Le fait accompli ne fait pas la paix
Morsi Attalla
Je
ne serais pas injuste envers les preneurs de décision
américains en disant que leur manque de connaissance et de
compréhension de l’histoire de la région du Moyen-Orient et
de ses peuples, est à l’origine de l’échec de leurs plans
pour la région. Il s’agit donc de la capacité de
l’Administration américaine à réviser ses positions et à
tirer des leçons des échecs consécutifs des problèmes de la
région avec en tête le conflit arabo-israélien. Ce conflit
est d’ailleurs à l’origine de la majorité des crises
régionales !
Washington est incapable de comprendre que la force
militaire peut servir d’outil de dissuasion temporaire mais
ne peut opprimer la volonté d’une nation, effacer son
histoire, détruire sa civilisation ou anéantir sa culture.
Israël soutenu par Washington pose une condition sine qua
non à la poursuite du processus de paix. Ils veulent que les
Arabes reconnaissent Israël en tant qu’Etat juif où il n’y
aurait pas de place pour les Palestiniens, musulmans et
chrétiens. Ceci est un emploi abusif de la force qui mène à
une haine croissante envers la politique américaine dans la
région.
La véritable crise n’émane pas de l’écart des positions
entre les Arabes et les Etats-Unis. Elle tient plutôt au
climat général qui suscite des craintes quant à l’engagement
américain à parvenir à un règlement politique au conflit
arabo-israélien basé sur la légitimité internationale.
Dans ce contexte, il incombe à Washington d’entamer une
nouvelle ère de relations internationales avec le
Moyen-Orient. Ce, afin d’effacer les séquelles de la
politique de ces dernières années qui n’avait d’autre slogan
que la force. La force qui monopolisait même le droit de
définir les notions et les termes, et qui était capable de
nommer la « résistance » « terrorisme » et de définir la
lutte contre le terrorisme comme un droit légitime
d’autodéfense !
Il est grand temps que les Etats-Unis adoptent de nouvelles
notions. Ils doivent réaliser que leur force doit émaner de
leur capacité de créer la concorde et non du monopole de la
confection des critères des droits de l’homme et des formes
de démocratie. Ceci prouve que les positions de Washington
n’émanent pas de principes fixes mais d’un calcul précis de
ses intérêts. Il se peut qu’un pays soit hier un Etat voyou
puis devienne demain un Etat modéré. En effet, les
appellations changent selon des critères inconstants. Par
conséquent, les modérés d’aujourd’hui peuvent devenir
extrémistes et vilains selon les calculs de demain. Et les
voyous d’hier peuvent devenir demain des raisonnables et des
sages qui méritent les applaudissements et les
encouragements !
Le monde entier doit savoir qu’Israël planifie depuis des
années l’opération de mariage entre la philosophie sioniste
pratique, basée sur l’imposition graduelle de nouvelles
réalités sur le terrain, et la philosophie du sionisme
romantique altéré qui rêve de s’approprier tous les
territoires palestiniens jusqu’à la rive est du Jourdain.
Les Israéliens se sont noyés dans leurs illusions après 1967
lorsque le désespoir et la dépression qui avaient gagné la
Cisjordanie et Gaza leur avaient permis d’ouvrir la porte du
travail aux Palestiniens en Israël et d’ouvrir les marchés
palestiniens comme débouchés pour les produits israéliens et
pour les faire entrer en fraude dans les pays arabes. Les
Israéliens ont cru que la normalisation avec les pays arabes
allait s’imposer avec le temps si les Palestiniens de la
Cisjordanie et de Gaza acceptaient une normalisation totale
leur assurant leurs besoins vitaux et compensant l’absence
des droits politiques et la perte du rêve de l’Etat et de
l’identité !
Mais les illusions des Israéliens ont commencé à se dissiper
avec la guerre de 1973 qui a opéré un large éveil dans le
monde arabe, notamment en Palestine. En effet, les
Palestiniens ont commencé à exprimer leur rébellion contre
l’occupation israélienne. Une rébellion qui a connu son
apogée avec le déclenchement de la première Intifada en
1987. Cette Intifada n’a commencé à s’éteindre que lorsque
les Israéliens se sont trouvés obliger de faire face à la
réalité et d’abandonner leur lutte pour aller à Oslo et
signer le premier accord de paix direct avec les
Palestiniens.
Avec la dissipation de leurs illusions, les Israéliens ont
découvert que malgré leur énorme suprématie militaire et le
développement économique ainsi que le couvert américain dont
ils jouissent, ils n’étaient pas le seul joueur sur la scène
et qu’ils ne sont pas les seuls à déterminer le résultat du
match. Ils ont découvert la réalité qu’ils avaient longtemps
essayé d’oublier. Celle qu’il y a un peuple palestinien et
des territoires palestiniens et que sans la reconnaissance
de cette réalité, l’avenir et le destin de l’Etat hébreu
resteraient suspendus quels que soient les outils d’Israël
et sa force.
La prochaine étape sera l’une des plus importantes et des
plus dangereuses dans l’histoire de la cause palestinienne.
Il incombe donc davantage de conscience, de flexibilité et
de capacité d’éviter les erreurs tactiques et stratégiques.
En effet, le rêve palestinien de l’indépendance, de
l’instauration d’un Etat, de la restitution de Jérusalem et
de la résolution du problème des réfugiés doivent être
au-dessus de toutes les considérations et de tous les
conflits palestiniens.
Pour leur part, les Etats-Unis doivent cesser de soutenir la
méthode israélienne qui considère la carte du fait accompli
comme un espace ouvert aux concessions fondamentales des
Palestiniens en contrepartie de concessions formelles
d’Israël.
Nous voulons une paix réelle et non une paix temporaire. Une
paix qui ne soit pas fondée sur le fait accompli.