Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Je suis belle mais prude
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 1er au 7 août 2007, numéro 673

 

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Nulle part ailleurs

Miss Arab World . Elégance et pudeur, c’est la devise de ce concours organisé pour la deuxième fois en Egypte pour élire la « jeune fille idéale », avec cette fois-ci une nouveauté : les voilées peuvent y participer. De quoi créer une ambiance très spéciale.

Je suis belle mais prude

Une agitation inhabituelle règne à l’hôtel Cataract, près des Pyramides de Guiza. Dans la discothèque, des jeunes filles vont et viennent, chacune avec son dialecte arabe, son style et ses couleurs de vêtements. Voilées ou non, c’est un festival de mode, de beauté et surtout de personnalité. Toutes attendent le chorégraphe qui réglera leurs déplacements sur scène. Ce n’est qu’une des étapes du concours de Miss Arab World 2007. Un concours organisé pour la deuxième fois en Egypte et qui, pour la première fois, accepte la participation des voilées. Dix-sept jeunes filles des quatre coins du monde arabe concurrencent pour ce prix. Dès le début du cours, une discussion très houleuse éclate. Wafaa, diplômée de la faculté de droit bahreïnie, et qui a remporté le prix du concours, critique la démarche que le chorégraphe leur a apprise la veille et refuse de se prêter de nouveau à l’exercice. Un refus suivi d’une vague de protestations de plusieurs filles voilées et non voilées qui n’acceptent pas de mettre leurs corps en avant. « Je ne suis pas venue ici pour aguicher, on m’a dit que c’était plutôt un concours culturel de la jeune fille arabe parfaite », dit Ghizlane, Marocaine qui se soucie de son image auprès des téléspectateurs de la chaîne Iqraa où elle est présentatrice. Elle pense que la beauté physique est le dernier critère de la fille parfaite. En fait, tout dépend de ce que l’on entend par fille parfaite. Abir, Miss Liban 2006, voit les choses autrement. « Tu te trompes, la définition d’une fille parfaite comprend aussi, a priori, la beauté physique ».

Un désaccord qui s’est développé jusqu’à mettre fin au cours, puisque le chorégraphe a claqué la porte. Une décision qui a été approuvée par Hanane Nasr, la responsable du concours, qui l’a aussitôt remplacé, jugeant qu’il n’avait pas bien compris le concept du concours dont les mots-clefs sont élégance et pudeur. Deux mots que chacune des filles, en fonction de sa culture et de son éducation, incarne à sa manière. Des divergences évidentes vu la diversité des traditions, des cultures et des façons de pensée de tout un monde arabe.

Ghada, 17 ans, Saoudienne, vêtue d’un pantacourt et d’un débardeur, explique qu’elle a participé à ce concours après avoir eu la confirmation qu’il ne s’agissait pas de se dénuder. « Je ne vendrai pas mon corps ».

Issue d’une famille conservatrice, elle a dû déployer de grands efforts pour convaincre son père de la laisser participer à ce concours. Son argument principal est que la compétition ne s’articule pas sur la beauté physique, mais prend en compte la personnalité et l’éducation. « Je voulais être la première à représenter une fille saoudienne cultivée et moderne. Je rêve de participer à l’émancipation de la femme saoudienne qui doit un jour avoir la possibilité de monter sa propre affaire, de conduire son véhicule, sans toujours dépendre des hommes », explique Ghada, étudiante en gestion (business), qui espère présenter un film sur la cause de la femme saoudienne. Selon elle, la fille idéale est celle qui est bien éduquée et qui fait preuve d’un comportement exemplaire. « Et peu importe sa beauté ».

Autre pays, autre culture. Abir, la Libanaise, n’a aucun problème à faire du modeling. Confiante en elle-même, elle pense que la fille idéale est belle, élégante et bien éduquée. Elle trouve même que c’est paradoxal que des voilées participent à un concours de beauté. « Le voile consiste à cacher la beauté, tandis que dans un concours de beauté, il faut l’exhiber », dit-t-elle. Cependant, elle pense que c’est une occasion pour les voilées de sortir de chez elles et de communiquer avec d’autres cultures et d’échanger différentes expériences. Une opportunité qui a fait que Fatma la Koweïtienne, Wafaa la Bahreïnie, et Ghizlane la Marocaine, trois voilées, ont participé pour présenter le visage de leurs pays. Fatma, sociable et très active, avec des tenues de couleurs vives, jaune et vert phosphorescents, explique qu’il n’y a pas de contradiction entre son voile et sa participation à un concours de la fille arabe parfaite. « La femme voilée peut se lancer dans tous les domaines. Je voulais présenter la femme koweïtienne, ses habits traditionnels, tout en préservant nos traditions et nos coutumes », dit Fatma qui veut profiter du concours pour faire des actes de bénévolat dans les pays qui souffrent de la guerre ou de la famine.

Hanane, la responsable, qui essaye toujours d’éclaircir le concept du concours qu’elle a lancé depuis deux ans et de rapprocher les points de vue, explique qu’elle a ouvert la porte aux voilées, car il y a des pays arabes où les filles ne peuvent pas participer aux événements publics sans voile, même si elles ne le portent pas dans leur quotidien. « Sinon, ces filles n’auraient jamais pu s’y inscrire », dit-elle, en ajoutant que vu que le concours est dans sa deuxième année d’expérience, l’idée n’est toujours pas bien assimilée.

