Al-Ahram Hebdo, Voyages | Sous le signe de l’au-delà
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 Semaine du 28 mars au 3 avril 2007, numéro 655

 

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Voyages

Fouilles. Celles menées dans la nécropole nord de la cité antique d’Antinoé permettent de mettre en valeur la période copte et la filiation entre ères pharaonique et chrétienne. 

Sous le signe de l’au-delà

Fragments de papyri, étoffes et lin coptes, pages de codex en cuir ainsi que momies et fresques qui décorent quelques tombes sont les plus importantes trouvailles de la nécropole nord de la cité antique d’Antinoé à Cheikh Ebada, dans le gouvernorat de Minya Celle-ci, dont la superficie atteint les 200 mètres carrés, se situe derrière les murailles de granit rose qui encerclent la ville, qui s’étale, à son tour, sur 5 km carrés. « Voilà deux saisons que nous menons des fouilles dans cette nécropole qui est en train de livrer des secrets », souligne le papyrologue Rosario Pintaudi, directeur de la mission italienne de l’Institut de papyrologie G Vitelli dépendant de l’université de Florence. Pour lui, à travers les pièces découvertes, on peut esquisser non seulement les traditions et les coutumes des citoyens de la ville, mais encore leur pensée et leur mode de vie. En plus, on peut retracer l’évolution artistique au cours des époques et la conversion de la ville romaine païenne à la ville dévote chrétienne.

En effet, la nécropole est précédée d’un espace rectangulaire vide entouré de colonnes en calcaire. Ce lieu, situé au seuil de la nécropole, servait de cour accueillant les citoyens durant les différentes fêtes. « A l’époque, les habitants préféraient célébrer leurs cérémonies publiques, religieuses et privées avec leurs morts à cet endroit où ils passaient plusieurs jours », explique Pintaudi. D’après lui, c’est l’une des traditions héritées de la période pharaonique et qui a continué non seulement à l’époque copte, mais elle demeure jusqu’à nos jours dans certaines couches sociales égyptiennes. Quelques-unes de ces colonnes sont insérées aux murs des tombes et des épitaphes. Selon le papyrologue, cette estrade fut réduite au fil du temps au profit de la nécropole, dont la superficie ne pouvait plus recevoir d’autres morts. Les citoyens ont alors décidé de rétrécir la cour rectangulaire.

Lors des fouilles opérées dans la nécropole, la mission a découvert beaucoup de fragments de papyri en langue copte qui comprenaient des messages privés « à l’exemple des plaintes aux morts ou encore des récits des actions familiales », reprend Pintaudi. D’autres fragments contiennent des contrats d’achat ou de vente ou encore de propriété. Selon le papyrologue, les textes des papyri reflètent un autre aspect de traditions héritées. A l’époque pharaonique, « les effets personnels étaient enterrés avec le défunt pour le servir dans l’au-delà. C’est le même concept, mais là, on y enterre les documents qui affirment et assurent les propriétés du défunt », explique Pintaudi. Autre trouvaille assurant toujours l’héritage des traditions pharaoniques, ce sont des pages de codex en cuir écrits en copte dans les tombes dont la date remonte du IVe au Ve siècle. Ces codex qui accompagnaient le défunt dans sa tombe jouaient le rôle de protecteur de l’âme.

Outre ces manuscrits, la plupart des murs des tombes comprennent des niches lesquelles portaient des icônes et des statues qui représentaient la Vierge et Jésus. Selon le papyrologue, chacune des anciennes tombes renferme une seule momie, puisque le rite de la momification a continué durant l’âge copte. Durant les périodes antérieures, on a relevé la présence de plusieurs momies. « Les tombes ont été réutilisées alors plusieurs fois lors des époques qui ont suivi, à cause du manque de place », souligne le professeur. Aussi, pour les experts, l’état de la tombe et de la dépouille reflète la richesse ou la pauvreté du propriétaire. La tombe de Théodosia est l’une des plus intéressantes de la nécropole. Sur le linteau de la porte est gravée une croix rouge. Elle est composée de deux salles, dont la seconde comprend une cavité en forme de coquillage qui renferme la momie d’une femme surmontée d’une fresque endommagée. Cela dit, les traces des peintures colorées sont encore visibles. « Cette fresque représentait Théodosia, propriétaire de la tombe avec, à droite, la Vierge Marie et à gauche, saint Colluthos, le patron de la ville avec son auréole », remarque Pintaudi. Une telle fresque fait rappel aux gravures des tombes pharaoniques qui représentaient le défunt entouré de divinités pour le protéger. Le professeur espère découvrir des tombes semblables dans les prochaines saisons de fouilles.

D’autre part, l’une des découvertes les plus touchantes de la mission c’est la momie d’une femme assez particulière. Entre ses jambes a été trouvée la momie d’un nouveau-né. Il paraît que cette femme et son bébé « sont morts lors de l’accouchement. Raison pour laquelle les parents ont préféré les ensevelir de la sorte », suggère le professeur.

