Al-Ahram Hebdo,Société | Evitons le sujet ...
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 18 à 24 avril 2007, numéro 658

 

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Société

Avortement. Permise sous certaines conditions très strictes, la pratique est très répandue dans la clandestinité en raison des pressions sociales et religieuses subies par les femmes. Les conditions d’hygiène sont déplorables et les médecins sans scrupules.

 

Evitons le sujet ...

La question du droit à l’avortement ne cesse de provoquer des remous de par le monde. Des manifestations se produisent, des conférences et des référendums se tiennent, dont le dernier au Portugal y a enfin dépénalisé l’avortement.

En Egypte, c’est le silence total. La question ne semble pas être prise en compte. Ce qui est loin de refléter la réalité. Car, selon les chiffres du Centre du Caire pour les droits de l’homme et les études sur la femme moderne, plus de 34 % des Egyptiennes ont avorté au moins une fois dans leur vie. Les raisons sont multiples : grossesse non désirée, âge avancé, désamour de l’époux, ambitions professionnelles, raisons économiques. Aujourd’hui, l’Egypte fait partie des 40 pays ayant mis en place des programmes de soins post-avortement depuis la Conférence Internationale pour la Population et le Développement (CIPD) tenue en 1994. Le nombre de centres offrant des soins post-avortement a aussi sensiblement augmenté ces dernières années, et les soins obstétriques suite à des complications dues à un avortement sont maintenant pratiqués de manière satisfaisante.

Mais les tabous autour de l’avortement demeurent, et les peines encourues, aussi bien pour les femmes avortées que pour les médecins qui le pratiquent, constituent des obstacles supplémentaires. En effet, l’Egypte fait partie des 72 pays du monde ayant formellement interdit l’avortement, ou l’admettant à deux conditions : pour sauver la vie de la mère et en cas de malformation du fœtus.

La loi égyptienne pénalise gravement l’avortement dans les articles 260 à 264 du code pénal. Une peine de trois ans de prison est encourue par la femme qui le subit et par celui qui l’a aidée à avorter. La punition est plus sévère pour le médecin qui risque 15 ans d’emprisonnement avec travaux forcés. Et ce, outre les autres sanctions imposées par l’Ordre des médecins, allant du simple avertissement à la radiation de l’Ordre des médecins. Al-Azhar et Dar Al-Iftaa, les plus importantes institutions religieuses du pays, prohibent aussi l’avortement sauf dans deux cas : grossesse menaçant la vie de la mère ou lorsqu’une fille est victime d’un viol. Quant à l’Eglise copte, elle refuse catégoriquement l’avortement sauf en cas de malformation du fœtus ou de maladie grave de la mère. Les grandes institutions coptes et musulmanes se sont de plus accordées pour que l’avortement ne soit pratiqué que pendant les 120 premiers jours de la grossesse.

Réseaux illégaux

Peu importe l’interdit, les pressions sociale, juridique et religieuse ont donné naissance à des réseaux illégaux.

Un journaliste, qui a souhaité garder l’anonymat, témoigne après une visite d’une clinique clandestine, effectuée avec un comité du ministère de la Santé à la suite d’une plainte dans le quartier de Choubra, au Caire. « La clinique était macabre, très obscure. Seuls quelques équipements médicaux rudimentaires y étaient disposés. Un rideau translucide séparait la salle d’opération du bureau du médecin. Aucune garantie d’hygiène puisqu’elle n’a pas d’eau potable ... », raconte-t-il. L’image de cette clinique semble être représentative puisque les études effectuées sur les conditions d’avortement prouvent qu’une femme sur quatre avorte dans des conditions d’hygiène déplorables. Selon les chiffres du Centre National de la Population (CNP), le taux d’avortement provoqué en Egypte est estimé à 14,8 sur 100 grossesses. Le temps de gestation moyen des grossesses interrompues est de 10,8 semaines, et la majorité de ces grossesses (86 %) sont interrompues à moins de 12 semaines. (Etude effectuée sur un échantillon aléatoire de 569 hôpitaux).

Dans l’ombre, ce marché ne cesse de prospérer. La clientèle est reçue discrètement dans les cliniques, grâce aux relations personnelles des médecins. « Le coût moyen d’un avortement varie entre 150 et 700 L.E. Mais il faut aussi prendre en compte le statut de la femme, mariée ou non. Une femme célibataire peut verser dans l’une de ces cliniques le triple de ce que peut verser une autre mariée », confie Soha, 32 ans, secrétaire. Les honoraires du médecin varient aussi selon les quartiers. Dans les plus riches comme Mohandessine, Manial, Madinet Nasr, pour avorter, une femme peut verser jusqu’à 5 000 L.E. Soit la même somme que pour une césarienne.

Et les médecins ont appris à mettre en œuvre des astuces pour échapper au contrôle du ministère de la Santé. « Ils louent une clinique spécialement pour les avortements et changent de nom de famille », témoigne Hoda, professeure de 25 ans. Plus grave encore : des médecins ayant une spécialité autre se lancent dans la pratique des avortements qu’ils considèrent très lucrative. Comme cet urologue réputé d’un quartier pauvre du Caire. Les femmes se pressent chez lui, car ses prix sont modérés. Selon Hatem S., gynécologue, ils ne font qu’administrer des comprimés d’un coût de 4 L.E., destinés à traiter l’ulcère de l’estomac et dont les effets secondaires provoquent la dilatation du col de l’utérus. Il y a aussi le trafic de comprimés pour avorter, importés en Egypte de manière illégale. Ces cachets provoquent l’avortement durant les premiers jours de grossesse. Mais le problème, selon le Dr Khaled, gynécologue, est que ces comprimés peuvent être dangereux en cas de grossesse extra-utérine ou bien chez les femmes souffrant de troubles endocriniens. Pire encore, presque 1 % de celles qui utilisent ce médicament risquent une hémorragie.