 

De l’art des contradictions

Or, le fait que la devise du concours est pudeur et élégance rend ses coulisses différentes. Abir, habituée à l’ambiance des concours de beauté, doit faire preuve de réserve. « Je ne peux pas me mettre en maillot pour nager à la piscine ou danser librement en discothèque ».

Cependant, il semble que la question n’est pas tant d’être voilée ou non voilée, mais dépend plutôt d’une culture et d’une manière de pensée.

Une divergence qui s’est concrétisée lors de l’essayage des robes de soirée confectionnées par le styliste égyptien Mohamad Dagher, qui a tenu à concevoir un modèle unique en forme de sirène long et couvrant, mais près du corps. Des robes en satin, très en vogue. Seules différences : les couleurs et les accessoires. Rima, présentatrice libyenne bien connue, puisqu’elle a gagné le prix de la meilleure journaliste pour l’année 2006 en Libye, s’est montrée réservée sur la robe. Même si elle n’est pas voilée, Rima et sa mère, qui a l’habitude de l’accompagner lors de ses déplacements à l’étranger, ont jugé le modèle trop moulant et ne convenant pas à leurs coutumes. « Je suis une journaliste et pas un modèle de publicité. D’habitude, je ne porte pas de vêtements moulants ni même des jeans. Je ne veux pas décevoir mes téléspectateurs qui me respectent pour ma culture, mais aussi pour ma façon de m’habiller, conformément à nos traditions », explique Rima qui pense qu’après plusieurs années d’expérience en tant que femme de culture, elle n’a plus besoin de s’appuyer sur le côté esthétique.

De son côté, Khadiga, Miss Tunisie 2007, essaye la robe en toute simplicité sans y trouver aucun inconvénient, sous le regard de Aïda Réda, présidente de l’association : excellence, créativité et qualité, qui s’occupe de former des Miss au Maghreb. Elle pense qu’une fille parfaite doit avoir la joie de vivre, l’amour de l’autre et aussi la beauté. Lier beauté et pudeur est indispensable pour elle. « Une jeune fille qui se respecte et a confiance en elle est forcément respectée des autres », dit-elle. Pour trancher l’affaire, Hanane a demandé de rajouter des boléros ou des abayas (sorte de longue tunique) pour certaines filles.

 

La culture pour sauver la mise

Des compromis et des arrangements qui se font d’un jour à l’autre de la part de la responsable Hanane pour éclaircir le concept du concours et pour créer plus d’harmonie entre les filles. Un éclaircissement nécessaire pour certaines filles, tiraillées entre beauté et culture. Hanane cherche justement à réunir les deux. Pour preuve : des cours d’histoire le matin et des cours de maquillage et de beauté le soir.

Cette introduction d’activités culturelles dans le programme a calmé les esprits de beaucoup de filles. Elles ont eu beaucoup d’échanges avec Bassam Al-Chammaa, professeur d’histoire de l’Egypte et aussi membre du jury, qui leur a dispensé des cours sur la beauté et la femme dans l’Egypte pharaonique. Néfertiti a été citée comme exemple pour ces filles, puisqu’elle est à la fois symbole de beauté et d’implication de la vie politique.

Des cours qui ont élargi le champ de discussion entre les différentes filles aux cultures diverses. Cela leur a permis de surmonter leurs divergences et leurs préjugés. Somaya, étudiante en architecture et représentante du Soudan dans le concours, sportive et dynamique, se dit satisfaite d’avoir pu combattre les préjugés sur le peuple soudanais. « J’étais étonnée d’apprendre que nous sommes jugés paresseux, peu soucieux de notre hygiène et que nous vivons au milieu du bétail, alors que ce n’est évidemment pas vrai. Moi, à titre d’exemple, j’exerce plusieurs activités sportives et je me lave plusieurs fois par jour dans ma maison ! », explique-t-elle.

Chaïmaa, la concurrente égyptienne et la plus jeune arbitre de football d’Egypte et du Moyen-Orient, joue en fait un rôle de médiatrice entre les différents points de vue. Elle se sent porte-parole de la paix entre les différentes cultures et mentalités arabes. « Je me sens la responsabilité du pays accueillant ».

Quelques jours ont passé et l’idée de la fille parfaite a commencé à se propager dans la communauté des filles. Brune et attirante, Khouloud, top- model au Yémen, explique qu’au début, elle était sûre de remporter le prix grâce à sa beauté. « Maintenant et après avoir passé plusieurs jours avec des filles beaucoup plus cultivées que moi, j’ai réalisé que le concours ne dépendait pas uniquement du physique ». Une expérience qui, selon elle, influencera son mode de vie. « J’ai compris que la beauté n’est pas une fin en soi et que je dois chercher à me cultiver davantage », confie-t-elle.

Si Khouloud a bien compris la leçon, beaucoup d’autres n’ont pas encore fait l’équation entre beauté, culture et pudeur. Il semble qu’il reste beaucoup à faire pour que la mentalité de la Miss dans le monde arabe fasse son chemin. « Il faut que la Miss soit une idole pour les petites filles. Un modèle d’harmonie, de beauté et de bonne éducation. La réussite est dans cet équilibre », conclut Aïda Réda .

Doaa Khalifa
Isis Fahmi

 




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