Il ne s’agit pas d’une rampe !
Par Mohamed Salmawy
Les
cartes se sont brouillées. Réalité et fiction se sont
mêlées. Nous les Arabes, nous ne savons pas que faire pour
empêcher Israël de poursuivre ses travaux près de la mosquée
d’Al-Aqsa, où il détruit la zone menant à la porte des
Maghrébins, sous prétexte de construire une rampe à la place
de celle qui a été démolie il y a plusieurs années.
Au beau milieu des cris de colère venant des quatre coins du
monde arabe, personne ne s’est arrêté pour revoir ce que dit
l’Histoire qu’Israël a réussi à falsifier. Il semble qu’avec
le temps, nous avons tendance à croire ce dernier, ignorant
ou feignant d’ignorer notre Histoire arabo-musulmane.
La
porte des Maghrébins, qui menait à ce qui était convenu
d’appeler jusqu’en 1967 la ruelle des Maghrébins, était l’un
des sites qu’Israël a effacés dès son occupation de
Jérusalem et auquel il a imposé l’identité juive. Le mur des
lamentations bordait cet endroit à l’est. Le nom de la zone
tenait à ses habitants venus des pays du Maghreb arabe. Ces
Maghrébins ont choisi de se loger particulièrement dans ce
site sacré des musulmans depuis plus de 1 300 ans.
Quant à la vénération que vouent les juifs au mur du Bouraq
— que ces derniers ont appelé plus tard le mur des
lamentations —, elle ne commence qu’environ dix siècles
après celle des musulmans pour ce lieu, c’est-à-dire au XVIe
siècle.
Malheureusement, nous avons commencé, nous aussi, à
l’appeler le mur des lamentations et non plus le mur du
Bouraq qui est considéré comme l’un des lieux musulmans les
plus sacrés. Nous avons même commencé à voir la question de
la même manière que la presse étrangère qui dit que la
mosquée d’Al-Aqsa est un monument islamique, alors que le
mur est un monument juif. Mais l’Histoire dit le contraire :
C’est un lieu sacré pour les musulmans et il gardait son
appellation du mur du Bouraq jusqu’en 1967.
En se référant aux documents britanniques pendant la période
du mandat sur la Palestine, nous constatons qu’ils ne
désignent ce mur que par le terme du Bouraq. En 1928,
certains juifs ont essayé d’usurper ce mur en occupant son
trottoir. Les habitants arabes s’y sont alors opposés dans
un combat violent provoquant la colère des leaders du
mouvement sioniste mondial. Les événements se sont aggravés
tout au long des mois suivants, et furent appelés à l’époque
« la révolution du Bouraq » qui s’est déclenchée un vendredi
après la sortie des fidèles de la mosquée. A tel point que
les autorités britanniques ont dû former un comité
parlementaire pour enquêter sur ces événements. Ce comité a
présenté en 1930 un rapport confirmant le droit
incontestable des musulmans à posséder le trottoir attenant
au mur et menant à la ruelle des Maghrébins. Le comité a
déclaré que c’était un waqf (bien) conformément aux
préceptes de la charia islamique.
Quant à la ruelle des Maghrébins, elle a été rasée par les
bulldozers quelques jours après l’occupation israélienne de
Jérusalem en juin 1967. Ces bulldozers ont démoli toutes les
habitations, outre 135 bâtiments, propriétés des Waqfs
islamiques. Tout le quartier avait disparu en deux jours
seulement.
Afin d’exécuter ce plan sur le terrain, les forces
d’occupation israéliennes ont imposé un couvre-feu de 18
heures par jour, au cours duquel elles ont démoli tous les
bâtiments en place, dont certains remontaient à des
centaines d’années. Ils avertissaient les habitants quelques
heures seulement avant la destruction de leurs maisons. Ce
qui veut dire que les habitants sortaient de chez eux avec
ce qu’ils pouvaient porter à la main s’ils n’avaient pas
d’enfants sur les bras. D’ailleurs, certaines maisons ont
été démolies sur la tête de leurs habitants lorsqu’ils ont
refusé de sortir ou qu’ils n’ont pas eu le temps de les
évacuer.
Selon les Nations-Unies, deux mosquées figuraient parmi les
bâtiments qui ont été démolis, alors que 650 personnes ont
perdu leurs maisons en un seul jour. Les documents
internationaux démontrent que Jérusalem, le jour où elle a
été occupée par Israël en 1967, comportait 199 sites
islamiques, dont certains remontaient à la période de la
conquête islamique. Quelque 60 sites chrétiens s’y
trouvaient également. Ils remontaient à des périodes
historiques ultérieures ou antérieures à ceux des sites
musulmans. Quant aux monuments juifs, ils ne dépassaient pas
le nombre de 15 et ont été construits durant les 150 années
ayant précédé l’occupation.
Mais ces chiffres sont tombés aujourd’hui aux oubliettes.
Les bulldozers de l’occupation israélienne ont changé la
réalité géographique de Jérusalem et de la Palestine même et
ce, depuis le premier jour de l’occupation, conformément à
un plan bien établi. D’ailleurs, les travaux actuels que
mène Israël à proximité de la mosquée d’Al-Aqsa font partie
de ce plan visant la judaïsation de Jérusalem par
l’effacement de l’identité arabe et son remplacement par
celle des juifs.
Dans ce contexte, les endroits ont changé comme les noms.
Tels le mur du Bouraq, devenu mur des Lamentations ; la
route du Bouraq, devenue Yehuda Halevi. Ainsi est le cas de
la porte des Maghrébins, du musée palestinien, de l’aéroport
de Jérusalem, etc.
Cependant, la mosquée d’Al-Aqsa a résisté à ces tentatives.
C’est pourquoi elle a été témoin ces dernières années de
tentatives désespérées d’agression. Celle à laquelle nous
assistons maintenant porte, selon les historiens, le numéro
118. La plus connue de ces agressions est celle de
l’incendie d’Al-Aqsa en 1969.
Israël a saisi l’occasion de la lutte interpalestinienne
entre le Hamas et le Fatah, et la faiblesse des régimes
arabes et musulmans pour essayer à nouveau d’attenter à la
mosquée d’Al-Aqsa sous prétexte de construire cette
prétendue rampe.
Le Washington Post, de son côté, a dévoilé, il y a quelques
jours, que le gouvernement israélien est en train de
financer la première opération de construction de colonies
juives à l’intérieur du quartier musulman à Jérusalem-Est.
Le quotidien a fait part — selon des sources israéliennes —
de l’existence d’un plan « de développement » de la porte de
Zohour comprenant la construction de 20 unités de logements
juifs et un temple.
La question n’est donc pas une affaire de construction d’une
rampe, mais d’un plan israélien permanent pour judaïser
Jérusalem.