Dans quelques-uns des 569 hôpitaux publics égyptiens, le CNP a demandé au personnel de remplir une fiche de suivi médical pour chaque patiente admise après un avortement, pendant une période continue de 30 jours. Parmi les 22 656 admissions dans les services de gynécologie-obstétrique durant la période étudiée, environ une patiente sur cinq (19 %) était admise pour soins après avortement (spontané ou provoqué). A leur arrivée à l’hôpital, 14 % des femmes souffraient d’une hémorragie, 1 % d’elles présentaient un choc traumatique et 5 % des signes d’infection. La dilatation et le curetage sous anesthésie générale ont été les principaux gestes effectués.

Ces pratiques en hausse continue découlent également de plusieurs facteurs sociaux. L’augmentation du nombre de mariages orfi (mariage non officiel) en Egypte a été considérable ces dernières années, surtout parmi les étudiants. Le couple qui s’unit par un mariage orfi ne désire généralement pas d’enfant et l’avortement est pour lui un moyen d’éviter les problèmes. D’après une étude effectuée par le Centre national de recherches sociales et criminelles, la violence contre la femme durant la grossesse est un autre facteur direct provoquant une fausse couche (25 % de victimes). De plus, la loi n’offre aucune protection pour la femme enceinte, qui trouve dans l’avortement l’unique issue .

Dina Darwich


 

Tout pour un enfant

La quarantaine approchante, Abir mène un combat pour le droit à la maternité. Son pouvoir de donner la vie, elle voudrait bien enfin l’exercer.

 

« Je commence à avoir des rides. J’ai 39 ans et des idées noires me hantent l’esprit. Je me pose un tas de questions. Qui sera à mes côtés lorsque je serai vieille ? Pour moi, un enfant est le symbole de la vie. Un rayon de soleil qui pourrait illuminer ma vie », confie Abir, chef de marketing dans une société privée. Brillante dans sa vie professionnelle, elle n’a pas encore connu le bonheur de la maternité. Mariée une seconde fois, après l’échec d’une première histoire d’amour, elle rêve d’avoir un enfant. « Mon second mari me traite mal, m’insulte des fois. Pourtant je dois supporter. J’avance en âge et mes chances de procréer diminuent. Pour moi, c’est une course contre la montre. Un enfant serait la seule bonne chose de ces deux malheureux mariages », avoue-t-elle. Son mari, sept ans plus jeune qu’elle, ne voit pas les choses de la même manière. « Je n’ai que 32 ans. Si je ne réussis pas à avoir un enfant avec elle, je le ferai avec une autre », lance-t-il.

Une menace que Abir prend au sérieux. Raison pour laquelle elle a essayé tous les procédés modernes pour réussir à avoir un enfant. Pendant 4 ans, elle a fait le tour des gynécologues pour s’assurer qu’elle peut en avoir un. Elle a supporté les pires humiliations le jour où elle a essayé de convaincre son mari de l’accompagner chez le médecin. « Je suis fertile et viril à 100 %. C’est à toi de recevoir les soins », a-t-il martelé. Abir a même eu recours aux herbes médicinales pour accroître ses chances de procréation, en les prenant en parallèle aux médicaments prescrits par son gynécologue. Lorsque ce dernier a jugé une intervention nécessaire, elle n’a pas hésité. Et comme l’opération n’a pas porté ses fruits, elle a eu recours à l’insémination artificielle. Une tentative qui lui a coûté près de 13 000 L.E. Elle a même sacrifié son travail pour rester au repos complet. « Je n’ai pas regretté ma carrière, car mes ambitions de devenir mère étaient plus fortes que tout », explique Abir qui ne peut s’empêcher de laisser libre cours à son imagination. « Quand le bébé sera là, je lui ferai des petites tresses, j’adore. Je lui offrirai de beaux habits et de merveilleux jouets fantastiques », murmure-t-elle. Elle a même choisi son prénom : Rodayna. Parce qu’elle veut une fille. « Mon quotidien va sûrement changer avec l’arrivée de Rodayna. je vais jouer avec elle, l’emmener partout là où je vais », prévoit Abir, dont la mère est décédée depuis 4 ans et le père très âgé. Elle a une sœur qui vit à l’étranger et un frère trop occupé par son travail et sa famille. Il ne lui rend jamais visite. « Personne n’est disponible pour moi. Ils ignorent mes souffrances », dit-elle.

Depuis deux mois, son cycle menstruel s’est arrêté. Alors de deux choses l’une : soit elle est enceinte, soit elle entame la ménopause. Selon son gynécologue, comme elle n’a pas eu d’enfant, elle risque d’être ménopausée plus tôt. « Je suis effrayée à l’idée de faire ce test de grossesse. Un résultat négatif me démolirait. Je ne peux concevoir une vie sans enfant », confie Abir les larmes aux yeux .

 




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