Elections Américaines.
Le jour J approche avec toutes sortes de spéculations sur
l’intérêt que représente l’un ou l’autre des concurrents
pour le monde arabe. L’espoir reste cependant placé dans une
victoire du candidat démocrate.
Les Arabes votent Obama
On
est sur la dernière ligne droite. Barack Obama et John
McCain se lancent avec cet objectif d’habiter la Maison
Blanche. Les présidentielles américaines ont toujours été
les plus suivies et les plus sensationnelles. Faut-il
oublier que l’Amérique est le pays du sensationnel dont les
péripéties ressemblent bien aux productions hollywoodiennes
? Un aspect important, somme toute, et surtout à l’heure des
chaînes satellites et au moment où le monde est un village
planétaire. Mais évidemment, l’essentiel est le suivant ;
les Etats-Unis ce sont la superpuissance qui se présente
comme une « impératrice mundi ». Peut-on donc ignorer les
élections ? Sans doute pas et surtout dans la région du
Moyen-Orient. Celle-ci est en ébullition et l’Amérique y est
impliquée, voire elle serait à l’origine de nombreux de ses
troubles. Guerres en Iraq et en Afghanistan, nucléaire
iranien, économie exsangue ... Le président américain George
W. Bush laisse à son successeur un héritage compliqué.
Que ce soit le Républicain John McCain ou le Démocrate
Barack Obama, il prendra les rênes d’une superpuissance
affaiblie, confrontée à de sérieux doutes quant à ses
forces, et dont l’influence est remise en cause à travers le
monde, y compris par ses plus proches alliés.
Le
leadership moral et la compétence des Etats-Unis à prendre
les bonnes décisions continueront à être des sujets
d’interrogations, à l’intérieur des frontières américaines
comme à l’étranger. Et dans notre monde arabe, faut-il
s’attendre à des changements avec la présidence de l’un des
deux ?
Il est généralement admis soit du côté des analystes
politiques que celui de l’opinion qu’il vaut mieux Obama que
McCain. Une question de langage au départ, McCain parle avec
violence et parfois mépris du monde arabe, des Palestiniens
et de l’Iran (lire page 5) et ne propose aucune solution
réaliste concernant l’Iraq et la Palestine. Ses déclarations
à cet égard sont plus que révélatrices. A propos du Hamas,
le sénateur McCain qui s’est rendu fréquemment en Israël,
s’est déclaré opposé à des discussions avec ce mouvement. Si
cela n’est pas exceptionnel en Amérique, c’est la manière
dont la chose est formulée qui suscite la colère des Arabes.
« Quelqu’un va devoir me donner une réponse à la question de
savoir comment on peut négocier avec une organisation qui
s’est fixée comme objectif de vous (Israël) éliminer (...).
Si le Hamas et le Hezbollah libanais devaient réussir ici,
ils l’emporteraient partout ailleurs. Non seulement au
Moyen-Orient mais partout. (...) Ils aspirent à détruire
tout ce en quoi croient et tout ce que défendent les
Etat-Unis, Israël et l’Occident ».
De plus, McCain est bien un Républicain qui se situe dans
l’itinéraire de Bush, ce qui fait que du côté du monde
arabe, on ne peut guère avoir confiance en lui. Bush qui
était le premier président américain à avoir appelé de ses
vœux à la création d’un Etat palestinien, n’y est pas
parvenu avant la fin de son mandat, suite à des
tergiversations israéliennes dont il a été complice, du
moins au sujet desquelles il n’a pas réagi énergiquement.
L’héritage de Bush, c’est aussi la guerre contre le
terrorisme, lancée après les attentats du 11 septembre, dont
l’un des symboles, la prison ultra-controversée de
Guantanamo, échoue au futur président. Tout ceci soulève les
appréhensions au cas d’un succès de McCain. Selon Gamal
Abdel-Gawad, chercheur au Centre d’Etudes Politiques et
Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « le programme de McCain est
vague. Pour l’Iraq, il discute de l’affaire dans le contexte
du danger que représente un retrait américain rapide et son
impact négatif sur les deux parties américaine et iraqienne.
Là, il y a une différence importante avec Obama qui a
débattu de cette question et de celle palestinienne de
manière plus claire et les a considérées comme une priorité
dans son programme. De toute façon, un changement va avoir
lieu, mais sa proportion se déterminera selon le vainqueur
».
D’autres spécialistes égyptiens vont dans le sens où il y
aurait un changement plus réel en cas de victoire d’Obama.
Pour Abdel-Azim Hamad, politologue, « les promesses d’Obama
sont plus claires et vont dans trois directions. Il a promis
de retirer les forces américaines de l’Iraq, d’appeler à un
dialogue avec l’Iran et le plus important, c’est qu’il a
fermement assuré que le règlement de la cause palestinienne
réalisera un intérêt national américain et constituera une
garantie pour la sécurité d’Israël ».
D’autres spécialistes, y compris américains, estiment que de
toute façon, il ne faut pas se fier aux promesses
électorales.
Le principal objectif d’un candidat est de gagner, il est
vrai, mais il lui est difficile d’aller jusqu’à mentir ou de
faire juste de la propagande, puisqu’il devra rendre compte
du contenu du programme qu’il présente, relève Abdel-Gawad.
Il
y a évidemment des intérêts politiques américains permanents
mais qui ont de nombreuses dimensions. « Les intérêts
diffèrent d’un pays à l’autre. Il y aura certainement un
changement, mais on ne pourra le généraliser à toutes les
régions et à tous les Etats, quel que soit le vainqueur »,
estime Ahmad Sabet, professeur de sciences po à l’Université
du Caire. Pour lui, l’influence sera très claire en ce qui
concerne l’Iraq s’agissant tant d’un retrait total que d’un
retrait partiel. « L’accent sera mis sur la présence
américaine qui s’est soldée par de grosses pertes ». Autre
facteur qui reste lié à la région moyen-orientale bien qu’il
s’agisse d’un territoire éloigné, l’Afghanistan. Faut-il
oublier que l’invasion américaine de l’Afghanistan a été la
première étape d’une guerre dite contre le terrorisme et qui
a culminé dans la campagne contre l’Iraq ? Pour Sabet, «
l’Afghanistan témoignera de la nature du changement. Les
forces américaines feront partie de celles de l’Otan et leur
rôle se réduira aux opérations de survol et d’intelligence,
sans s’impliquer dans les opérations militaires ».
Il reste évidemment que pour les Arabes, la question
principale est celle de la Palestine. Un nœud focal dont le
règlement passe obligatoirement par Washington qui n’arrive
guère à se libérer d’une influence israélienne. De plus,
jusqu’à présent, Israël est une tête de pont de l’Amérique
dans cette région. « Pour chaque candidat, cette question
n’est guère tentante. La complexité de la donne comporte les
négociations en panne, les différends internes entre le
Fatah et le Hamas, et la situation économique lamentable des
Palestiniens, en plus de la faiblesse du rôle arabe »,
ajoute Sabet. Ainsi, il est peu probable qu’un McCain ou un
Obama apporte du nouveau sur ce plan. Le Moyen-Orient
constitue un vrai casse-tête et une préoccupation
stratégique avec des enjeux de toutes sortes. Blanc bonnet,
bonnet blanc donc ? Sans doute pas pour une grande partie de
la classe politique égyptienne, Obama vaut bien mieux que
McCain.
Ahmed
Loutfi
Chaimaa Abdel-Hami