Palestine.
La situation sur le terrain ne laisse présager aucun
changement tangible dans la politique israélienne, malgré
les promesses solennelles tenues à Annapolis.
Engagements fictifs
Une
semaine après la conférence d’Annapolis, le scepticisme qui
planait dessus s’est confirmé. En effet, le premier ministre
israélien Ehud Olmert n’a pas tardé à se détacher des
promesses faites aux Etats-Unis. Dimanche, il a minimisé les
chances de parvenir avant fin 2008 à un accord de paix avec
les Palestiniens, objectif fixé la semaine dernière à la
conférence d’Annapolis. « Nous ferons l’effort d’organiser
des négociations rapides dans l’espoir d’atteindre notre
objectif avant la fin 2008, mais il n’y a certainement pas
d’engagement sur un calendrier fixe pour leur conclusion »,
a déclaré Olmert à l’ouverture du conseil des ministres.
Tentant manifestement d’assurer l’aile droite de sa
coalition de gouvernement qu’il ne ferait pas de concessions
sans acte réciproque du camp palestinien, Olmert a affirmé
que le processus de paix dépendrait du respect des
engagements de la Feuille de route. « Le point le plus
important de la déclaration commune est que tout accord
auquel nous parviendrons à l’avenir dépendra du respect de
l’ensemble des engagements de la Feuille de route ». « En
d’autres termes, Israël n’aura pas à tenir ses engagements
émanant de l’accord tant que toutes les conditions de la
Feuille de route n’auront pas été remplies », a-t-il ajouté.
La Feuille de route, établie en 2003 par les Etats-Unis,
prévoit notamment le gel des implantations israéliennes en
Cisjordanie et la répression des activistes par l’Autorité
palestinienne.
Bien plus, l’Etat juif, qui lance régulièrement des raids à
Gaza contre les activistes tirant des roquettes vers les
villes israéliennes, a annoncé dimanche avoir intensifié ses
attaques contre le territoire côtier.
Dans un communiqué, le ministre israélien de la Défense,
Ehud Barak, déclare avoir autorisé davantage d’actions
militaires à Gaza. Selon Barak, l’armée israélienne a tué 22
activistes lors de la semaine écoulée. Il est donc manifeste
que l’Etat hébreu n’a l’intention de changer sa politique
consistant à jeter la balle dans le camp palestinien, à le
rendre responsable de tout problème, et à poursuivre ses
assassinats.
Les prémices de ce désengagement ont déjà paru mercredi
dernier aux Etats-Unis, MM. Olmert et Abbass étaient apparus
brièvement devant la presse, sans prendre la parole. Il n’y
a pas eu de poignée de mains pour susciter la comparaison
avec celle, historique, de 1993 entre le président Bill
Clinton, le premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le
dirigeant palestinien Yasser Arafat.
Pour les observateurs et les analystes, il n’y a rien de
neuf dans la position israélienne axée sur les
tergiversations et les atermoiements. Annapolis a fermé les
yeux sur les litiges fondamentaux que Palestiniens et
Israéliens ont été incapables jusqu’alors de régler, à
savoir les frontières d’un futur Etat palestinien, le statut
de Jérusalem, le sort des colonies ou le retour des réfugiés
palestiniens. Et même le menu résultat consistant à relancer
un processus embourbé et à rechercher avant 2008 un accord
qui permettrait l’établissement d’un Etat palestinien ne
jouit pas du soutien israélien.
Et là les politologues voient que l’opposition israélienne y
est pour quelque chose. En effet, deux partis de la majorité
d’Olmert et des formations de l’opposition de droite et
d’extrême droite appuyées par les colons, se sont élevés
contre un éventuel compromis en 2008 avec le président
palestinien.
« Nous rejoindrons immédiatement l’opposition s’il s’avère
que les négociations s’orientent vers un accord permettant
le retour en Israël de réfugiés palestiniens, le partage de
Jérusalem et le démantèlement de localités juives (colonies)
en Judée-Samarie (en Cisjordanie) », a déclaré à l’AFP Yossi
Lévy, porte-parole du parti Israël Beiténou (ultra-nationaliste,
11 élus) dirigé par le ministre des Affaires stratégiques
Avigdor Lieberman.
Même détermination pour le ministre du Commerce et de
l’Industrie, Eli Yishaï, dirigeant du Shass orthodoxe (12
élus), qui refuse « catégoriquement » d’être associé à un
arrangement partageant Jérusalem.
Certes, Olmert, affaibli à cause des accusations de
corruption, n’est pas prêt à affronter ses opposants. Toute
confrontation étant en faveur du chef du Likoud Benjamin
Netanyahu, qui attend son heure dans l’espoir que ses alliés
naturels, MM. Yishaï et Lieberman, se rallient à lui.
Projet de résolution retiré
Mais si Olmert a pris du recul quant aux promesses
d’Annapolis, il n’était pas le seul à le faire. Côté
américain, bien que les Etats-Unis soient engagés dans les
efforts de paix, ils ont retiré vendredi un projet de
résolution au Conseil de sécurité approuvant les décisions
prises cette semaine à la conférence d’Annapolis sur la paix
au Proche-Orient, des responsables israéliens ayant jugé le
document inadapté. Des diplomates israéliens aux
Nations-Unies ont affirmé que s’ils n’avaient aucune
objection à ce que le Conseil de sécurité soutienne les
résultats de la conférence d’Annapolis, ils estimaient
qu’une résolution n’était pas le moyen le plus adapté pour
cela.
Ils ont également laissé entendre qu’Israël n’avait pas été
consulté au préalable sur le projet soumis jeudi au Conseil
par Washington. A l’issue de débats à ce sujet au sein du
Conseil, l’émissaire américain Alejandro Wolff a déclaré que
les « consultations intensives » de Washington avaient
débouché sur la conclusion qu’il existait « un certain
malaise avec ce type de produit », en l’occurrence une
résolution.
« Par égard envers ce que les deux parties (Israéliens et
Palestiniens) estiment être le plus utile, nous sommes
parvenus à la conclusion qu’il serait préférable de
simplement retirer le document », a-t-il ajouté. Le projet
de résolution retiré, que les journalistes avaient pu
consulter, aurait soutenu les décisions prises à Annapolis
et appelé l’ensemble des Etats à en faire autant et à aider
l’économie palestinienne. Bien qu’Israël n’ait, semble-t-il,
pas eu d’objections à ce texte, des observateurs ont estimé
que l’Etat juif redoutait de voir une résolution formelle
donner à l’Onu un trop grand rôle dans le processus de paix
au Proche-Orient. Après le retrait, le représentant
permanent de la France, Jean-Maurice Ripert, a souligné dans
un communiqué l’importance de l’implication de la communauté
internationale. « Nous comprenons les raisons avancées par
les Etats-Unis, mais nous sommes persuadés que l’appui de
l’ensemble de la communauté internationale au processus
initié à Annapolis reste indispensable », peut-on lire dans
ce texte.
Vendredi, lors d’une conférence de presse à Tunis, Mahmoud
Abbass avait déclaré avant le retrait du texte que celui-ci
comptait « parmi les indices de l’engagement américain »,
tout en précisant ne pas avoir de détails sur son contenu.
Mais suite au retrait du projet, peut-on toujours parler
d’un engagement américain ? .
Rania
Adel