mondiaux et non pas uniquement d’Egypte et de
France. De quoi prévoir l’immensité de l’exposition et son
caractère exhaustif renfermant un nombre non négligeable de
pièces diverses.
La difficulté dans ce genre d’expositions ne réside pas dans
la quantité de pièces exposées et de leur diversité, mais
elle réside surtout dans l’idée maîtresse derrière la tenue
de l’exposition. Celle-ci reflétera-t-elle le côté lumineux
de l’expédition qui a entraîné en Egypte les savants
français qui ont dévoilé les secrets et déchiffré les
mystères de l’ancienne civilisation égyptienne ? Ceux-là
mêmes qui ont étudié minutieusement la réalité vécue du pays
et qui sont derrière la sortie de la première référence
scientifique illustrée sur l’Egypte à l’époque, intitulée «
La Description de l’Egypte ». Ces savants ont été également
les premiers à introduire l’imprimerie et donc les journaux
et les livres en Egypte. Ils ont contribué à repêcher le
pays des ténèbres du Moyen-Age pour l’entraîner dans
l’époque de la renaissance et des lumières que les
historiens considèrent comme le début de l’histoire moderne
de l’Egypte.
Ce
volet de l’exposition peut être l’inspirateur de plusieurs
expositions et non pas uniquement une seule. Cependant, côte
à côte avec le côté lumineux, il y avait également le côté
obscur. Malgré les multiples côtés positifs de l’Expédition
française sur l’Egypte et la renaissance qu’elle a
introduite et pour laquelle nous étions assoiffés, elle
reste toujours perçue par les historiens comme une
expédition militaire qui représentait une invasion étrangère
ayant pour objectif de contrôler le pays et d’étendre
l’influence française sur cette région du monde.
Parce que l’Expédition de Bonaparte était une invasion
militaire, le peuple égyptien s’y est opposé et a sacrifié à
cet égard un grand nombre de ses fils. Et comme l’expédition
a amené les savants et l’imprimerie, elle a aussi coûté la
vie à tous ceux qui lui ont fait face défendant la liberté
de leur pays et son indépendance. Le résultat de cette
résistance nationale courageuse et vaillante a été que
Bonaparte est rentré à son pays d’origine après moins de
trois ans.
En réalité, M. Baudis, qui était l’initiateur de l’idée de
cette exposition qu’il avait proposée dès qu’il s’est trouvé
à la tête de l’IMA, était l’un des membres du côté français
ayant reconnu le plus l’aspect militaire obscur de
l’expédition. Il avait d’ailleurs encouragé le comité sur la
nécessaire illustration des deux aspects. Il avait dit que
l’objectif de l’exposition ne doit pas se limiter à défendre
l’Expédition de Bonaparte, mais qu’il fallait mettre en
lumière ses différents aspects positifs et négatifs.
Les préparatifs pour la tenue de cette manifestation ont
duré environ deux ans au cours desquels des réunions
diverses ont eu lieu en France comme en Egypte. Le ministère
de la Culture y a participé avec ses diverses pièces de
musée remontant à cette période historique importante.
L’exposition renferme également une collection qui est
parvenue des autres musées du monde entier. C’est cette
diversité et ce regard exhaustif qui comprend les deux
visions française et égyptienne qui donneront à l’exposition
sa version finale et qui feront d’elle l’une des plus
importantes, ne serait-ce la plus importante ayant débattu
ce thème. N’oublions pas que le traitement des deux aspects
constructif et négatif de l’expédition est ce qui a conféré
son cachet particulier à cette exposition.
Ensuite, il ne reste plus que le nom qu’on donnera à cette
exposition hors pair et première en son genre. A cet égard,
j’ai fait plusieurs propositions tout au long des deux
dernières années sans pour autant nous mettre d’accord sur
un intitulé. Nous l’appelions alors « Bonaparte et l’Egypte
», jusqu’à ce qu’il y ait consensus sur un titre donné qui
est supposé non seulement être attirant, mais également être
l’incarnation de l’idée maîtresse de l’exposition. En fin de
compte, le président de l’IMA m’a demandé de présenter une
suggestion. J’ai alors rétorqué « Bonaparte et l’Egypte :
feu et lumières ». C’est à ce moment-là que les responsables
de l’exposition furent aussitôt enthousiasmés et ils se
mirent d’accord sur cette appellation. Et au président de
l’IMA de commenter : je savais bien que ce sont les
écrivains qui allaient trancher la question.