Pour les archéologues, à travers les travaux de fouilles dans la nécropole nord, on peut avoir une vue plus ou moins précise des différents aspects de la vie quotidienne du peuple d’Antinoé qui a vécu vers les débuts de l’âge copte en Egypte. Tous ces résultats sont la moisson de deux saisons de fouilles. Les experts attendent autant de découvertes durant les prochaines années qui aideront à retracer précisément l’histoire de la cité antique.

Doaa Elhami

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Un carrefour des siècles

Antinoé, où opère la mission italienne, a vu se succéder des vestiges de toutes les époques.

Antinopolus, Antinoé et enfin Cheikh Ebada. Ce sont les nominations d’une même cité, Antinoé. Située près de la ville de Mallawi, dans les environs du gouvernorat de Minya, elle fut installée sur ordre de l’empereur romain Hadrien en 130, à l’emplacement où son jeune ami Antinüs s’était noyé dans le Nil. Une diversité d’appellations qui reflète les multiples époques que la cité a vues. Antinopolus ou Antinoé a été une nomination romaine donnée lors de son établissement. Appellation qui a été transformée en Cheikh Ebada, au début de l’époque islamique. C’était le nom du mystique Ebada Ibn Assamet qui a décidé d’y demeurer et bâtir sa mosquée. Et ce, sans oublier les vestiges pharaoniques découverts par les différentes missions françaises et italiennes successives, comme par exemple Gayet, Breccia et Donadoni qui y ont travaillé au début du XXe siècle, dans les années 1930 et 70, et récemment celle de l’Institut de papyrus G. Vitelli, de l’Université de Florence, présidée par le papyrologue Rosario Pintaudi, dont les travaux de fouilles ont commencé depuis seulement quatre ans.

La capitale sud

« Antinoé est l’unique ville ancienne, non couverte par une autre nouvelle », renchérit le papyrologue. Pour lui, cette particularité a offert aux archéologues une planification intégrale de la ville romaine avec toutes ses caractéristiques. « On y peut alors voir le seul hippodrome conservé en Egypte », explique le professeur. Et ce, sans oublier le temple romain, l’arc de triomphe et les rues parallèles de la ville qui comprenaient les colonnes romaines. Autre caractère, d’après Pintaudi, Antinoé est pleine de trésors et de secrets archéologiques grâce à l’épanouissement qu’elle a vécu tout au long de son histoire dû aux rôles importants qu’elle a joués dans différents domaines à la fois politique, économique et commercial. « Celle-ci était la capitale de la Tébaïde, la province méridionale au sud du pays », explique le professeur. En même temps, la ville occupait le centre de la route commerciale qui liait l’Egypte aux pays de l’est à travers la mer Rouge. Les habitants prenaient des impôts et des taxes des caravanes commerciales qui passaient par la ville dont les frontières sont déterminées grâce aux vestiges d’une grosse muraille de granit rose. Ces habitants étaient plutôt à la fois des précepteurs et des gardiens qui protégeaient les frontières. L’empereur devrait alors assurer la loyauté perpétuelle des habitants de cette cité en leur donnant deux privilèges. Tout d’abord, en les exemptant des taxes imposées sur les autres villes, en plus en leur offrant la citoyenneté romaine.

Bien que la construction de la ville d’Antinoé soit liée au nom de l’empereur romain Hadrien, son histoire est bien plus ancienne. Ceci se voit grâce à l’existence du temple pharaonique bâti sous le règne du grand conquérant Ramsès II. Par ailleurs, «  il paraît plutôt que la date de cette cité soit beaucoup plus ancienne, et précisément à l’époque amarnienne », affirme Gloria Rosati, membre de la mission. Le parterre devant le pylône du temple se composait de 50 blocs talatates dont la date remonte à l’époque d’Akhenaton de la XVIIIe dynastie. Révélés déjà au cours des années trente par Sergio Donadoni, ces blocs sont récemment étudiés et publiés. Pour les archéologues, les bâtisseurs du temple ont réutilisé ces blocs comme dallage devant le pylône parce qu’ils existaient déjà sur place ; ou bien ces derniers se trouvaient auprès de cet endroit. Leur petit volume et leur poids léger les ont encouragés à enlever ces blocs polis dans le dallage du parterre devant le pylône. D’après ces trouvailles, les archéologues suggèrent que la date de fondation d’Antinoé remonte à l’époque amarnienne.

Par ailleurs, l’épanouissement de cette ville a survécu jusqu’à presque la fin de l’époque fatimide. Antinoé renferme en fait les vestiges d’une église datée du Ve siècle, sans oublier les tas de fragments des papyri coptes, et plus de 200 poteries dont les dates vont du IVe au VIIe siècles. Reconstituées, ces poteries varient entre couvercles, assiettes décorées, marmites, casseroles, ainsi que des pichets de différentes dimensions. Et ce, outre les lampes, amphores et les figures féminines en céramique qui ont été réunies.

Cette ville, peu connue pour les citoyens, et qui a vécu beaucoup d’événements, plusieurs périodes d’épanouissement et de décadence a pu conserver beaucoup de trésors antiques. Reste à les exploiter touristiquement en préparant le site à la visite, sans oublier qu’elle cache beaucoup plus de secrets qu’il faut dévoiler.

D. E.

 




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