Archéologie. Des fouilles
dans le Sinaï confirment plusieurs des récits pharaoniques, mais pas l’exode
des Hébreux.
Un exode qui ne serait qu’un mythe
Sur le
site d’une forteresse antique, au nord du Sinaï, des archéologues du Conseil
Suprême des Antiquités (CSA) ont annoncé avoir trouvé quelques pierres ponces,
témoignages de la terrible catastrophe et du premier tsunami connu de
l’histoire. Des roches volcaniques projetées dans le Sinaï lors de l’éruption,
il y a 3 500 ans, du volcan cycladique de Théra, confirment des récits
pharaoniques.
Le
cataclysme de Théra, l’actuelle Santorini, en mer Egée, a en effet été présenté
à travers d’innombrables écrits comme ayant précédé ou provoqué les dix plaies
d’Egypte ou encore expliqué un châtiment réservé à des lévites révoltés contre
Moïse. « Cette découverte n’est pas pour autant une preuve de l’exode,
l’archéologie ne le confirme pas, et il relève d’un mythe », affirme Zahi
Hawas, le secrétaire général du CSA. C’est vers 1500 av. J.-C. que l’explosion
du volcan s’est produite, entraînant le déclin de la civilisation minoenne, en
Crète. Un immense raz-de-marée aurait provoqué la mort de 35 000 personnes sur
le littoral sud de la Méditerranée et réduit en cendres des villages en Egypte,
en Palestine et dans la péninsule arabique. Pour Zahi Hawas, « si l’exode s’est
produit, ce que nous ne savons pas, cela ne peut pas être à cette période »,
mais deux siècles plus tard, sous Ramsès II. En revanche, la présence de
cendres et de roches volcaniques sur le site de l’ancienne forteresse de Tharo
à Tell Hebwa, confirmerait, selon lui, des inscriptions anciennes évoquant
l’expulsion des Hyksos, ennemis des Egyptiens. Des textes évoquent, en
effet, des catastrophes naturelles survenues durant l’ère des Hyksos, une caste
militaire venue de l’est, et leur exode avant le début du Nouvel Empire,
précédé de peu par l’éruption du volcan de Théra. Ainsi, plusieurs récits se
rapportant à cette guerre figurent-ils sur une stèle du temple de Séti I à
Karnak, dans une description de la route de Horus dans un texte sous
Thoutmotsis III ou sur un papyrus sur la guerre menée par le roi Ahmos.
Des squelettes hyksos
L’équipe a découvert également
dans le désert du Sinaï les vestiges d’un fort muni de quatre tours
rectangulaires et qui daterait de la XVIIIe dynastie pharaonique. Cette
forteresse est désormais considérée comme le plus ancien ouvrage militaire sur
cette ligne de défense, également appelée route de Horus. Mais il n’y avait pas
la moindre preuve du récit de l’Ancien Testament, de l’histoire de Moïse et des
juifs, et de leur sortie d’Egypte ou de leur errance dans le désert. Deux squelettes féminins, des poteries et des
bijoux ont été retrouvés. Ces restes auraient appartenu à la civilisation
hyksos, un peuple ennemi des Egyptiens de l’Antiquité.
Les chercheurs soutiennent que
cette découverte est particulièrement intéressante à cause des roches
volcaniques retrouvées sur le site des fouilles. Ils croient qu’il s’agit de
traces laissées par l’éruption du volcan Santorini, plus de 15 siècles avant
Jésus-Christ. Santorini est un petit archipel d’îles volcaniques situé dans la
mer Egée, au sud-est de la Grèce continentale. Ce volcan aurait alors tué plus
de 35 000 personnes et fait disparaître la civilisation minoenne sur l’île de Crète.
Le carrefour de la guerre
Montrant les fondations du fortin
de la XVIIIe dynastie, le plus ancien jamais retrouvé sur cette ligne de
défense, dite la route de Horus, Mohamad Abdel-Maqsoud, le chef des fouilles et
le directeur de l’administration centrale des antiquités égyptiennes, estime
qu’il témoigne de l’âpreté des combats. « C’est ici qu’était établi le grand
premier verrou de l’empire contre les conquérants de l’est, comme les Hyksos »,
dit-il, alors qu’aujourd’hui le Canal de Suez n’est distant que de 5 km. Mais
aussi la base pour les attaques ultérieures de l’empire pharaonique en
direction de la Palestine, avec la mise en place d’une chaîne composée d’une
dizaine de forteresses jusqu’à ce qu’on appelle désormais la bande de Gaza.
Ce
récit pourrait avoir inspiré le récit biblique de l’exode, selon certains
savants. « Ils pourront dire ce qu’ils veulent, je m’en fiche, n’a pas hésité à
dire Hawas. Je suis archéologue et mon métier, c’est de dire la vérité. Si la
vérité les dérange, ce n’est pas mon problème ». L’histoire de l’exode est
célébrée comme un moment crucial dans la création du peuple juif. Selon
l’Ancien Testament, Moïse était le fils d’une esclave juive qui l’avait
abandonné sur le Nil dans un panier d’osier pour le protéger des persécutions
du pharaon. Sauvé des eaux par la fille du pharaon et élevé à la cour, il
découvrira le secret de ses origines et, avec l’aide de Dieu, libérera son
peuple. Mais les archéologues qui travaillent dans la région n’ont jamais
réussi à étayer le récit biblique ; quant à la présence des juifs en Egypte, il
n’existe qu’une seule découverte archéologique susceptible de la confirmer. De
nombreux livres ont été écrits sur le sujet, mais les débats sont pour la
plupart restés discrets pour ne pas choquer les croyants.
« Sans
preuves historiques, nous sommes contraints de dire que certaines choses ne
sont jamais arrivées : c’est le métier d’archéologue », poursuit Hawas. Le site se
trouve à deux heures de voiture du Caire, après le pont Moubarak, dans le nord
du Sinaï, dans une région appelée Qantara-Est. Depuis près de dix ans, les
archéologues égyptiens retournent le sol avec l’aide de journaliers des villes
avoisinantes pour essayer de déterrer des vestiges du passé. Ce paysage désolé,
dont la monotonie n’est rompue que par quelques pylônes électriques, a suscité
son enthousiasme parce qu’il confirme des récits racontés dans les hiéroglyphes
ou qui remontent à l’Antiquité. Les vestiges archéologiques remontent en effet
plus ou moins à l’époque où, selon la Bible, les juifs ont fui l’Egypte et ont
ensuite passé quarante ans à errer dans le désert à la recherche de la Terre
promise. L’exode « est un mythe », affirme Hawas devant un mur construit au
cours de la période dite du Nouveau Royaume.
Amira Samir avec agences