Egypte-Israël .
Uri Avnery, écrivain et
journaliste israélien, militant des droits palestiniens et
pacifiste convaincu, affirme que la liquidation des soldats
égyptiens en 1967 n’est pas le seul crime de guerre
israélien.
«
Ben Eliezer a un long registre à son actif »
Al-Ahram
Hebdo : Avez-vous vu ce documentaire L’esprit de Shaked à
l’origine de cette affaire ?
Uri Avnery : Certainement.
D’ailleurs, nous savons qu’à la fin de la guerre de juin
1967, un grand nombre de soldats égyptiens ont été tués dans
le Sinaï pendant leur retrait en direction du Canal de Suez.
C’est un fait bien établi. Mais la question qui s’est posée
était de savoir si l’armée israélienne avait dû oui ou non
leur donner de l’eau puisque nombreux d’entre eux sont morts
de soif et d’épuisement. Un tel comportement se rapproche
beaucoup d’un crime de guerre. Nous l’avions appris à
l’époque, mais l’on ne pouvait pas le publier étant donné la
censure militaire qui a interdit de diffuser de telles
informations. A l’époque, j’étais le rédacteur en chef d’un
hebdomadaire et je n’ai pas réussi à publier le fait. Ce
n’était d’ailleurs pas le premier crime de guerre de ce
genre contre les soldats égyptiens. En 1956, Rafael Eitan,
qui est devenu chef d’état-major, a permis à ses troupes de
tuer un grand nombre de soldats égyptiens entre Charm
Al-Cheikh et Al-Tor, dans le Sud-Sinaï. Ils étaient pris en
tenailles entre le bataillon israélien qui avait envahi
Charm Al-Cheikh à partir des frontières orientales et les
paras commandés par Eitan, connus sous le nom de Raful,
après avoir progressé d’Al-Tor au sud.
Un même scénario s’est répété en 1956 lorsque les
Britanniques et les Français ont attaqué le Canal de Suez.
Un grand nombre de soldats égyptiens se sont trouvés
encerclés entre Israéliens et Franco-britanniques. C’est ce
qui a poussé le commandement égyptien à ordonner à ses
troupes de se retirer sur la ligne du Canal de Suez le plus
rapidement possible pour qu’elles ne soient pas liquidées.
La chose s’est répétée en 1967.
— Le document souligne que c’est Benyamin ben Eliezer,
actuel ministre des Infrastructures, qui a conduit
l’opération de liquidation des soldats égyptiens en 1967.
Etiez-vous au courant de ce fait ?
— Non, je ne le savais pas. Mais Ben Eliezer a, à son actif,
un long registre, lorsqu’il commandait les troupes
israéliennes en Cisjordanie en juin 1967, puis, lorsqu’il
est devenu le responsable des contacts avec le Parti des
Phalanges au Liban. C’est lui qui a préparé l’invasion
israélienne du Liban en 1982.
— Dans le film, il y a ces témoignages selon lesquels les
avions israéliens survolaient les soldats égyptiens, les
poursuivaient dans le désert puis les mitraillaient. Est-ce
un fait avéré ?
— Oui. C’est une histoire très triste et qui aurait dû être
condamnée. Mais je suis sûr qu’aucun membre du commandement
militaire israélien de l’époque n’aurait rien fait pour
interdire ces pratiques. La seule qui a été soulevée était
celle de savoir s’il fallait donner de l’eau ou non aux
soldats égyptiens qui se retiraient du Sinaï.
— Pensez-vous qu’il faut traduire en justice des officiers
ou des soldats de l’unité Shaked ?
— S’il y a des gens qui le veulent en Egypte, pourquoi pas ?
— Selon la loi israélienne, les Egyptiens ou les activistes
des droits de l’homme israéliens peuvent-ils mener une
poursuite judiciaire pour la liquidation des prisonniers
égyptiens ?
— La loi israélienne n’est pas claire en ce qui concerne
cette question, d’autant plus que les soldats n’ont pas
parlé de capture ou du meurtre de soldats égyptiens.
Cependant, la loi israélienne, tout comme le droit
international, interdit l’exécution des prisonniers de
guerre. Et si une personne donne l’ordre de tuer des
prisonniers de guerre, cela serait illégal et aux soldats de
ne pas lui obéir. Mais si les soldats avaient reconnu les
faits, cela serait devenu automatiquement un crime de
guerre. Ceci parce que, comme je viens de l’affirmer, la loi
israélienne et le droit international interdisent de tuer
les prisonniers.
Mais je n’ai pas d’informations suffisantes sur les
conditions de cette opération.
Il faut
donc consulter un expert juridique.
Achraf
Aboul-Hol